29/06/2005
Le business des autoroutes Qui est derrière les sociétés d'autoroutes
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Huit des neuf sociétés d'autoroutes sont encore majoritairement détenues par l'Etat. Une situation qui sera bouleversée d'ici quelques mois avec le processus des privatisations engagé par l'Etat. |
Les 7.973 kilomètres
qui constituent le réseau autoroutier français sont aujourd'hui
entre les mains de neuf sociétés concessionnaires. Parmi elles,
huit sont des Sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (Semca)
et une, Cofiroute, est une société privée détenue
par Vinci (65,34 %), Eiffage et Colas.
Le régime d'exploitation des concessions autoroutières a été
mis en place à la suite de la loi du 18 avril 1955 portant sur le statut
des autoroutes. A partir de cette date, et jusqu'en 1970, des sociétés
d'économie mixte ont été créées pour gérer
les autoroutes et deux tunnels, ceux du Mont-Blanc et du Fréjus.
Puis, en 1970, dans un mouvement de libéralisation, l'Etat a autorisé
l'attribution de concessions à des sociétés à capitaux
privés. Une décision qui a donné naissance à quatre
sociétés privées. Las, dès 1981, trois d'entre elles,
déficitaires, sont revenus dans le giron public. Area est devenue une filiale
de la SAPRR, ASF a repris Escota et la Sanef détient depuis lors 98 % du
capital de la SAPN. "Les grands tenants du marché aujourd'hui sont six sociétés
publiques regroupées en trois groupes depuis 1994 : ASF/Escota, Sanef/SAPN
et (S)APRR/Area. Finalement, seule Cofiroute est à ce jour totalement privée",
explique Jean Mesqui, délégué général d'ASFA (Association des sociétés
françaises d'autoroutes et des ouvrages à péage).
Les
principales sociétés gestionnaires des autoroutes concédées (source
: ASFA et sociétés, chiffres 2004) |
Groupe |
Entités |
Implantation |
Chiffre d'affaires
(millions d'euros) | Statut |
Participation
de l'Etat | Introduction
en Bourse | Groupe
ASF | ASF |
Sud |
2.389 |
Economie mixte |
50,3 % |
Mars 2002 | Escota |
Estérel, Côte d'Azur,
Provence, Alpes | ATMB | |
Mont Blanc |
71,7 |
Economie mixte |
57,8 % |
Non prévue |
Cofiroute |
| Paris,
Centre -Ouest | 862 |
Société privée
(Vinci) | 0 % |
Non prévue |
Groupe
Sanef | Sanef |
Nord et Est |
1.056 |
Economie mixte |
75,6 % |
Mars 2005 |
SAPN |
Paris-Normandie |
Groupe SAPRR |
APRR |
Paris-Rhin-Rhône |
1.510 |
Economie mixte |
70 % |
Novembre 2004 |
Area
| Rhône-Alpes
| SFTRF |
| Tunnel
du Fréjus | 77 |
Economie mixte |
84 % |
Non prévue | |
Une situation qui va évoluer très
rapidement avec l'annonce, courant juin 2005, de la volonté du gouvernement
d'accélérer le processus de privatisation de différentes
sociétés dont l'Etat est actionnaire majoritaire pour financer son
désendettement. Parmi elles, trois groupes autoroutiers dont ASF (Autoroutes
du Sud de la France), encore détenu à 50,3 % par l'Etat. Ce
dernier s'était déjà séparé de 49 % du
capital en mars 2002 par le biais d'une introduction en bourse d'ASF, récoltant
au passage 1,8 milliard d'euros.
L'Etat est aussi actionnaire de la société
des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et de la Sanef (Société des Autoroutes
du Nord et de l'Est de la France), à hauteur respectivement de 70 et 75,6
%. Celles-ci sont également entrées en bourse ces dernières
années, en novembre 2004 pour le groupe APRR-Area et en mars 2005 pour
la Sanef-SAPN. La vente du restant de ces trois participations pourraient rapporter
potentiellement quelque 11,3 milliards d'euros à l'Etat, qui a indiqué
mardi 28 juin qu'il souhaitait se désengager totalement de ces sociétés
dans les huit à dix prochains mois. Une manne pour les grands
groupes privés du secteur du BTP qui lorgnent le marché des autoroutes.
