Dossier
 
20/02/2007

Neuromarketing : les bases d'une discipline nouvelle

Le neuromarketing permet d'observer scientifiquement, au niveau du cerveau, ce qui pousse le consommateur à l'achat. Sur quels outils s'appuie cette jeune discipline ? Les réponses d'un spécialiste.
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Sommaire
 
 
 

Discipline naissante en France, le neuromarketing consiste, par l'observation de l'activité cérébrale, à analyser les émotions des consommateurs pour savoir avec précision ce qui conditionne leur acte d'achat. Le point avec Olivier Oullier, chercheur en neurosciences et maître de conférences à Marseille, sur ce nouvel outil, dont l'utilisation reste encore très confidentielle.

 

Une discipline apparue au début des années 2000

 
Olivier Oullier, chercheur en neurosciences
 

Aux Etats-Unis, au tout début des années 2000, les neurosciences, qui se sont largement développées lors de la décennie précédente, donnent naissance au neuromarketing. En 2002, une expérience sur Coca-Cola et Pepsi, largement médiatisée outre-Atlantique, lui donne un sérieux coup de pouce.

 

Des tests comparatifs sont menés auprès de consommateurs dont les activités cérébrales sont mesurées à l'aide d'une IRM. Un blind test révèle que les sujets préfèrent le goût du Pepsi à celui du Coca. En revanche, lorsqu'ils savent quel produit on leur présente, leur préférence va à Coca, non à cause du goût mais de l'image qu'ils se font de la marque. En effet, contrairement à Pepsi, une zone supplémentaire s'active dans le cerveau du buveur de Coca - la zone préfrontale - qui correspond à l'estime de soi. Une preuve scientifique de l'efficacité des campagnes publicitaires de la firme d'Atlanta.

 

Une science, des techniques

Il existe dans le cerveau un circuit de la récompense qui indique un message "bien" ou "mal", "gain" ou "perte" pour chaque action. C'est ce que mesure l'IRMf, ou imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, examen qui mesure la consommation d'oxygène dans les tissus du cerveau en fonction des actions du sujet. Contrairement aux méthodes de sondage, l'IRM enregistre une réponse directe, non déviée, transformée ou atténuée par la parole. Ainsi, rappelle Olivier Oullier, "en 2004, une étude menée pendant les élections américaines a permis de montrer que la réaction des démocrates aux images du 11 septembre est plus élevée dans l'amygdale, une zone du cerveau associée à la peur, que celle des républicains, alors que lors d'un simple sondage cette différence n'apparaissait pas."

 

"Il n'y a pas de bouton 'achat' dans le cerveau"

Néanmoins, ne pouvant être transportée sur les lieux de l'acte de consommation, l'IRM introduit un biais dans les tests réalisés, puisqu'elle ne tient pas compte du contexte d'achat dans son ensemble. Pour pallier cette insuffisance, certains chercheurs utilisent alors l'électro-encéphalogramme, qui mesure l'activité électrique du cerveau. Des expériences ont ainsi pu être directement effectuées en supermarché. Mais la technique reste peu fiable à l'heure actuelle. "L'outil est très sensible aux mouvements environnants, aux néons, aux ondes électromagnétiques ou tout simplement aux mouvements de la tête, note le chercheur. En outre, il n'enregistre que l'activité cérébrale de surface alors que la prise de décision sollicite aussi des parties du cerveau plus profondes."

 

Unilever, quant à lui, a opté pour une troisième méthode, comme le rapporte un article du Time Magazine : ses chercheurs observaient les clignements de l'œil des sujets pour savoir si manger de la glace les rendait plus heureux que de manger du yaourt ou du chocolat.

 

Buts et résultats recherchés

 
En savoir plus
 
 
 

Le neuromarketing a son utilité pour définir quels sont les facteurs multisensoriels, affectifs ou émotionnels qui influencent les décisions du consommateur. Prenez une bouteille de soda par exemple. "Sa forme peut être appréhendée à travers plusieurs sens, la vue et le toucher, explique Olivier Oullier. Avec les neurosciences, on va chercher à savoir quels sens priment dans le choix du produit afin d'adapter non seulement la publicité mais souvent le produit lui-même au cours de sa conception. Toutefois, l'approche multisensorielle ne fait pas tout, l'activité des parties du cerveau impliquées dans la mémoire est tout aussi importante."

 

Les applications concrètes du neuromarketing sont très diverses. Ainsi, aux Etats-Unis, les banques utilisent par exemple le neuromarketing pour améliorer la manière de présenter un prêt. Mais le chercheur tient cependant à relativiser les conclusions du neuromarketing : "il ne faut surtout pas croire qu'il y ait un bouton 'achat' dans le cerveau."

 

Une pratique discrète et réservée aux entreprises les plus riches

Peu d'entreprises communiquent sur leur usage du neuromarketing qui, somme toute, donne une image discutable auprès de l'opinion publique. Daimler Chrysler, qui avait commandé une étude et communiqué dessus il y a quelques temps, s'est depuis enfermé dans son mutisme. Sans parler du fait que les résultats du neuromarketing étant réels, mieux vaut ne pas ébruiter sa stratégie et ses méthodes. D'ailleurs, "si les expériences connues se limitent jusqu'ici à quelques dizaines de participants, certaines entreprises ont déjà effectué des tests sur des centaines de personnes sans rien en divulguer", précise Olivier Oullier.

 

"Un test coûte en moyenne 1.000 dollars par personne"

Pour faire du neuromarketing, il faut du temps : six à douze mois pour mener une étude sérieuse. Mais aussi de l'argent. D'après Olivier Oullier, "un test coûte en moyenne 1.000 dollars par personne dans un cadre de recherche privé. De plus, en France, il n'y a pas suffisamment d'IRM pour envisager la location à des fins marketing, contrairement aux USA." En détenir un en propre n'est pas non plus à la portée de tous : "un IRM revient à plusieurs millions d'euros puisque, outre la machine, il nécessite un bâtiment isolé et des scientifiques spécialisés." Selon le chercheur, le neuromarketing ne serait utilisé que par une centaine d'entreprises dans le monde à l'heure actuelle.

 

Un nouveau business pour les prestataires

Des prestataires sont apparus pour répondre aux besoins des entreprises. Mais il faut examiner leur offre de près avant de faire son choix. "Attention aux effets de communication, prévient le chercheur. Il arrive souvent que la prestation proposée ne s'appuie pas sur des expériences scientifiques et n'ait de neuro que le nom et pas le fond." Quelques vérifications s'imposent : la cohérence du prix, la présence d'un chercheur en neurosciences pour la caution scientifique, le laboratoire avec lequel il travaille et le temps que nécessite la prestation. En effet, deux semaines paraissent ridicules pour une mission.



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