Interview
 
02/04/2008

Olivier Saguez (Saguez & Partners) : "La marque, par sa couleur, crée une reconnaissance immédiate"

Quelles sont les significations des couleurs ? Comment influencent-elles les individus ? Les réponses du patron de l'agence Saguez & Partners lors d'un chat.
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Dans son livre Marques et couleurs, Olivier Saguez fait l'éloge de la couleur au travers de son utilisation par les marques, du bleu signant la nouvelle identité de Jeff de Bruges aux diverses teintes d'orange employées par Peugeot PSA ou ING Direct… Rencontre avec le patron de l'agence de brand design Saguez & Partners.

 

En terme de couleur, sur quoi intervenez-vous (produit, identité de la marque…) ?

Olivier Saguez. Mon métier, à la base, c'est d'être designer... et de designer la marque. Ce travail intervient en amont sur le positionnement et sur l'ensemble des modes d'expression de la marque : l'identité visuelle, le packaging, l'architecture, le design produit et le design web. On appelle ça le design global. Et ma pratique est très colorée !

 

"Marques et couleurs" par Olivier Saguez (Editions du Mécène, 2007)
 

"Marques et couleurs" par Olivier Saguez (Editions du Mécène, 2007)

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Quelle est l'importance de la couleur pour une marque ? Vis-à-vis de son identité ?

Un ami et en même temps un grand décorateur de la maison Hermès, Yves Taralon, a dit : "Choisir sa couleur, c'est le premier engagement d'une marque, comme un chevalier choisit ses armes. Une marque, c'est d'abord un produit, une qualité de produit ; la marque le signe, la couleur le reconnaît." On pourrait ajouter que la marque, quel que soit le pays, quel que soit son support d'expression (voiture, sac, enseigne, fond d'écran, pochette d'allumettes), par sa couleur, crée une reconnaissance immédiate. La couleur peut ensuite, au delà d'être une attribution à la marque, être une source de symboles extrêmement universels et d'émotions. C'est pour cela qu'elle est intéressante et qu'elle échappe au marketing qui tient trop au monde du sensé. On touche les gens avec de l'émotion.

 

Comment les couleurs agissent-elles sur l'individu ?

Il y a trois types d'actions simples. La première, la fonction de repère : si je vous dis 'jaune' et que je suis loueur de voiture, que je vous dis 'vert' et que je suis une marque de bière... Vous devinez tout de suite de quelles marques il s'agit. La deuxième est la fonction symbolique : pourquoi a-t-on choisi le rose pour Evian ? Parce que cela représente la pureté de l'eau que l'on donnait dans les maternités. Le rose est la couleur du monde de l'enfant, sans oublier le bleu pâle layette du bouchon. Ce n'est pas un hasard si la publicité a beaucoup utilisé les bébés. Le troisième élément, c'est la fonction émotionnelle. Il n'y a pas un rouge mais des milliers de rouge. La manière dont la couleur est utilisée peut provoquer des émotions différentes.

L'endroit le plus coloré au monde s'appelle la nature et la nature c'est de l'émotion, c'est une explosion de sensations. Cette émotion est universelle : on a tous des yeux et une capacité à observer la nature. Et plus les gens sont pauvres, plus ils sont riches en couleurs. Dans les pays pauvres comme Madagascar, l'Amérique du Sud, peindre sa maison en blanc ou en couleur ne coûte pas plus cher. Comme on ne peut pas s'offrir des matériaux comme le bois, la pierre, on la rend riche par la couleur. Chose que ne sait plus faire l'homme riche de la ville.

En tant que designer, la fonction repère et la fonction symbolique sont la base du travail sur la couleur pour une marque. Ce qui m'intéresse c'est d'aller plus loin et de toucher véritablement les gens par cette fonction émotionnelle. C'est celle qui est la moins travaillée, voire ignorée par le marketing.

 

"On peut détourner, réinterpréter mais surtout pas casser la reconnaissance établie entre la marque et ses publics"

Tiffany Blue, orange Hermès, noir et blanc Chanel... Les marques de luxe doivent-elles avoir leur couleur ou peuvent-elles se permettre de changer selon les modes ?

Une marque ne se définit pas par rapport à une mode. Il ne faut surtout pas changer en fonction des modes et il faut rester soi-même. L'orange d'Hermès, par exemple, n'était pas à l'origine sa couleur. C'était un marron. Pendant la guerre, le fournisseur qui manquait de cette couleur a livré des boîtes de teinture orange. Il se trouve que les gens ont aimé et trouvaient que ça symbolisait la couleur du cuir. C'est donc devenu après la guerre la couleur officielle de la maison Hermès. Dans les années 70, l'orange était très à la mode dans le design. Dans les années 90, c'était une couleur has been. Fallait-il l'abandonner ? Repartir de zéro ? Perdre toute cette histoire ? Ou au contraire être au delà des modes ? C'est ce qu'a fait Hermès.

Dans les signes les plus forts de la marque, il faut si possible définir ses propres couleurs. Après, les couleurs périphériques peuvent évoluer en fonction des nouveaux supports, objets... Il ne faut pas succomber à la mode du changement sur les signes les plus intenses de la marque. Imaginez la France qui change de drapeau tous les cinq ans ! On peut détourner, réinterpréter mais surtout pas casser la reconnaissance établie entre la marque et ses publics. L'effet mode est ce qu'il y a de pire dans mon travail. La marque doit établir des signes de pérennité.

 


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