Interview
 
04/12/2007

Jean-Luc Vergne (PSA Peugeot Citroën) : "On ne peut pas faire évoluer une entreprise sans les représentants des salariés"

En dépit de politiques sociales régulièrement primées, PSA ne manque pas de défis à relever : plan de réorganisation, lutte contre le stress, développement de l'emploi féminin... Le DRH explique sa méthode.
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Jean-Luc  Vergne,
DRH de PSA Peugeot Citroën
Photo © PSA Peugeot Citroën

 

"En matière de ressources humaines, PSA Peugeot Citroën a construit des relations formalisées et constructives avec les syndicats dans les principaux pays où elle opère. [Ses] résultats sont supérieurs à la moyenne du secteur et s'améliorent régulièrement depuis trois ans." Ainsi juge l'agence de notation sociale Vigeo de l'action RH du constructeur automobile. Pourtant, entre un plan de réorganisation qui prévoit la suppression de 5.000 postes en France au deuxième semestre 2007 et la série de suicides de salariés intervenus en début d'année, le groupe est loin de pouvoir se reposer sur ses lauriers. Jean-Luc Vergne, son DRH depuis 2000, semble détenir la bonne recette, mêlant dialogue social permanent et reporting très rigoureux. Rencontre.

 

Vigeo classe PSA Peugeot Citroën premier du secteur automobile, en France et en Europe, pour la promotion du dialogue social. Quelle est votre recette ?

Nous négocions beaucoup, sur des thèmes très variés. Liés au statut des salariés pour certains d'entre eux - classification, retraites… -, liés aux thèmes sociétaux pour les autres - développement de l'emploi féminin, diversité, responsabilité sociétale au niveau mondial… Le plus souvent, nous signons des accords avec les six organisations syndicales du groupe. Et parfois, comme sur la classification et les salaires, sans la CGT. J'estime qu'on ne peut pas faire évoluer une entreprise sans les représentants des salariés. Par conséquent, pour faire évoluer sa culture d'entreprise, PSA Peugeot Citroën passe par des accords. En 8 ans, j'en ai signé 90. Un nombre d'autant plus important que notre ambition est aussi de développer ces politiques au niveau mondial.

 

Comment fait-on pour mettre en œuvre simultanément et efficacement autant d'accords ?

"Nous garantissons l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les promotions et les augmentations"

Notre méthode est la même à chaque fois. Notre politique est énoncée dans l'accord. Nous définissons des process pour la mettre en œuvre. Nous en évaluons les résultats lors d'un suivi auquel nous associons les syndicats signataires. Plus précisément, nous avons mis en place un système de reporting social mondial. Tous ces résultats, indicateurs et tableaux de bord sont reportés dans notre rapport social.

 

PSA est la première entreprise à avoir été labellisée pour le développement de l'emploi féminin. Que faites-vous exactement ?

On trouvait traditionnellement peu de femmes dans l'industrie automobile et en particulier peu de femmes cadres. L'accord, signé avec toutes les organisations syndicales du groupe en 2003, renouvelé le mois dernier, ne comporte que des mesures concrètes. A titre d'illustration, laissez-moi vous en citer deux.

» Au niveau du recrutement, l'entreprise se fixe comme objectif d'embaucher, pour chaque filière professionnelle, une proportion de femmes au moins équivalente à celle des candidatures reçues. En 2006, 28 % des cadres recrutés - donc des bac+5 - sont des femmes, au lieu de 9 % en 1999.

» Pour ce qui concerne la rémunération, à compétences et niveau de poste égal, les salaires sont, chez nous, identiques pour les hommes et pour les femmes. Ce qui pose problème, c'est le plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder aux hautes fonctions et aux hauts salaires. Nous garantissons l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les promotions et les augmentations individuelles.

Si notre politique de développement de l'emploi féminin fonctionne, c'est parce que toutes ces mesures sont très concrètes et bénéficient d'outils de suivi.

Enfin, dans un tout autre registre, à l'époque où j'étais le président d'honneur de l'association Elles bougent, je faisais connaître les métiers de l'industrie aux jeunes filles dans les lycées.

 

PSA fait partie des six entreprises qui ont reçu les félicitations de la Halde pour leur accord sur la diversité. Qu'est-ce qui distingue votre politique en la matière ?

"Nous mettons sur la table les problèmes psychosociaux au travail. Ce n'est plus un tabou."

