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22/12/2004

PDG.con : bonnes feuilles
"Ne changeons rien au changement"

Le changement n'est durable que s'il est bien vécu par les collaborateurs.
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"Ex-internalisation"

Référence
Extrait de PDG.con, par Pierre-Henri Sapert-Bocoup (Editions 2020, 91 p., 14,5 €)
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Pierre-Henri Sapert-Bocoup a, comme il le dit lui-même, la lourde tâche de diriger une grande entreprise industrielle, Moudelab & Flouze Industries. Cette entreprise est spécialisée dans la pièce détachée industrielle. S'il effectue un métier passionnant, il le qualifie aussi de sacerdoce. Les solutions pour s'en sortir.

N

ous avons fini par décrocher le contrat tant attendu avec l'Asie au nez et à la barbe de notre concurrent Duraude & Marage, s'empresse d'annoncer Martin-Laville, ce matin là, en comité de direction.
- Toutes mes félicitations à votre équipe. Il s'agit là d'un challenge qui va bouleverser la vie de notre entreprise, m'entendis-je répondre.

Comme intervention de ma part, en voilà une qui relève du plus pur style plan-plan. Mais l'impétuosité caractéristique de XML m'a privé de mon effet d'annonce. Le fond du problème de la croissance d'une entreprise réside dans le changement organisationnel et social qu'elle est capable d'accompagner et de susciter. Je suis convaincu qu'une entreprise est un organisme vivant. Elle ressemble à un écosystème, une sorte de système biologique complexe formé de divers organismes vivants ensemble dans un milieu donné. La végétation, à l'image des activités d'une entreprise, meurt ou se trouve absorbée par d'autres organismes qui ainsi se nourrissent ou, enfin, intègre d'autres écosystèmes. Il existe deux autres caractéristiques d'un écosystème. D'une part, il produit de l'énergie (autrement dit de la valeur ajoutée) et ne dispose d'aucun organe régulateur : c'est là que les dirigeants d'entreprises interviennent. Et c'est sur ce point précis qu'une entreprise peut se distinguer d'un écosystème biologique. Résultat : le changement est inéluctable pour la conservation de l'écosystème. Sans évolution, un système biologique dépérit, sans changement une entreprise meurt ! L'accompagnement du changement : voilà un principe qui gagnerait à irriguer toutes les couches de managers et de collaborateurs, accrochés à leurs racines.

- Vous vous doutez bien que ce contrat va impacter l'ensemble des business units de l'entreprise, notamment la production, dis-je.

Je me tourne vers son responsable, T. Laur :
- Il va falloir augmenter certaines cadences mais aussi diversifier notre gamme de produits et optimiser notre système informatique. Je vous invite à étudier en détail les lignes du contrat avec la direction marketing. Vous allez tâter le terrain auprès de vos équipes pour me trouver des volontaires. Mais ne leur proposez pas la lune, nous n'avons pas les moyens !
- Une astreinte, cela se paye, Monsieur le Président, se risque T. Laur. Bien sûr que cela se paye. Mais là, c'est de la responsabilité du DRH de négocier au mieux le surcoût que cela engendrera. C'est cela qui est pénible dans la vie de PDG. Il y a toujours quelque chose pour venir gâcher tout le plaisir que peut procurer une bonne nouvelle. Les gens ne s'imaginent pas l'existence harassante que l'on mène !

Au bout de six mois, la machine tourne à plein rendement. La production suffit juste à alimenter toutes nos commandes et nous étudions la possibilité d'accroître nos capacités en rachetant des locaux voisins. La possibilité de travail en production continue devient une certitude. Tant pis pour le surcoût salarial, un contrat avec ces asiatiques, dont on dit qu'ils sont les futurs maîtres du monde, ne se refuse pas. Et puis, nous en profiterons pour augmenter nos tarifs l'an prochain : Hubert Henron a l'art de déguiser une hausse délibérée en fluctuations aléatoires des taux de change pour faire passer la pilule.

