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BONNES FEUILLES 
 
10/08/2005

Jack Welch "Mes conseils pour réussir"
Licenciement :
les trois grandes erreurs à éviter

Dans ce troisième extrait, l'ancien patron de General Electric raconte trois anecdotes illustrant les pièges à éviter lors d'un licenciement.
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Issu d'un milieu modeste, Jack Welch a grimpé dans la hiérarchie, atteignant le poste de PDG de General Electric, qu'il a quitté en 2001. Sous sa direction, le chiffre d'affaires de l'entreprise a progressé de 364 %. Mes conseils pour réussir, vient de paraître en France, co-écrit avec sa femme, Suzy Welch, ancienne rédactrice en chef de Harvard Business Review. Ce gourou du management est aussi auteur du best-seller Ma vie de patron.


I
l arrive que quelqu'un se plante de façon tellement magistrale qu'il mérite la porte sans plus de cérémonie. Un manager de la division plastiques avait dû être licencié parce que, malgré tous ses diplômes prestigieux et un caractère très agréable, il était complètement inefficace. Une de mes amies, caissière dans un magasin de vêtements, fut renvoyée pendant sa première semaine de travail parce qu'elle avait oublié de demander à la moitié des clients ayant payé par carte bancaire de signer le ticket de caisse. Elle affirme aujourd'hui que si son patron ne l'avait pas mise dehors, elle serait partie d'elle-même. Pourtant, le licenciement pour résultats insuffisants s'impose rarement avec une telle netteté. Les responsabilités et les dérapages qui ont conduit à la situation incriminée sont généralement assez flous.

A lire
"Mes conseils pour réussir", Jack Welch et Suzy Welch (Village Mondial, 2005)
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C'est pourquoi le manager court le risque de tomber dans trois types d'erreur en matière de licenciement : avancer trop vite, manquer de franchise ou faire trop traîner les choses. Pour illustrer la première de ces erreurs, je présenterai le cas d'une de mes amies qui dirigeait une unité de soixante salariés dans une société non cotée de 300 personnes. Celle-ci connaissait une croissance soutenue et tout se passait bien. Il y régnait une culture familiale, ce qui veut dire que les résultats médiocres étaient généralement tolérés au nom de la bonne ambiance. Il n'était pas rare que les salariés pratiquent le covoiturage en semaine et se retrouvent entre eux le week-end. Comme dans tant d'autres petites entreprises, les évaluations prenaient plutôt la forme d'un entretien informel où l'on échangeait des politesses. Une fois promue à la tête de l'unité, mon amie ne tarda pas à se rendre compte que l'un de ses lieutenants, le responsable de la distribution, n'était pas à la hauteur des exigences de cette société en pleine expansion. Pour aggraver son cas, ce cadre, que j'appellerai Richard, était un vrai semeur de zizanie, du type que j'ai décrit dans le chapitre précédent. Il ne ratait jamais une occasion de remettre en question l'autorité de sa chef, donnant libre cours à son humour sarcastique dès qu'il rencontrait ses collègues dans les couloirs.

Dire que Richard était surpris serait un euphémisme"

On ne pouvait pas dire que les résultats de Richard étaient atterrants, mais ils n'en étaient pas loin. Il laissait souvent passer des échéances et semblait incapable de s'occuper d'une logistique de plus en plus complexe. À plusieurs reprises, mon amie lui toucha un mot au sujet de ses faiblesses : en vain. Finalement, après une période particulièrement éprouvante de critiques sournoises dans les couloirs, un client important appela pour se plaindre d'un retard de livraison d'une semaine. Mon amie en avait ras-le-bol : il fallait se débarrasser de Richard. La réunion officielle au cours de laquelle on l'informa de son licenciement n'aurait pu se passer plus mal. Dire que Richard était surpris serait un euphémisme. Il explosa de colère : "Mais ça ne va pas, la tête ? On ne met personne à la porte dans cette entreprise !" Puis : "Vous me le payerez !" Il sortit de la pièce en furie, se précipita dans son bureau à l'autre bout du bâtiment et convoqua une réunion au pied levé des huit personnes de son équipe. En quelques heures, certes, il avait vidé ses affaires de son bureau et disparu, mais il avait aussi mis en branle un mouvement d'hostilité contre la direction. Certains des salariés de l'unité - surtout les amis de Richard - estimaient qu'il avait été renvoyé sans avertissement et ils affirmaient ne plus faire entièrement confiance ni au patron ni à l'entreprise. Dans les semaines périlleuses qui suivirent, la productivité dégringola, car les salariés passaient beaucoup de temps derrière des portes fermées pour discuter du renvoi de Richard, critiquer la méthode employée et se demander qui serait la prochaine victime. Il fallut bien trois mois à mon amie pour rétablir l'équilibre et remettre son unité sur les rails.