En mars 2002, Vinci, déjà actionnaire majoritaire de Cofiroute,
avait en effet profité de l'introduction en bourse d'ASF pour s'emparer
de 20 % du capital de la société autoroutière. Une première
étape avant une acquisition complète, semble-t-il. Mercredi 29 juin,
le quotidien économique l'Agefi a rapporté que Vinci, conseillé
par la banque suisse UBS, se préparerait à faire une offre sur ASF,
qui est actuellement capitalisée un peu plus de 10 milliards d'euros.
Caractéristiques
des principales sociétés autoroutières (source : ASFA
et sociétés, chiffres 2004) | |
Implantation |
Km |
Concession |
Trafic (Km
parcourus) | Effectifs* |
APRR |
Paris-Rhin-Rhône |
2.225 |
1961 |
15.812 |
3.332 |
Area |
Rhône-Alpes |
384 |
1970 |
4.146 |
1.136 |
ASF |
Sud |
2.484 |
1957 |
26.012 |
5.751 |
Escota |
Estérel, Côte d'Azur,
Provence, Alpes | 384 |
1956 |
6.239 |
1.862 |
ATMB |
Mont Blanc |
384 |
1959 (tunnel) et 1977 (Autoroute
Blanche) | 785 |
340 |
Cofiroute |
Paris, Centre -Ouest |
1.821 |
1970 |
9.343 |
2.012 |
Sanef |
Nord et Est |
1.375 |
1963 |
10.642 |
2.777 |
SAPN |
Paris-Normandie |
368 |
1963 |
3.122 |
785 |
SFTRF |
Tunnel du Fréjus |
80,3 |
1974 |
131 |
157 | | Concernant
le fonctionnement du système des concessions, il a été profondément
réformé en 1984. Depuis, les relations entre l'Etat et les Semca
font l'objet de contrats de plan d'une durée de cinq ans. Ils permettent
de formaliser les engagements de chacune des parties non seulement en matière
de travaux et d'investissement mais aussi de politique tarifaire, d'objectifs
financiers, de politique sociale et de l'emploi, d'insertion dans l'environnement,
etc. Le contrat de plan en cours porte sur la période 2002-2006 et désigne
notamment les nouveaux tronçons à construire. Seul l'Etat peut en
effet décider d'établir un nouvel axe autoroutier et réalise
les études préliminaires pour déterminer la faisabilité
et le coût du projet. Ce n'est qu'après appel d'offres que le projet
de tronçon est confié à une société autoroutière.
Par ailleurs, il faut souligner la fin, en 2001, du système d'adossement
qui autorisait l'Etat à financer de nouvelles sections d'autoroutes, dont
on savait qu'elles seraient peu rentables, par le biais des recettes dégagées
par des tronçons plus lucratifs. En échange, les sociétés
qui se voyaient imposer la construction de tels tronçons bénéficiaient
d'un prolongement de contrat. "Les concessions étaient à l'origine pour une
durée de 30 ans, prolongées par la suite. Les premières devraient arriver à échéance
vers 2028-2032. Les nouvelles autoroutes voient cette durée de concession atteindre
65 à 70 ans", souligne Jean Mesqui. Ce régime a
été abandonné car il desservait les nouveaux opérateurs
et favorisait les sociétés disposant d'ores et déjà
d'un réseau concédé. Désormais, pour financer de nouveaux
tronçons d'autoroutes dont la rentabilité n'est pas assurée,
l'apport public se fait par le biais de subventions.
Le
réseau autoroutier français © ASFA
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Ce financement par l'Etat de sections autoroutières
peu lucratives explique notamment pourquoi la France est en tête des pays
européens par le nombre de kilomètres de son réseau autoroutier.
Toutefois, l'implantation du maillage autoroutier n'est pas de manière
homogène. Sur la carte ci-contre, on peut constater une très forte
centralisation des autoroutes ayant
pour origine Paris tandis que le centre présente d'importantes zones désertes.
De même, la Bretagne ne dispose pas d'autoroute, seulement des voies express.
Mais, dans ce cas, il s'agit d'une volonté politique régionale de permettre
aux usagers de la région de bénéficier gratuitement d'un
transport routier.
Les
sigles des sociétés d'autoroutes |
(S)APRR :
Société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône AREA : Les
Autoroutes Rhône-Alpes ASF Autoroutes du Sud de la France ATMB :
Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc Cofiroute : Compagnie Financière et
Industrielle des Autoroutes Escota : Société des Autoroutes Esterel Côte
d'Azur Provence Alpes Sanef : Société des Autoroutes du Nord et de l'Est
de la France SAPN : Société des Autoroutes Paris-Normandie SFTRF :
Société Française du Tunnel Routier du Fréjus |
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