10/06/2005
Edouard Fillias
(Digimind) Comment calculer le ROI d'un projet de veille
L'activité de veille atteint désormais
l'âge de raison. Au service de la surveillance de l'environnement économique,
technologique, social des entreprises, les projets de veille se sont multipliés.
Ils ont tous pour objectif d'associer outils et méthodes en vue de la collecte,
du traitement et de la diffusion d'informations dans les entreprises, et notamment
auprès des décideurs. Ils servent à maintenir l'organisation en contact avec les
mouvements de son environnement stratégique et à préparer des décisions au plus
près des réalités.
L'utilité de tels projets est désormais largement reconnue.
Une légitimité acquise par l'expérience, mais dont le gain net est rarement évaluée
de façon rigoureuse. Quel est le retour sur investissement (ROI) d'un système
d'information stratégique ? Combien rapporte un projet de veille ? En quoi
optimise-t-il certains processus informels et quel est son impact réel sur les
décisions des managers ? Des réponses à ces questions dépendent la pérennité
et la crédibilité des systèmes d'informations stratégiques au sein des entreprises.
Cette demande d'évaluation quantitative et non plus seulement qualitative de la
fonction de veille est omniprésente dans les entreprises.
Le retour sur
investissement, ratio financier qui détermine le rendement du capital investi
au terme d'une ou plusieurs années de déploiement d'un projet, est un point de
passage classique de l'évaluation. Une étude du cabinet IDC montre, d'après les
retours de 43 entreprises européennes et nord-américaines, que le ROI moyen pour
un investissement de deux millions de dollars sur cinq années pour un projet de
veille est de 457 %, pour un écart de 17 à 2.000 %. D'après les calculs
menés par Digimind, sur la base des projets conduits avec ses clients, le ROI
d'un projet de veille peut s'élever de six à dix fois la valeur de l'investissement
initial consenti, en intégrant l'ensemble des coûts engagés (outils, hommes et
conseils extérieurs).

L'information et la connaissance sont ardues à
mesurer" |
Il est non seulement possible, mais souhaitable, de se doter d'un indicateur
financier d'évaluation de la veille. D'une part, les résultats obtenus sont rarement
décevants et reflètent ce que chacun pouvait apprécier empiriquement. D'autre
part, le ROI est un indicateur précieux pour les chefs de projets de veille et
leurs clients internes, les décideurs. Il permet de comparer différentes méthodes
de veille avant le lancement d'un projet, de définir des objectifs chiffrés et
de mesurer les résultats obtenus.
Cependant, évaluer les résultats atteints
et estimer les résultats futurs d'un projet de veille est un exercice difficile,
notamment quand il s'agit d'investissements immatériels (logiciel ou conseils),
dont le produit est un flux d'informations. Quand on cherche à évaluer le ROI
d'une nouvelle usine, sa production avérée est un indicateur fiable. De même,
une campagne commerciale pourra générer un surcroît de chiffre d'affaire aisément
quantifiable. L'information, et donc la connaissance qu'elle procure, sont des
matières plus ardues à mesurer.
Les
3 étages de la "fusée" ROI | Pour répondre à cette
préoccupation des entreprises, Digimind a élaboré une méthode d'évaluation du
retour sur investissement des projets de veille en trois étages. Cette méthode
tente de décrire au plus près la réalité des objectifs d'un projet de veille.
Il s'agit de proposer une grille de lecture au manager, au chef de projet, désireux
de disposer d'indicateurs de référence pour évaluer le ROI de la veille.
Le premier
étage : le calcul des gains de productivité La fonction essentielle d'une
veille industrialisée est gagner du temps sur les tâches quotidiennes et récurrentes
de traitement de l'information. Surveillance des principaux sites concurrents,
lecture de l'actualité et partage des informations clefs du jour sont autant d'actions
qui gagnent à être automatisées, rationalisées par un projet de partage des tâches.
Pour un service dont la veille est une composante importante du métier, le gain
est immédiatement tangible : du temps sera dégagé pour l'analyse, jour après jour.