La deuxième erreur en matière de licenciement est une variante de celle que nous venons de voir. Elle naît d'un manque de franchise et d'un malentendu sur ce qui est juste. Imaginons que vous avez une commerciale qui s'appelle Gaëlle. Elle n'atteint pas les quotas de vente qui lui sont fixés et ses collègues n'ont jamais vraiment l'impression de pouvoir compter sur elle. Elle sape les résultats et le moral de son équipe. Mais Gaëlle est gentille avec tout le monde, elle fait beaucoup d'efforts et elle est dans l'entreprise depuis des années. Chaque fois que vous essayez de lui parler de ses mauvais résultats, prend la chose avec tant de bonne humeur et d'inconscience que la discussion s'enlise. Vous en venez à dissimuler vos sentiments négatifs derrière un sourire forcé et des conseils mi-figue mi-raisin du style : "Il faut qu'on travaille plus intelligemment." Mais la situation finit par dégénérer en crise. Gaëlle fait une grosse bourde et, sur un coup de tête, vous la renvoyez. Elle est en état de choc et commence à vous rappeler tout le feed-back positif que vous lui avez renvoyé au cours des années passées. Votre réaction consiste à lui accorder une indemnité de licenciement qui vous paraît assez généreuse, vu la médiocrité de ses résultats. Or son indemnité ne la satisfait nullement - c'est un véritable affront à ses yeux - et elle se met en colère. Puis vous aussi, car vous ne voyez pas pourquoi elle est fâchée. Vous estimez qu'elle devrait vous remercier au contraire de l'avoir supportée si longtemps ! Ainsi, avant que vous n'ayez le temps de vous retourner, Gaëlle est passée du choc à la colère, puis de la colère à la rancune au moment où elle prend la porte. Et ce n'est pas forcément la dernière fois que vous entendez parler d'elle.

Gaëlle s'est transformée en "ambassadrice" de votre entreprise"

Songez à la dernière fois qu'un candidat prometteur ou un client potentiel vous ont échappé. Ils avaient peut-être discuté avec Gaëlle, qui s'est transformée en "ambassadrice" de votre entreprise. En effet, tous les salariés qui quittent l'entreprise continuent de la représenter. Pendant cinq, dix ou vingt ans, ils peuvent prodiguer des louanges ou colporter des critiques. Dans les cas les plus extrêmes, des salariés licenciés expriment publiquement leur colère, certains allant jusqu'à faire des "révélations". Si je place ce mot entre guillemets, c'est parce que j'ai vu trop d'entreprises dénoncées à tort par des personnes qui ne cherchaient qu'à se venger à la suite d'un licenciement effectué par un responsable qui aurait pu, et aurait dû, mieux s'y prendre.

Passons maintenant à la troisième erreur : on fait tellement traîner un licenciement que la personne devient une sorte de "mort en sursis". Tout le monde sait reconnaître le candidat au départ, ce dernier compris, mais son patron attend longtemps avant d'appuyer sur la gâchette. Le résultat, c'est un malaise considérable au bureau qui peut conduire à une forme de paralysie. J'ai connu beaucoup de cas de ce genre. Je repense notamment à une réunion tenue au siège quand j'étais directeur de division. Nous étions une dizaine de dirigeants dans la salle, dont l'un de mes pairs - Steve - qui semblait collectionner les mauvais résultats. Avant même le début de la réunion, tout le monde avait deviné que ce dernier était sur le chemin de la sortie. Le malaise ne fit que s'aggraver par la suite. Le président de la séance mit en pièces les résultats trimestriels de Steve et ne lui laissa pas ouvrir la bouche pour se défendre. Selon lui, Steve avait tout faux. À la pause café, tout le monde tournait en rond, évitant Steve autant que possible. Personne n'osait le regarder dans les yeux. Malheureusement, un an allait s'écouler avant son départ. À chaque nouvelle réunion, nous étions au supplice à la vue de ce collègue qui perdait un peu plus sa confiance en lui-même. Nous imaginions bien la paralysie des salariés sous ses ordres. Assistant sans aucun doute au même spectacle navrant que nous, ils ne pouvaient qu'être dans l'expectative de voir débarquer un nouveau directeur.

A lire
"Mes conseils pour réussir", Jack Welch et Suzy Welch (Village Mondial, 2005)
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Pourquoi un patron laisse-t-il la situation dégénérer à ce point ? L'une des raisons est que personne n'aime assumer une tâche aussi ingrate que le licenciement et qu'on le retarde donc aussi longtemps que possible. Mais dans le cas d'un "mort en sursis", un phénomène moins évident peut également être à l'œuvre. Le patron maintient exprès sa victime dans une espèce de no man's land pour que les pairs de celle-ci comprennent - et, en quelque sorte, entérinent - le motif du licenciement. Dans un sens, c'est cruel, mais la plupart des patrons préfèrent passer pour des prudents plutôt que d'être connus pour avoir la gâchette facile. Richard, Gaëlle, Steve : trois exemples de licenciements qui se passent mal. Comment faire pour ne pas tomber dans ces pièges ?



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