Etats-Unis : la politique monétaire persistera-t-elle malgré le shutdown et la nouvelle présidente de la Fed ?

Mme Janet Yellen sera la première femme à présider la Réserve fédérale des Etats-Unis. Une révolution qui n'entraînera cependant aucune rupture dans la conduite de la politique monétaire.

Alors que les portes de l’administration fédérale restent fermées, le Président Obama a confirmé son choix en faveur de Janet Yellen pour succéder à Ben Bernanke. 

« Fermeture » de l’administration fédérale américaine

Le shutdown se poursuit alors même que les partisans d’une dotation budgétaire provisoire (continuing resolution) sont suffisamment nombreux à la Chambre des Représentants. Il s’agit alors de permettre les débats autour d’un tel projet de loi malgré le refus du Président de la Chambre, difficulté que certains leaders républicains, comme Mitch Mc Connell, chef de la minorité républicaine au Sénat, s’efforcent de contourner afin de permettre la réouverture du gouvernement et de relever le plafond de la dette.

Quant aux dommages causés par le shutdown, ils sont chaque jour plus manifestes

Les perturbations ainsi provoquées font la une des journaux ; la confiance des ménages est en chute libre, alors que les nouvelles demandes d’indemnisation du chômage ont bondi, les entreprises travaillant pour l’Etat fédéral ayant dû donner congé à leurs salariés [1]. Le Congrès a adopté un texte de loi qui permettra aux fonctionnaires mis à pied d’être payés une fois que l’administration fédérale sera à nouveau en service, tandis que tous les membres du personnel de la défense ont été rappelés à leur poste. Un épisode qui n’en coûtera pas moins quelques dixièmes de pourcentage à la croissance américaine.
Mais la véritable menace, le non-relèvement du plafond de la dette fédérale demeure, alors qu’il n’existe pas de solution alternative : ni le Trésor ni le Président ne peuvent établir de priorités au sein des obligations de paiement (ce qui relève de la politique budgétaire et doit être approuvé par le Congrès) ; quant à la Maison Blanche, elle a exclu les autres propositions (loufoques). 
Ce sera… elle Depuis que Larry Summers a jeté l’éponge, il n’y avait plus de suspense quant à l’identité du futur président de la Réserve fédérale. Mercredi, la nomination de Janet L. Yellen a été officialisée par le Président Obama : elle sera la première femme à mener la politique monétaire américaine.

Après sa confirmation par le Sénat, elle succèdera à Ben S. Bernanke, dont le mandat arrive à échéance le 31 janvier 2014

Janet Yellen, vice-présidente de l’institution depuis 2010, a auparavant dirigé la Fed de San Francisco, après avoir été à la tête du Conseil des conseillers économiques du Président Clinton, fonction qu’elle a prise suite à celui de membre du Conseil des gouverneurs de la Fed.   Au-delà de sa grande expérience de la politique économique, la nomination de Janet Yellen à la tête de la Fed garantit la continuité de la politique monétaire américaine. En qualité de vice-présidente, elle était au cœur des décisions adoptées ces trois dernières années et il n’y a aucune raison qu’elle renonce aux engagements pris pendant cette période.
Sa nomination confère une grande visibilité à la politique monétaire américaine : la définition de la stabilité des prix (2 % pour le déflateur de la consommation privée, selon la définition donnée en janvier 2012) restera inchangée ; la forward-guidance (ou l’engagement à ne pas relever les taux d’intérêt tant que le chômage n’est pas inférieur à 6,5%, sauf désencrage des anticipations d’inflation ; adoptée en décembre 2012) sera maintenue ; la fonction de réaction commandant la troisième vague d’assouplissement quantitatif (QE3) ne sera pas modifiée.
Janet Yellen est considérée comme encore plus « colombe » que Ben Bernanke, point de vue que nous ne partageons pas même si nous en comprenons les sources, tout en notant qu’une telle réputation est par ailleurs bienvenue, compte tenu de la situation actuelle de l’économie américaine. En juin 2012, Mme Yellen, avait présenté des arguments aussi clairs que brillants pour appuyer l’engagement pris par la Fed de changer sa fonction de réaction au lendemain d’une récession provoquée par le désendettement, démontrant que, plus longtemps les taux de la Fed restaient à leur niveau actuel, plus vigoureuse était la reprise par la suite. D’une certaine manière, elle suivait les recommandations de Paul R. Krugman de “faire la promesse crédible d’être irresponsable”.
Elle est ainsi vue par les marchés comme moins encline à combattre le risque inflationniste que la Fed ne l’avait fait par le passé. Janet Yellen a, en effet, été celle qui avait persuadé Alan Greenspan de renoncer à un objectif d’inflation de 0 %, faisant valoir qu’une inflation basse pouvait être une bonne chose. Mais il ne faut pas oublier que Mme Yellen avait aussi milité, avec Laurence H. Meyer, pour une hausse des taux dès septembre 1996. Cette fois, le président ne l’a pas écoutée et a attendu jusqu’en mars 1997 pour finalement se décider.
La présidente nouvellement élue, Janet L. Yellen, est une femme fondamentalement pragmatique, qui ne se trompe pas de combat. Aujourd’hui, s’il y a un combat à mener c’est bien contre le sous-emploi et non contre une éventuelle envolée de l’inflation, qui est en fait trop faible. En septembre, les membres du FOMC indiquaient : « l’inflation devrait, selon les prévisions, rester basse jusqu’en 2016 », alors que l’éventualité de la fixation d’un plancher pour l’inflation était évoquée.

L’économie américaine reste fragile

Les créations d’emplois ont fortement ralenti pendant l’été. Le shutdown ne sera pas sans conséquences, même si ne pas relever le plafond de la dette serait bien pire. En résumé, il n’y a aucune raison de mettre un terme au soutien monétaire que la Fed apporte au travers de QE3.
Les membres du FOMC pesaient, au printemps, pouvoir réduire progressivement le rythme mensuel d’achats avant la fin de l’année. Mais c’était avant l’été … Au début de l’année prochaine, le moment sera peut-être venu pour la Présidente Yellen d’initier le mouvement. Pour son premier relèvement des taux, il faudra attendre plus longtemps.

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[1] Les fonctionnaires fédéraux devront attendre une semaine de plus pour pouvoir prétendre à ces indemnisations : et les prochaines données à paraître seront encore plus négatives.