Fabien Versavau (Rakuten France) "Rakuten envisage le retour du click & collect grâce au drive"

Le JDN poursuit sa série d'interviews sur la réaction des entreprises face au coronavirus. Le CEO de Rakuten France détaille les actions mises en place pour affronter la crise.

Fabien Versavau, CEO de Rakuten France. © Laurent de Broca

JDN. Comment ont évolué les ventes de Rakuten France depuis le début du confinement ?

Fabien Versavau. Sur la partie e-commerce, nous avons fait face à un choc énorme concernant la demande, même si le bilan reste contrasté. Au début du confinement, environ 25% des vendeurs professionnels de Rakuten France ont suspendu leur activité car ils n'avaient plus la capacité de traiter les commandes. Nous sommes un acteur généraliste du e-commerce, réunissant 15 catégories de produits avec un trafic de 17 millions de visiteurs par mois. Comme l'a souligné la Fevad à travers son enquête publiée fin mars, certains secteurs profitent d'un transfert de la demande du physique vers le digital. Chez Rakuten, nous bénéficions du revenu des achats concernant les divertissements et le travail à la maison, aussi bien pour les enfants que les parents.
Depuis début avril, les volumes de vente repartent à la hausse dans un contexte de consommation générale qui reste en berne. En revanche, d'autres secteurs souffrent énormément de la crise, avec une baisse des volumes de ventes à 2 chiffres pour la mode et les accessoires, le mobilier, la décoration et le gros électroménager. Ces catégories sont fortement impactées car elles représentent une consommation de confort alors qu'une grande partie des salariés s'inquiète des conditions économiques. 

Qu'en est-il de l'activité CtoC et des autres branches de Rakuten France ?

Concernant l'activité CtoC, nous observons un recul de l'ordre de 20% depuis la mi-mars. Avec le contrecoup du confinement, les particuliers qui souhaitent vendre leurs produits éprouvent des difficultés à les expédier. Notre application de lecture, Rakuten Kobo, rencontre un grand succès grâce aux e-books et à l'augmentation du temps passé sur les liseuses. Nous enregistrons plus d'un million de téléchargements depuis le début du confinement. Notre plateforme de messagerie instantanée, Rakuten Viber, connaît une augmentation d'usage de l'ordre de 65% alors que Rakuten TV est en croissance de 100%. Dans l'ensemble, le bilan de Rakuten France reste contrasté mais notre force, c'est d'avoir un écosystème de services diversifié qui nous permet de traverser cette crise. 

Quelles actions mettez-vous en place pour traverser cette crise ?

En collaboration avec le gouvernement, nous avons reconfiguré nos équipes pour accompagner les PME qui ne sont pas familières de la commercialisation sur une marketplace. Nous avons mis en place un programme pour les aider à ouvrir des boutiques spécialisées sur notre plateforme, à l'aide de webinars. Le but étant de proposer un modèle économique simplifié. Pour cela, nous offrons l'abonnement et l'accès à la plateforme pendant plusieurs mois. Nous avons également souscrit un accord avec les sociétés de transport dans le cadre de contrats globaux afin de faire bénéficier les vendeurs de prix avantageux pour livrer leurs produits et ainsi poursuivre leur activité. 

Nous sommes la seule place de marché à faire de l'omnicanal, et à proposer du click & collect via Rakuten Instore. Nous ne réalisons pas de ventes en propre mais nous sommes réellement un pure player de la marketplace. Dans le cadre des récents décrets adoptés, les magasins s'organisent actuellement pour mettre en place le drive. Sur ce point, nous travaillons avec les vendeurs afin d'envisager, à très court terme, le retour du click & collect. Enfin, nous avons mené un partenariat entre Rakuten Viber et les personnels de santé afin d'informer sur le coronavirus pour mettre fin aux rumeurs et fausses informations. 

Quelle est votre vision à court et moyen terme ?

Rakuten est présent dans 35 pays. Nous sommes une entreprise globale et notre lecture et analyse de la situation l'est tout autant. Nous sommes prudents sur la dynamique de la reprise et l'évolution de la demande pour les prochaines semaines. A très court terme, entre fin mai et mi-juin, je ne pense pas que nous assisterons à un fort rebond de la consommation. Sur cette phase, nous resterons sur la même tendance que celle amorcée depuis début avril. En se projetant un peu plus, et au regard des plans de déconfinement instaurés dans les pays scandinaves, en Corée et au Japon, on peut imaginer une réouverture des commerces à partir de mi-juin. Dès lors, nous reprendrons nos investissements marketing et nos recrutements. Nous avons une gestion très ROIste de nos investissements. 

Quels changements attendez-vous au sortir de la crise ?

Nous devons accélérer sur la connexion très haut débit. C'est la base qui rend possible le télétravail et le réseau 5G permettra de répondre à ce challenge. Il y a une certaine avance sur ce sujet en Asie du Sud-Est et la France doit s'en emparer pleinement. Le gouvernement devra aussi se pencher sur des solutions pour soutenir la consommation des secteurs actuellement très impactés comme la mode. Ces futures solutions devront être un moyen de propulser la transformation digitale des TPE et PME pour l'ensemble du commerce français.

Diplômé d'un master en management de l'ESC Clermont Ferrand et d'un MBA Essec & Mannheim Business School, Fabien Versavau a évolué pendant 15 ans dans l'univers digital, en débutant sa carrière chez Ford puis Renault. Après avoir travaillé aux Etats-Unis, il devient directeur du développement Europe chez LeGuide.com puis chez SNCF Voyages International. De 2011 à 2016, Fabien Versavau a occupé la fonction de directeur marketing digital du Figaro et, en parallèle, directeur général de Ticketac.com, avec pour objectif de développer les activités digitales et e-commerce. En 2016, il rejoint le groupe Rakuten en tant que directeur général adjoint de Rakuten France avant d'accéder au poste de CEO de Rakuten France en 2018.

Retrouvez toutes les interviews "Face à la crise" ici