Nous étions des précurseurs sur la diversité et l'égalité des chances, car nous voulions embaucher des talents représentatifs de nos clients. Mais sans pour autant faire de discrimination positive. Dans l'absolu, ce n'est pas mal : cela permet de redresser le tir et de rattraper le temps perdu pour certaines catégories de salariés. C'est noble et c'est louable, mais cela reste de la discrimination. Nos critères demeurent donc les compétences et les performances. Nous avons été parmi les premiers à mettre en œuvre le CV anonyme, nous recrutons par simulation avec l'ANPE pour les postes d'ouvriers et de techniciens, nous nous sommes fait tester par l'Observatoire des discriminations… Et toutes ces mesures font, conformément à nos habitudes, l'objet d'un suivi très pointu.

 

Face aux suicides de salariés, comme ceux intervenus chez PSA au premier semestre de cette année, les entreprises se retrouvent souvent démunies. Quelle est votre approche ?

L'originalité de PSA, c'est que - comme Carrefour et La Poste, d'ailleurs - nous mettons sur la table les problèmes psychosociaux au travail. Ce n'est plus un tabou. Nous avons confié une enquête au cabinet Stimulus du Dr Légeron, qui a pour objectif sur les sites de Sochaux, Mulhouse et Vélizy d'identifier les facteurs de stress les plus significatifs, d'en évaluer le niveau et enfin de repérer les catégories de salariés les plus exposés. Mais avant cela, de nombreuses actions ont été engagées concernant notamment l'amélioration des conditions de travail et de l'ergonomie ainsi que la sécurité au travail. Nous avons également mis en place récemment un numéro vert et des cellules de veille dans tous les sites.

 

La plupart des médecins du travail - et des syndicats - trouvent que les numéros verts ne servent à rien. Ils empêcheraient plutôt la prise en compte de la dimension collective du problème…

Sur le traitement des risques psychosociaux je ne suis ni préparé, ni compétent : j'ai donc écouté les conseils de différents psychiatres. Ce que je sais, c'est que ce numéro vert peut être utile à certains qui peuvent entrer en contact 24h/24 et 7J/7 avec un psy formé au soutien et à l'accompagnement par téléphone. Ce n'est peut-être pas la panacée et c'est pour cela qu'il y a aussi des cellules de veille. Mais le principe que j'applique toujours, c'est d'agir sans attendre : ce n'est pas parfait mais c'est déjà un début. Et cela ne nous a pas empêchés de nous lancer dans une étude de fond - une première en France - qui aboutira à un plan d'actions complet en 2008.

 

Votre plan de réorganisation prévoit la suppression de 5.000 postes en France sur le deuxième semestre 2007. Comment vous y êtes-vous pris ?

"Nous aidons nos salariés à trouver un emploi à l'extérieur"

PSA Peugeot Citroën souffre d'un déficit de compétitivité depuis 3 ans. Le groupe a beaucoup recruté les années précédentes suite à l'objectif que le groupe s'était fixé en 2002 de vendre 4 millions de voitures en 2006. Cet objectif n'a pas été atteint et le groupe n'a vendu que 3,3 millions de véhicules en 2006. D'où un sureffectif. Pour combler une partie de ce déficit de compétitivité, nous avons décidé, sous l'impulsion de Christian Streiff, de réduire de 30 % les frais généraux et les frais de structure à l'horizon 2010, d'où une nécessaire baisse des effectifs.

 

Notre démarche pour adapter les effectifs est basée sur le volontariat. D'abord, nous avons incité à partir à la retraite ceux dont le total de points le leur permet. Mais attention : pas en pré-retraite ! D'autre part, nous avons mis en place un dispositif d'accompagnement social pour aider les salariés dans leur mobilité interne ou externe avec la création de cellules emploi-mobilité. Nous aidons également nos salariés à créer ou reprendre une entreprise. Et nous les aidons à trouver un emploi à l'extérieur, grâce aux Rencontres pour l'emploi.

 

En quoi consistent ces rencontres ?

Organisées au début de cet été à Poissy, elles mettaient en relation des cadres, des ingénieurs, des techniciens et d'autres salariés avec une vingtaine de grandes entreprises, à l'exclusion de nos concurrents directs. Au lieu des 1.000 personnes attendues, ce sont 3.500 salariés qui s'y sont rendus CV en main. Evidemment, ce n'est pas de gaîté de cœur que je monte ce genre d'opération : je préférerais faire du recrutement qu'inciter les gens à partir. Mais j'ai essayé de faire du mieux possible. J'ai impliqué les syndicats, que je tiens au courant tous les mois, et recueilli l'avis favorable de tous les élus du comité central d'entreprise. Et l'opération a été renouvelée à Sochaux en septembre et à Poissy en octobre.

 

En savoir plus Le site de PSA Peugeot Citroën

 


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