Marc Lolivier (Fevad) "2021 sera l'année de tous les dangers pour les acteurs du e-commerce"

Paquet TVA e-commerce, directive européenne ePrivacy, Digital Services Act... Le délégué général de la Fevad détaille les réglementations en cours ou à venir pour l'e-commerce cette année.

JDN. Comment se passent les soldes d'hiver jusque-là ?

Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. © Fevad

Marc Lolivier. Globalement, les soldes d'hiver se passent bien mais le bilan aurait été encore meilleur si elles s'étaient déroulées à la rentrée de janvier comme chaque année. D'autant plus que l'e-commerce bénéficie d'une bonne dynamique ces derniers mois. Nous n'étions pas favorables à ce report et nous n'étions pas non plus demandeurs de la prolongation de deux semaines, décidée à la dernière minute.     

Cette année, l'e-commerce sera impacté par de nouvelles réglementations à la fois européennes et nationales. A quoi les marchands doivent-ils se préparer ?

L'année 2021 sera l'année de tous les dangers pour les acteurs du e-commerce car un certain nombre de textes entreront en vigueur ou sont actuellement en préparation à la fois au niveau national et à l'échelle européenne. La Fevad est très attentive à ces évolutions qui fixent le cadre réglementaire du e-commerce. A commencer par le paquet TVA e-commerce qui entrera en vigueur au 1er juillet et qui implique de nouvelles règles pour les marketplaces. Celles-ci devront collecter la TVA pour le compte de leurs marchands tiers hors Union européenne. Nous participons à des réunions régulières avec Bercy en vue de cette nouveauté.  Parallèlement à l'entrée en vigueur du RGPD en 2018, la directive européenne ePrivacy sur le respect de la vie privée lors de la navigation avec la question des cookies était aussi ciblée. La Cnil a publié les recommandations sur les cookies dont les enjeux sont importants pour les sites marchands. Elle reprend le principe du RGPD en se basant sur la notion de consentement. Ses recommandations seront applicables dès le mois de mars. Dans le même temps, le nouveau texte ePrivacy bloqué depuis quatre ans au Conseil de l'Union européenne a récemment été adopté sous la présidence portugaise. Les nouvelles règles européennes qui entreront prochainement en vigueur se heurteront aux recommandations de la Cnil. Ce sujet à suivre est très important pour les marchands et la navigation sur leur site.

"Le DSA était attendu car, après 20 ans, le mode binaire hébergeur et éditeur ne correspondait plus à la réalité"

Quid de l'impact du Digital Services Act ?

Sans aucun doute, le sujet le plus important est celui du Digital Services Act ou DSA, qui repense en profondeur la directive sur le commerce électronique en vigueur depuis 2000. Cette directive, qui pose le modèle binaire avec l'éditeur et l'hébergeur, est considérée comme la colonne vertébrale du numérique. Elle a permis l'explosion du numérique et bien sûr l'apparition de marketplaces et de multiples acteurs du e-commerce, avec un tas d'activités intermédiaires. Le DSA est entré en vigueur au mois de décembre avec l'ambition de revoir intégralement le régime de responsabilité des plateformes. Le texte était attendu par les professionnels car, après 20 ans, le mode binaire hébergeur et éditeur ne correspondait plus à la réalité. Il reste encore pas mal de points à étudier mais le texte a été bien accueilli en raison d'une approche européenne proportionnée et graduelle. Plusieurs types d'hébergeurs sont distingués en fonction de leur degré d'intervention, et ces catégories intermédiaires sont plus en phase avec la réalité. Mais il faut rester vigilant car des débats vont avoir lieu au Parlement européen.

Sur le volet DSP2, l'authentification forte sera mise en place par les marchands pour l'ensemble des paiements le 15 mai. Le marché sera-t-il prêt ?

La DSP2 représente à la fois un enjeu technologique, financier et social car cela implique d'accompagner les habitudes de consommation en ligne. La montée en charge est progressive et nécessite une bonne coordination de toute la chaîne de valeur. Des réunions hebdomadaires ont lieu avec la Banque de France pour avancer sur le sujet. Le soft decline, qui rend l'authentification forte obligatoire, se fait actuellement par étape, fixée par des seuils de montant. C'est un pilotage fin qui suppose d'embarquer l'ensemble des acteurs que sont les marchands, les banques, les prestataires de paiement. Je suis relativement confiant car il y a une bonne dynamique et une volonté partagée d'avancer de manière pragmatique. Chacune des étapes qui visent à descendre le montant à partir duquel le soft decline s'applique, s'accompagne d'un bilan avec tous les membres de la chaîne de valeur. C'est un chantier qui mobilise un certain nombre de ressources et nous attaquerons bientôt le cœur du sujet, à savoir l'application du soft decline sous le seuil de 100 euros. Le montant moyen des transactions en ligne étant actuellement de 60 euros, le volume de transactions concerné par l'authentification forte augmentera dans les mois à venir et tout au long du semestre. C'est un point de vigilance car plus les demandes d'authentification seront nombreuses, plus la chaîne de valeur sera sollicitée et devra être opérationnelle.

"Certains sites marchands s'interrogent sur la pertinence de maintenir leur présence sur le marché britannique"

Suite à l'entrée en vigueur du Brexit, comment accompagnez-vous les marchands qui vendent leurs produits sur le marché anglais ?

C'est un sujet qui rajoute de la complexité et nous accompagnons les marchands sur le volet technique concernant les procédures douanières, notamment. Cela implique aussi plus de coûts sur le transport et certains sites marchands s'interrogent sur la pertinence de maintenir leur présence sur le marché britannique. C'est un marché déjà compliqué car très concurrentiel et le Brexit n'arrange pas les affaires. La gestion des retours est aussi une source de préoccupation. Avant le Brexit, le Royaume-Uni se classait au cinquième rang des marchés où les sites marchands français décident de s'implanter et la nouvelle situation ne changera pas la donne. A l'inverse, les marchés de l'Europe du Sud sont plus faciles à adresser. 

A l'horizon 2022, les plateformes devront contribuer au principe de responsabilité élargie du producteur (REP) dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. Quel rôle joueront-elles exactement ?

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire impacte l'e-commerce à travers deux dispositions. La première repose sur l'obligation de reprise des produits en fin de vie par la plateforme, via un dispositif de collecte sur le lieu de livraison ou en point relais. Ensuite, les plateformes auront pour obligation de veiller au respect de la loi concernant les produits en fin de vie, ce qui est absolument nouveau. Concrètement, celles-ci devront s'assurer que les vendeurs tiers respectent la loi anti gaspillage au risque d'être tenues responsables. Actuellement, les décrets sont en cours d'adoption. 

Avant de devenir délégué général de la Fevad en 2002, Marc Lolivier a occupé le poste de directeur des affaires juridiques Europe au sein de Reader's Digest Association, un magazine mensuel familial et généraliste.