Didier Richaudeau (Equancy) "Le Web Analytics combiné au data mining permet de suivre le ROI des projets digitaux"

Avec l'explosion des données de marketing Web, le consultant prévoit un retour en force de l'exploration de données. Des technologies qui, selon lui, permettront de mieux cibler les clients, et d'optimiser les taux de transformation.

JDN Solutions. Les technologies de gestion de bases de données massives, ou Big Data, sont-elles pertinentes dans le domaine du Web Analytics ?

Didier Richaudeau. Il est vrai qu'avec l'arrivée d'Internet, on a assisté à une explosion des volumes de données. Les bases de données liées à la relation client ont donc beaucoup grossi, comparé aux informations d'achat dont on disposait auparavant. Le CRM est devenu l'e-CRM. Mais globalement, les données nécessaires pour décider n'impliquent pas de reprendre des historiques importants. Le Big Data n'est donc pas forcément nécessaire à ce type d'application.

Est-il pertinent de compléter les outils de Web Analytics par d'autres solutions d'analyse décisionnelle plus traditionnelles ?

L'e-CRM pose en effet la question d'une convergence entre Web Analytics et data mining. Avec les outils de data mining, l'idée est de mieux comprendre le comportement d'un internaute sur un site, en vue de lui proposer des pages Web ou des messages électroniques adaptés à son profil de consommation. Le data mining avait été mis en retrait au moment de l'arrivée de l'e-mail. Il revient maintenant sur le devant de la scène, l'objectif étant de s'appuyer dessus pour optimiser les campagnes digitales et mieux cibler les consommateurs via les canaux numériques.

Tous les secteurs d'activité seront potentiellement concernés par cette problématique. Il est clair néanmoins que les médias digitaux et le commerce en ligne sont plus sensibles aux leviers que peut apporter ce rapprochement. Des acteurs comme Amazon ou CDiscount ont déjà mis en place ce type de dispositif pour mieux cibler leurs clients ou prospects à fort potentiel d'achat, à la fois par mail et sur leur site respectif.

C'est donc de véritables systèmes d'information marketing qui se mettent en place ?

Oui. En amont, des outils de Web Analytics, type Omniture, stockent les données de trafic au sein d'un entrepôt de données, sur la base d'un cookie. Les applications de data mining, comme SAS ou SPSS, viennent ensuite extraire ces données pour cerner les profils à fort potentiel puis les thématiques ou produits à leur adresser. Ces informations sont ensuite injectées dans des solutions de mailing, type Neolane, ou dans les CMS, en vue de personnaliser les messages et pages Web. Ainsi, sur 2 millions de visiteurs, ce processus permettra par exemple de décider d'en cibler 20 000 par mails, et 80 000 par le biais de contenus Web personnalisés par cookie. Une information personnalisée pourra également être poussée vers des abonnés Facebook.
 

"Des modèles de score permettent de cerner les visiteurs à fort potentiel"

L'une des principales problématiques d'un tel projet consiste à tendre vers le temps réel. Pour l'instant, on constate la mise en place de ce processus de personnalisation entre j+1 et j+7.

Schématiquement, comment un outil de data mining aboutit-il à un tel résultat ?

L'application de datamining analyse les données Web à partir d'un algorithme de typologie. En fonction du comportement de l'internaute sur le site, l'outil génère une catégorisation des visiteurs. L'internaute a-t-il consulté une ou plusieurs fiches produits ? Le FAQ ? Est-il revenu plusieurs fois ? A-t-il acheté ? A partir de l'analyse de ces questions, l'outil en déduit des types de comportement de consommation : l'internaute en quête d'une offre pas chère, l'internaute à la recherche d'informations sur un produit avant d'acheter... Des modèles de score permettent aussi de cerner les visiteurs à plus fort potentiel de consommation.

On comprend aussi pourquoi le data mining est d'une grande aide pour calculer le retour sur investissement des canaux digitaux. Les parcours numériques d'achat étant de plus en plus complexes, avec souvent de multiples consultations avant de se décider, le data mining apporte une solution pour savoir quelle visite a été la plus déterminante dans l'acte d'achat.

Pensez-vous que les outils de Web Analytics et de data mining fusionnent à terme ?

Je ne le pense pas, en tous cas à court et moyen terme. Un outil de reporting ne fait pas un outil de data mining. Et, un outil de data mining ne fait pas un outil de gestion de campagnes. Historiquement, ce sont les professionnels du digital ou les profils plus techniques, ayant la main sur les plans de taguage des sites, qui se sont appropriés les applications de Web Analytics. Mais, les utilisateurs du data mining sont des profils un peu différents. Il s'agit la plupart du temps de profils étude ou business analyste possédant une culture forte en matière de statistique.

Il n'en reste pas moins que certains acteurs commencent à étendre de plus en plus leur champs d'action sur ces terrains. C'est le cas d'IBM, avec des solutions comme SPSS Modeler, Coremetrics, ou encore Unica [NDLR acquis en 2010 par le groupe]. Mais d'autres acteurs, comme Omniture, montent également en puissance et ont tendance à proposer les deux types d'outils.


Quelles sont les autres promesses de cette convergence ?

Rappelons d'abord que l'arrivée des solutions de data mining sur le Web plonge le marketing dans un processus de temps réel. Il est en effet possible d'avoir un retour immédiat sur les actions menées, et de pouvoir ajuster les choses. Auparavant, il fallait plusieurs semaines avant de pouvoir avoir un retour sur un mailing papier. La convergence entre Web Analytics et data mining permet aussi de prévoir les ventes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie ou les transports. Prévoir un surcroit d'activité permet aussi de mieux optimiser sa politique de prix.


Dans le domaine des médias digitaux, ce rapprochement permet aussi de concevoir des espaces personnalisés pour les lecteurs, avec des contenus et thématiques qui les intéressent. L'objectif étant de mieux les fidéliser, mais aussi de créer des environnements également personnalisés pour les annonceurs avec des cibles hyper segmentées. Un acteur comme Criteo commence à avoir ce type de raisonnement, mais en recouvrant plusieurs sites. Finalement, Google est sans doute l'un des seuls à le faire aujourd'hui à l'intérieur d'un site à grande échelle.