Xavier Lançon (Renault Group) "Plus de 50% des investissements en vidéo digitale en France de Renault seront orientés sur la TV connectée en 2023"

Xavier Lançon, head of digital media du groupe automobile Renault, dresse ses priorités en matière d'investissement, de brand safety et de lutte contre la fraude.

Xavier Lançon, head of digital media du groupe Renault. © Renault

JDN. Vous avez décidé de réorienter cette année plus de la moitié de vos investissements en vidéo digitale en France sur la  TV connectée. C'est une décision très forte, la France étant votre marché historique. Pourquoi ?

Xavier Lançon (Renault). La France est en effet notre plus grand marché et nous avons décidé que plus de 50% des investissements en vidéo digitale en France seront orientés sur un device TV cette année (en CTV au sens large : IPTV et OTT, ndlr). C'est un vrai bouleversement car jusqu'à présent, nous nous étions beaucoup focalisés sur le mobile. Cela s'explique par différentes raisons, à commencer par un changement structurel qui est que tout le monde ou presque dispose d'une TV connectée désormais chez soi. L'usage de la TV ne diminue pas, il a juste changé. Les gens qui historiquement consommaient Netflix sur leur ordinateur ou mobile peuvent le faire aujourd'hui sur un grand écran, avec une expérience beaucoup plus qualitative. On retrouve donc l'audience, des contenus de qualité et des taux de complétion excellents sur la CTV. À cela s'ajoute l'essor des inventaires publicitaires et des nouvelles capacités de ciblage avec la délinéarisation. La CTV nous offre l'opportunité de rapprocher la TV du digital avec les mêmes KPI, modes d'achat, de ciblage, etc. Tout cela nous permet de faire un rééquilibrage entre les différents devices qu'on adresse sur nos contenus vidéo. Mais il y a aussi un autre aspect qui favorise ce basculement : les prix de la publicité en télévision linéaire ont énormément augmenté.

Les questions de brand safety se posent-elles aussi sur ce type d'inventaire ?

Bien sûr, là comme ailleurs il est question d'investir efficacement en préservant l'image de marque. Tous les sujets de brand safety s'imposeront, même si en CTV les technologies semblent encore aux prémisses. C'est aussi primordial pour nous de nous prémunir contre la fraude. Nous savons d'expérience que dès que les investissements arrivent, la fraude suit.

Vous gérez l'activité digitale média pour toutes les marques du groupe Renault sur l'ensemble des leviers (display, search et social) dans le monde. Quels sont aujourd'hui vos principaux enjeux vis-à-vis de la brand safety et de la qualité de la diffusion média ?

Le premier enjeu pour nous, c'est de garantir la visibilité de nos achats médias. Le coût par mille visites (VCPM) est notre premier indicateur de performance pour nos campagnes de notoriété. Nous travaillons également beaucoup la brand safety. Renault était fortement présent dans l'actualité ces derniers temps pas seulement pour la qualité de ces véhicules et sa transition réussie vers l'électrique. Notre ancien PDG a quitté le groupe d'une manière un peu rocambolesque et Renault avait également une très grosse activité en Russie. Quand la guerre a éclaté, il y avait pour le groupe l'enjeu de préserver sa communication et par conséquent sa brand safety et son exposition sur des articles qui pouvaient traiter du non retrait de Renault de Russie, par exemple. La brand safety reste donc un enjeu très important pour nous.

Etes-vous satisfait du degré de granularité offert par les outils de brand safety pour éviter de tout simplement disparaître des sites d'actualité dans un tel contexte ?

Ces technologies ont fait beaucoup d'efforts pour améliorer leur compréhension du contexte d'une page et du sens des articles et pour nous accompagner dans notre capacité à exclure certains mots-clés avec plus de finesse en fonction du contexte et pas dans l'absolu. C'est en tout cas ce que je constate avec Integral Ad Science (IAS), notre outil d'ad verification. Cependant il y a un aspect que l'on n'aborde pas tout à fait dans l'industrie, qui est la question de la fraude sur le SEA et sur les sites, et ça c'est bien dommage.

"Chez Renault, entre 5 et 7% des clics sur le search sont frauduleux"

Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ?

Le business modèle des annonceurs a changé : au-delà des campagnes de notoriété, qui sont optimisées à la visibilité, toutes les autres campagnes de bas de funnel sont activées sur la base d'actions réalisées sur site, en tout cas chez Renault. Et ces actions, comme le remplissage de formulaires, peuvent être simulées par des robots. Cela est lié au display : comme les ad networks sont payés sur la base des visites sur site, certains génèrent du trafic frauduleux. La fraude sur le paid search, est aussi un vrai problème. Nous estimons qu'entre 5 et 7% des clics sur le search sont frauduleux : c'est pour nous le levier qui présente le taux de fraude le plus élevé. Cela signifie que 5% du budget consacré au search est perdu. Ce sont des montants considérables !

Je ne comprends pas pourquoi les outils historiques de vérification de la fraude sur le display, comme IAS ou DoubleVerify, ne proposent pas de solution sur le SEA et sur les sites. On se retrouve à devoir réaliser des intégrations avec des acteurs spécialisés pour chacun de ces problèmes. Ce sont des coûts supplémentaires, de nouveaux acteurs à intégrer, de nouveaux contrats à gérer, de nouveaux indicateurs à suivre… Or, une approche globale de ces différents sujets d'ad verification et de brand safey nous aurait été bien plus bénéfique.