Intrapreneuriat : l’innovation au service des entreprises

Entreprendre, c'est prendre des risques. Intraprendre, c'est les partager avec son entreprise. Si ce phénomène prend de l'ampleur de l'autre côté de l'Atlantique, en France, il a encore du mal à se faire une place dans le monde des affaires. Explications.

Dans un monde de plus en plus compétitif où tout va très vite, innover est une question de survie. Aller de l’avant, moderniser sa structure, intégrer les nouvelles technologies dans sa façon de faire et de penser, anticiper les prochaines vagues du numérique, adapter son business model en conséquence, moderniser son management et laisser aux collaborateurs le temps et l’espace nécessaire pour créer n’est pas un "plus" mais un "must" pour les entreprises. Si pour certains le mot d’ordre est de "s’adapter", pour d’autres, tout l’enjeu est de "se projeter" : ne pas subir mais contre-attaquer, surprendre, proposer une idée nouvelle qui marquera la différence et qui placera une marque ordinaire au rang de visionnaire.

Dans ce contexte, et ce depuis quelques années, certaines grandes entreprises françaises puisent leur inspiration en interne et misent gros sur l’intrapreuneuriat pour booster l’innovation. Le principe : détacher des collaborateurs pour plancher sur un projet différenciant et les accompagner dans la concrétisation de ce dernier. Problème : cette pratique peine à décoller en France. Pourquoi ?

Frein 1 : des modèles de management trop rigides

En 2018, plus que jamais, le modèle managérial hiérarchique fondé sur le principe que le « haut » pense et décide et que le "bas" exécute est dépassé. Désormais, les collaborateurs doivent être des co-constructeurs responsabilisés et autonomes, engagés dans la réussite des projets de l’entreprise. A l’heure où les notions de parité relationnelle, empowerment, prise de risque, droit à l’erreur et coresponsabilité ont la cote, le monde du travail gagne chaque jour en flexibilité ; une flexibilité nécessaire pour laisser place à l’innovation : souplesse des horaires, espaces moins cloisonnés, organisation de brainstormings, e-working, transparence dans le management… les codes ont changé et le modèle managérial doit aussi évoluer pour être davantage inclusif !

Pour les entreprises, créer un environnement favorable à l’innovation est une mission de première importance. Avant d’aspirer à révolutionner le monde de demain, révolutionner le management et la structure de sa propre entreprise est un passage obligatoire.

Frein 2 : une culture du risque acceptée qu’à moitié

Il y a 50 ans, la durée de vie moyenne d’une société était de 60 ans. Aujourd’hui, elle est de 15 ans. Dans un environnement incertain, détecter rapidement des opportunités de business, les saisir, les exploiter et rebondir est une qualité d’entrepreneur qui vaut de l’or mais qui ne rassure pas les dirigeants. Entreprendre pour innover est, certes, nécessaire mais certaines structures, surtout les plus fragiles évoluant avec des budgets restreints, ne sont pas prêtes ou ne sont pas en mesure de prendre ce risque.

L’intrapreneuriat : une alternative interne réservée aux grandes structures enregistrant des chiffres d’affaires importants et consolidés ? Sûrement. Mais pas seulement. Pour mettre en place un tel programme, au-delà du risque économique qu’il représente, une stratégie interne souple et agile se basant sur cinq axes principaux doit être adoptée : intégrer la notion d’intrapreneuriat dans la politique RH de l’entreprise, mettre en place un incubateur interne, alléger les procédures afin d’encourager l’autonomie et la prise de risque, associer des équipes internes avec d’autres structures, et développer la culture du risque à tous les niveaux – opérationnel, stratégique et décisionnaire.

Frein 3 : une peur de l’échec partagée  

Le troisième grand défi de l’intrapreneuriat réside à diffuser l’énergie entrepreneuriale en interne. Pour créer cette dynamique, trois éléments sont clés : la coresponsabilité, la transparence et la confiance.

Les collaborateurs, parfois issus de différentes équipes, doivent travailler ensemble au profit d’un projet commun : le leur, certes, mais élaboré au nom de l’entreprise qui finance et soutient cette initiative. Une relation de confiance liant les stakeholders est donc indispensable. L’intrapreneuriat, c’est une aventure qui ne se vit jamais seul. Les risques sont partagés. Les résultats aussi. Accepter de monter un projet de A à Z sans pouvoir réellement se l’approprier – comme pourrait le faire un entrepreneur à l’externe – est la condition de la réussite. Les entreprises et les collaborateurs doivent donc jouer le jeu : co-créer, co-décider, accepter de casser les codes, de se tromper, et respecter les responsabilités de chacun dans cette aventure au service de l’innovation.

En France, si la culture de l’intrapreneuriat a du mal à se faire une place dans le monde des affaires, c’est avant tout parce que l’acceptation de l’échec est trop rare. Peu de dirigeants sont vraiment prêts à investir dans des projets où les débouchés sont incertains. Chiffres à l’appui : selon une récente étude sur l’intrapreneuriat dans l’Hexagone, moins d’un tiers des grandes sociétés auraient mis en place un programme permettant à leurs collaborateurs de développer leurs projets en interne. Pourtant, la demande est forte du côté des employés : 72% se disent intéressés par l’intrapreneuriat, un moyen efficace et stimulant de booster le chiffre d’affaires et de peaufiner l’image de marque d’une entreprise. Tant que cette peur de ne pas réussir attisée par les échecs visibles de l’intrapreneuriat ne désemplira pas, rien ne sera possible. Innover, c’est penser, essayer, faire fausse route, ajuster, proposer et réussir. L’accepter, c’est faire un pas vers le monde de demain.