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14/11/2007

Heures supplémentaires : ce qui pose problème...

La défiscalisation des heures sup est entrée en vigueur le 1er octobre dernier. Mais pour bon nombre d'entreprises, l’application de cette nouvelle loi soulève de grosses difficultés. Eclairage.
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La mesure phare du candidat Sarkozy sur la défiscalisation des heures supplémentaires est entrée en application dans les entreprises. Or au-delà de la mise à jour des bulletins de paie, les DRH font face à un certain nombre de difficultés, en particulier en ce qui concerne le décompte du temps de travail et la gestion des demandes d'heures sup. Et ce ne sont pas la circulaire de 23 pages produite le 1er octobre par la direction de la Sécurité sociale (ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi) ni celle de la réglementation et du recouvrement (ministère du Travail), de 25 pages cette fois, diffusée trois semaines plus tard, qui sont venues arranger les choses.

 

Le problème du décompte du temps de travail

Si, comme le prétend Eric-Xavier Barrère, directeur corporate chez l'éditeur de solutions RH HR Access, la gestion de la paie et les systèmes d'information RH peuvent être adaptés sans problème particulier à la loi sur les heures sup, c'est très certainement dans le décompte du temps de travail que réside la principale difficulté.

 

"Que faire lorsque les salariés dépassent le temps de travail prévu : doit-on mettre en place un système d'autorisation par formulaires ?"

Eric-Xavier Barrère, directeur corporate HR Access

En effet, la première chose à faire est de compter les heures supplémentaires. Et par conséquent, de contrôler le temps de travail. Pour Eric-Xavier Barrère, beaucoup de questions se posent. "Faut-il pointer ou badger ? Lorsque des salariés vont fumer une cigarette, cela doit-il être compté comme du temps de travail ? Et que faire lorsque les salariés dépassent le temps de travail prévu : doit-on mettre en place un système d'autorisation par formulaires ? Doit-on seulement compter le temps de travail supplémentaire comme des heures sup ?"

 

Le plus problématique dans l'application de la loi sur les heures sup est donc indiscutablement le système de gestion du temps de travail, qui doit être à la fois conforme à la loi et équitable.

 

"Or certaines entreprises n'ont aucun système de gestion de temps et des activités (GTA), remarque le spécialiste. Aujourd'hui, le process de demande d'heures supplémentaires est assez manuel et le plus souvent à l'initiative de l'employeur." D'après lui, dans les entreprises telles que les compagnies aériennes ou les hôpitaux, qui disposent déjà de systèmes assez complexes de décompte du temps de travail, l'application de la loi sur les heures sup n'est qu'un épiphénomène. "Mais pour ce qui concerne les entreprises qui n'ont pas mis en place de systèmes de GTA, cela leur donne une excellente raison de s'intéresser au sujet."

 

En effet, l'autre difficulté technique majeure pour les employeurs consiste à déterminer, chaque mois, quelles sont les heures supplémentaires réellement travaillées, seules à pouvoir générer des allègements de charge. Car les lois Aubry, elles, reconnaissent comme du temps de travail "effectif" les temps de pause et d'habillage ainsi que les temps d'astreinte et de formation. Il est également impératif de retirer du calcul des heures qui sera transmis à l'administration les heures payées non travaillées telles que les congés, les jours fériés et les arrêts maladies. Sachant qu'une seule erreur dans la déclaration peut avoir des conséquences très lourdes : un redressement de la part du fisc ou de l'Urssaf, lorsque ce n'est pas un procès aux Prud'hommes.

 

Les problèmes d'ordre organisationnel

Du côté opérationnel, un autre son de cloche se fait entendre. Isabelle Ducart-Dupuis, DRH de la société de conseil Advyso, fait face à un autre type de problème. "Lorsque la loi était encore en projet, nous avons mis en place une communication vers nos salariés pour provoquer échanges et débats sur le sujet. Notre gros problème, c'est que nous n'avons reçu aucun écho !" Pour elle, le diagnostic est clair : "Les effectifs, majoritairement cadres, travaillent déjà beaucoup. Mais surtout, même s'ils ne consomment pas tous leurs RTT, ils considèrent les 35 heures comme un acquis qu'ils ne sont pas prêts à céder et comme une flexibilité qu'ils ne veulent pas perdre. Même s'il serait dans l'intérêt de tout le monde de transformer ces RTT non pris en heures supplémentaires."

 

"Nous avons communiqué vers nos salariés pour provoquer le débat. Mais nous n'avons reçu aucun écho !"

Isabelle Ducart-Dupuis, DRH d'Advyso

Dans d'autres entreprises, c'est l'inverse qui se produit. Dans les cas les plus simples, les salariés veulent "travailler plus pour gagner plus"… mais pas leur employeur. D'où une somme de demandes déçues. Et dans les cas plus compliqués, les salariés effectuent des heures supplémentaires puis en demandent le paiement. Que doit alors faire l'employeur ? Comment prouver que ces heures sup n'étaient pas nécessaires à l'exécution de la tâche, ou qu'elles n'étaient pas demandées ? Pour éviter les iniatives "spontanées", une communication rappelant en particulier que c'est l'employeur qui décide de la réalisation d'heures supplémentaires est fortement recommandée. Le meilleur outil restant encore un contrôle efficace du temps de travail.

 

Autre difficulté notable, l'inéquitabilité d'un dispositif qui devait profiter d'abord aux salariés. En effet, depuis les lois Aubry, les heures travaillées au-delà des 35 premières heures ne sont pas toutes soumises au même régime. C'est par exemple le cas des professions payées en "heures d'équivalences", plus chères mais sans repos compensateur. Pour elles, pas d'exonération. Les cadres au forfait jour comme les ouvriers dont le temps de travail est annualisé ne pourront pas non plus gagner plus. Une sorte de discrimination qui développe immanquablement des frustrations chez toute une catégorie de salariés.

 

Finalement, un mois et demi après sa mise en application, le nouveau dispositif sur les heures supplémentaires fait encore l'objet de beaucoup de perplexité. A l'exception notable de certains groupes, où un système a d'ores et déjà été mis en place pour gérer les demandes d'heures sup. Sur l'intranet de JCDecaux, AG2R ou encore Vinci Park, les collaborateurs peuvent même motiver leurs demandes.

 

Et aussi : la fiche pratique heure supplementaire

 

Sur JDN Management RH  Enquête : Pour sept DRH sur dix, la défiscalisation des heures sup va poser des problèmes d'application

 


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