Charles Egly (Younited Credit) "Le point mort de Younited Credit est repoussé de trois trimestres"

Le JDN poursuit sa série d'interviews de dirigeants face au coronavirus. Le cofondateur de Younited Credit évoque la baisse de son activité btoc et son optimisme pour l'après-crise.

JDN. Comment ont été impactés les activités de Younited Credit depuis le début de la crise ?

Charles Egly, cofondateur de Younited Credit. © Younited Credit

Charles Egly. L'activité BtoC a baissé entre 30 et 50% en termes de volumes dans nos cinq pays. L'Allemagne a été très peu touchée. Nous étions même au-dessus du business plan en mars et avril. La France a été plus touchée que les autres pays alors que les mesures de confinement étaient aussi dures qu'en Italie et en Espagne. Je pense que c'est lié au caractère épargnant du Français en période de crise. La baisse de volumes est aussi dû à nos critères. Si nous ne voulons pas subir une hausse du taux de défaut, nous sommes obligés de le resserrer. Nous avons par exemple monté le score minimum auquel on octroie un crédit et demandons plus de justificatifs pour certains profils. En revanche, sur la partie BtoB, nous avons observé une grosse accélération. Nous avons signé beaucoup plus de contrats que prévus pendant cette période. Les entreprises savent que pour maintenir leurs chiffres d'affaires post-crise malgré la baisse du pouvoir d'achat, elles devront proposer différentes solutions de paiement et de crédit à leurs propres clients.

Votre roadmap a-t-elle été chamboulée avec le confinement ?

Nos équipes ont redoublé d'énergie pour lancer de nouveaux produits, de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux partenariats, dont certains n'étaient pas prévu dans la roadmap. Nous avons par exemple lancé un prêt à taux zéro (0,01%, ndlr) destinés aux travailleurs qui sont sur le front comme les médecins, gendarmes, policiers et pompiers. Ils peuvent emprunter jusqu'à 3 000 euros. Younited Credit, et non ses clients, a alloué une enveloppe de 5 millions d'euros pour ces prêts disponibles dans cinq pays. Pour l'instant, nous avons reçu l'équivalent de 1,2 million d'euros de demandes et en avons financé entre 200 et 300 000 euros. Cette offre est valable jusqu'au 15 juin. Nous avons également mis en place des mécanismes de suspension de prélèvement de prêts pendant trois mois pour ceux qui en avaient besoin et sous certaines conditions. Le dernier projet qui n'était pas prévu est un partenariat avec Bpifrance.

En quoi consiste-t-il ?

ll s'agit de prêts rebonds. L'Etat français a débloqué une enveloppe de 300 milliards de PGE (prêts garantis par l'Etats, ndlr). Le prêt rebond est une sous-catégorie du PGE. Il permet aussi de financer et supporter les PME. Des prêts à taux zéro entre 10 et 50 000 euros sur sept ans sont octroyés par les régions françaises et financés par Bpifrance.

"Environ 300 millions de prêts rebonds seront financés par Bpifrance via notre plateforme"

De notre côté, nous opérons la plateforme technologique, il y en a d'ailleurs une par région. Nous avons commencé par la région Auvergne Rhône-Alpes et l'Île-de-France vient de se plugger. L'idée est de débloquer une enveloppe de plusieurs centaines de millions d'euros. On estime qu'environ 300 millions seront financés par Bpifrance via notre plateforme. En ce moment, entre 1 et 2 millions d'euros sont octroyés quotidiennement à travers notre plateforme. 

Le déconfinement amène-t-il les consommateurs à refaire des crédits conso ?

Quand il y a eu les annonces de déconfinement, nous avons enregistré une hausse légère des demandes de crédit sur notre site. 

Quand estimez-vous retrouver votre niveau d'avant crise ?

Sur le BtoC, pas avant janvier 2021. En tout cas, il y aura une baisse des volumes assez forte jusqu'à septembre puis ça va reprendre lentement.

Les perspectives 2020 ne sont donc pas très bonnes...

Nous prévoyons un chiffre d'affaires global à la baisse puisque le BtoC, qui est encore notre cœur d'activité, sera en baisse. En revanche, nos perspectives de chiffre d'affaires dans le BtoB vont être augmentées de 50% en 2020. Nous allons également reculer l'atteinte de notre point mort. Nous pensions avoir un résultat net positif fin 2020. Il sera repoussé de trois trimestres.

Comptez-vous lever des fonds d'ici là ?

Pas spécialement. Nous commencerons à étudier ça à partir de la fin d'année. Nous avons une vision bullish en sortie de crise. Nous pensons que notre activité va repartir fortement. Nous avons d'ailleurs décidé de maintenir, et même d'accélérer, nos investissements tech, data, produit et partenariat.

"Nos perspectives de chiffre d'affaires dans le BtoB vont être augmentées de 50% en 2020"

C'est grâce à notre dernière levée de fonds (65 millions d'euros fin 2018, ndlr). Notre plan de recrutement sur l'année n'est pas gelé. Nous continuons à recruter des gens et les onboardons en télétravail. Nous n'avons pas gelé les augmentations de salaire et nous allons essayer de maintenir les bonus au maximum.

Côté produit, avez-vous prévu des lancements prochainement ?

Nous lancerons à l'été 2020 un coach financier gratuit, sous forme d'application, qui s'appuie sur la DSP2 (directive européenne sur les services de paiement, ndlr). En Espagne, nous en proposions déjà un mais via des web services, pas une application. Nous analyserons les historiques bancaires et les dépenses récurrentes de nos clients et prospects. Si on s'aperçoit que telle personne paie 60 euros d'assurance habitation ou auto par mois et que c'est trop, on pourra lui proposer des offres moins chères. On fera la même chose pour les telco, les frais bancaires… Nous les redirigeons vers des partenaires et nous serons payés ou pas s'ils choisissent le service. Nous pensons que ce projet, qu'on a baptisé "Merlin", est pertinent post-crise. En parallèle, cela nous permettra de donner des conseils en termes de crédit et de réduire le risque de défaut.

Charles Egly a cofondé Younited Credit en 2009. Auparavant, il a passé un peu plus de six ans chez BNP Paribas, à Paris et Hong-Kong. Il est diplômé de HEC Paris.