Nous avons observé cette problématique au sein de la cellule de veille d'un grand
laboratoire pharmaceutique. La demande interne en informations ayant crûe fortement
en peu de temps, le responsable de la cellule veille a dû passer d'une veille
manuelle à une veille automatisée pour y répondre. Son ancienne organisation ne
suffisait pas à satisfaire les exigences de rentabilité fonctionnelle de sa direction.
Le deuxième
étage : l'évaluation d'une veille plus fine et plus étendue Un plus grand
nombre de sources sont placées en surveillance : bases de données, sites internet,
blogs. Autant de nouveaux capteurs pour des informations inédites. Il est permis
d'espérer de cette veille plus d'informations pertinentes. C'est donc à la fois
un gain en volume (plus de sources surveillées), en nombre d'informations reçues
et en pertinence. Ce gain peut être évalué par le calcul du coût d'opportunité
d'une telle surveillance : combien aurait-elle coûtée en ressources (temps de
travail, investissements) si elle avait été réalisée sans les moyens d'un projet
de veille ? En se dotant d'un système de veille automatisé, une communauté de
veille peut passer de dix à cinquante thèmes surveillées, à équipe égale, sans
encaisser de surcoûts conséquents.
Enfin, le dernier étage : le calcul des gains de la veille en réseau
Un projet de veille abouti permet l'émergence d'une collaboration inédite de différents
services. Il permet d'enrichir l'information de points de vue variés. Incidemment,
un tel déploiement permet de diminuer les coûts de transaction (réunions, échanges
informels, rédaction de mémos) entre les individus et les équipes. En s'appuyant
sur la loi de Metcalfe (la valeur d'un réseau est égal au carré du nombre de ses
utilisateurs), il est possible d'extrapoler la valeur d'un réseau de veille étendu
à n utilisateurs. Cette dernière est exponentielle, en fonction du nombre total
des utilisateurs.

Synchroniser les acteurs de l'entreprise sur les
mêmes thématiques"
| Par exemple, un grand groupe client de Digimind a décidé de
mutualiser la veille entre ses différents métiers. Un responsable transversal
a été nommé pour coordonner l'ensemble. Ce système a permis la détection de nouvelles
opportunités. Il a favorisé une attitude plus réactive et ouverte sur l'extérieure
de l'ensemble des services. Il a permis l'addition positive des connaissances
et des points de vue de différents acteurs de l'entreprise, qui au préalable n'échangeaient
des informations que de façon fragmentaire et irrégulière.
D'après l'ensemble
des estimations réalisées auprès de nos clients, pour un projet de veille basé
sur une équipe de quatre à cinq personnes et une communauté de participants actifs
de 50 personnes, il est possible d'obtenir des gains de l'ordre de 400 %
à 500 % de l'investissement initial consenti, et ce dès la fin de la première
année du projet. Pour des projets de veille déployé à l'échelle de groupes entiers,
à la condition que leur exécution ait été de qualité, les gains peuvent être beaucoup
plus élevés. Par exemple, pour un projet de veille déployé sur 500 à 1000 utilisateurs,
le ROI peut rapidement dépasser 1.000 % (dix fois l'investissement initial),
à l'issue de deux ou trois années de développement du projet.
Les
trois étages de la veille apportent une valeur croissante, essentiellement fonction
du nombre de participants au projet. La plus grande source de valeur d'un projet
de veille, contrairement à une idée répandue, ne réside pas dans l'automatisation
de la surveillance ou l'organisation de l'archivage des informations. Le bénéfice
le plus important est la capacité de tels projets à synchroniser les acteurs de
l'entreprise sur les mêmes thématiques, à partager leur expérience pour enrichir
les informations recueillies et leur conférer une nouvelle profondeur.
Le
parcours d'Edouard Fillias |
Diplômé HEC et Sciences-po
à Paris, Edouard Fillias est consultant en organisation de projets de veille
stratégique chez Digimind, expert français en logiciels de veille stratégique.
Spécialiste des méthodes et outils de traitement de l'information de veille pour
la production de livrables à valeur ajoutée, il intervient sur les projets stratégiques
de Digimind, en particulier dans les secteurs pharmaceutique, cosmétiques, énergie
et télécoms. Il est l'auteur du white paper Retour sur investissement d'un logiciel de veille stratégique (Digimind, 2005).
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