Bâtir une société 5.0

Alors que le chantier de l'industrie 4.0 va durer une dizaine d'année, se pose déjà la question de l'après face aux transformations majeures que sont le dérèglement climatique, la recrudescence des pandémies, la redéfinition de la mondialisation et l'intensification des flux migratoires.

Quatre défis majeurs

L’importance du premier défi est proportionnelle à l’accumulation continue des gaz à effet de serre émis par les humains dans l’atmosphère. Les dérèglements climatiques augmentent la fréquence et la violence des tempêtes, allongent les périodes de sécheresse, accélèrent la fonte des glaciers, favorisent le recul des côtes, appauvrissent la biodiversité…

Les pandémies, deuxième défi, se répandent plus fréquemment. Au cours des vingt dernières années, la planète a connu cinq crises sanitaires aux conséquences plus ou moins terribles telles que Ebola, la grippe H1N1, le Sras, la grippe aviaire et la Covid-19. C’est le résultat de la surexploitation de zones sauvages et du bouleversement climatique, dont les interactions sont aujourd’hui clairement établies.

Troisième défi, la mondialisation. Elle a redessiné les équilibres industriels mondiaux au cours des trente dernières années. Elle a permis à certains pays de hausser leur niveau de vie (Chine, Asie du Sud-Est). Mais la désorganisation des chaînes d’approvisionnement, provoquée notamment par la Covid-19, a révélé la dépendance des pays occidentaux à certains entrants (paracétamol par exemple) ou produits (masques, respirateurs…). L’autonomie d’un pays se révèle au niveau de cette dépendance.

Enfin, dernier défi, les flux migratoires. Le nombre de migrants ne cesse de progresser. Inévitablement, les réfugiés climatiques s’ajoutent aux réfugiés économiques et politiques. Il faut s’y préparer.

La nécessaire collaboration entre industriels et gouvernements

Ces menaces font peur. Et la peur n’est jamais bonne conseillère.  Doit-on laisser les gouvernements relever seuls ces défis ? Certainement pas. L’entreprise n’est pas seulement un acteur économique ; elle est aussi un moteur social. Elle a un rôle majeur à jouer pour faire face à ces transformations, qui ont déjà des répercussions sur l’organisation et les coûts de production des entreprises industrielles.

L’industrie 4.0 – qui s’illustre par la continuité numérique et la connexion des mondes physique et digital au service de l’efficacité opérationnelle et de la compétitivité – doit redéfinir ses objectifs en passant à l’industrie 5.0 dans le cadre d’une société 5.0. Pour y parvenir, industriels et gouvernants doivent faire équipe.

Cap vers la neutralité carbone

La réponse aux dérèglements climatiques démarre par la décarbonation. Les entreprises industrielles ont en responsabilité la conception de produits et de moyens de production non impactants en CO2. La fourniture par des tiers d’énergie « verte » et son autoproduction sur les sites de production se multiplient déjà.

Pour une exploitation raisonnée des ressources naturelles, l’éco-conception est le meilleur allié. Son but est la recherche d’économies de matière, la frugalité des procédés de fabrication et un « sourcing » le plus proche du lieu de production. Le produit est ainsi questionné depuis sa conception jusqu’à la fin de son cycle de vie.

Maintenir la continuité de service

L’évolution des méthodes de travail en faveur de la collaboration à distance a recentré les nouvelles technologies au cœur du sujet. La gestion à distance de tâches réalisées habituellement in-situ devient possible à distance grâce, notamment, à la continuité numérique, aux objets connectés, la réalité augmentée et l’accès au Saas. L’usine pourra donc continuer de fonctionner même dans un contexte de crise sanitaire.

Vers une mondialisation juste et flexible

Le chemin vers une mondialisation raisonnée est envisageable grâce aux nouvelles technologies qui optimisent la collaboration à distance entre partenaires autour du design d’un produit et le pilotage de la performance de sites industriels. Ces technologies de l’industrie 4.0 réinventent la formation et le transfert de savoir-faire entre les équipes. Avec elles, il devient même possible d’anticiper les pannes de machines et les pénuries de matières premières et de composants.

La flexibilité de l’organisation du travail et l’agilité des lignes de production sont à portée de main. La fabrication personnalisée en sera le point d’orgue, en donnant un avantage aux sites de production proches des clients. Les technologies « phygitales », mariage des mondes physique et numérique, permettront de produire juste ce qu’il faut, là où il faut.

Cela implique également une nouvelle organisation des chaînes logistiques : pluralités des sources d’approvisionnements et rapatriement des productions stratégiques.

Flux migratoires et emploi

Pourquoi ne pas aborder la question des flux migratoires comme une opportunité ? L’automatisation poussée des lignes de production va paradoxalement générer un besoin en main d’œuvre : pour un poste supprimé, cinq autres vont être créés, notamment dans la gestion des données, l’intégration et la programmation de logiciels, la maintenance prédictive ou l’amélioration du service clients. Les pays européens font face à des pénuries de compétences. Ils doivent anticiper ces besoins, aussi bien sur les sites (re)localisés que les sites délocalisés. Créons dès aujourd’hui les cursus qui accompagneront ces évolutions.

L’avenir appartient aux femmes et aux hommes d’ouverture, armés de bonne volonté et d’assez de courage pour faire face à ces défis, en capitalisant sur les victoires de nos aînés et en saisissant les opportunités que nous apporte le monde.

L’industrie 5.0 sera fondée sur quatre piliers : éco-responsabilité, socio-responsabilité, mondialisation juste et flexible et emplois nouveaux. Cette industrie, soutenue par les technologies numériques, est consubstantielle au projet de société 5.0 que nous devons bâtir.