Hélas, le changement s'avère trop brutal pour mes collaborateurs, dont la plupart sont enfermés dans une routine quotidienne. T. Laur me fait part de la situation :
- La relative paix sociale qui régnait dans nos unités de production ne semble pas avoir survécue au changement d'habitudes. Il y a des mécontents. Ceux qui ont refusé les astreintes au départ et qui maintenant regrettent de ne pas bénéficier des avantages que touchent les autres, mais qui en aucun cas ne se porteraient volontaires si on faisait un nouvel appel à candidature. Ceux qui sont d'astreintes et dont la femme ne supporte plus les absences ou les appels nocturnes. Et il y a les tire-au-flanc qui se font porter pâles quand arrive leur tour ce qui fait que ce sont les courageux qui effectuent la permanence plus souvent qu'ils ne devraient. Et avec les 35 heures, beaucoup se demandent si leurs heures supplémentaires seront vraiment payées. Quant à la réorganisation des chaînes de production, peu de collaborateurs ont vraiment changé leurs habitudes.
- Avez-vous réalisé un véritable accompagnement du changement ?
- Bien sûr, Président, nous avons fabriqué des tee-shirts avec le logo de l'entreprise et racheté un lot de mascottes Footix que nous avons repeintes aux couleurs de l'entreprise. Je me suis inspiré de la formation sur la Corporate Identity que vous nous avez fait suivre il y à un an.

Le voilà, notre véritable calvaire, nous autres, dirigeants d'entreprises. On se décarcasse pour conclure des contrats juteux avec des nouveaux clients et nous sommes incapables de les honorer : le cocktail fait d'une bonne dose de 35 heures, de résistance au changement, de mauvaise foi des collaborateurs et d'une organisation archaïque qu'il faudrait modifier de fond en comble, produit son lot d'effets pervers.

Mais qu'y pouvons-nous ? Les 35 heures ? Aucun gouvernement n'aura le courage de remettre à plat ce qui a provoqué la risée pour nos entreprises à l'étranger. La résistance au changement ? Elle remonte à la nuit des temps. La mauvaise foi et l'incompétence ? Il n'est pas encore né le sociologue qui nous fournira les clés pour nous débarrasser à coup sûr des parasites qui pullulent dans nos entreprises. Une organisation archaïque ? Elle ne peut se modifier que progressivement : à chaque fois que l'on remet en cause une parcelle de pouvoir, nous avons sur le dos les syndicats, le comité d'entreprise, les délégués du personnel, les salariés, quand ce ne sont pas les actionnaires et les clients.

" Il est interdit de changer le changement qui conserve " : voilà bien une maxime qui ne changera pas de sitôt.

Kit de survie

1. Le changement d'un système organisationnel s'obtient plus facilement en déplaçant son centre de gravité.

2. La perte de contrôle sur un système de production résulte généralement de l'incapacité des équipes en place à anticiper l'évolution d'une situation.

3. Diriger signifie de plus en plus contrôler les faits, plutôt que les hommes. Le pouvoir central est de plus en plus la coordination de nombreux pouvoirs, plutôt qu'un pouvoir superposé aux autres.

4. Les meilleurs innovateurs réutilisent systématiquement de vieilles idées comme matière première d'où ils tirent, l'une après l'autre, des idées nouvelles.

5. Plus les entreprises grandissent, plus elles perdent de vue les marchés petits ou émergents. Devenez une machine à innover. Les produits et services assurant plus de 70% des ventes actuelles seront obsolètes en 2010 au regard de l'évolution de la demande des consommateurs et des offres concurrentes.

6. Intégrez la réalité : 50 à 70% des introductions de nouveaux produits sur le marché échouent, essentiellement pour quatre raisons : la mauvaise connaissance des attentes des consommateurs, les problèmes de gestion de stocks, la réticence à allouer des ressources supplémentaires à la R&D et l'approche disjointe de l'innovation à travers les produits et les actions envers les consommateurs et la gestion des stocks.

7. Identifiez les innovations à la fois durables et perturbantes, cette dernière caractéristique étant particulièrement ignorée par les entreprises tentant de protéger leur gamme de produits actuels

8. Acceptez des idées provenant de l'extérieur de l'entreprise.

9. Définissez l'organisation optimale pour passer de l'innovation au produit. Trop de sociétés se focalisent sur la fin du cycle du produit alors qu'elles devraient se concentrer sur la totalité de ce cycle.

10. Développez une vision à la fois en amont et en aval de la chaîne de valeur une flexibilité du développement et de la fabrication des produits. Ne négligez pas l'apport de technologies avancées pour gérer le cycle de vie du produit (PLM : Product Mifecycle Management), la relation client (CRM : Customer Relationship Management) et la planification (APS : Advanced Planning and Scheduling).


"Ex-internalisation"
  
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