Peut-on licencier par SMS ?

Les nouvelles technologies bouleversent les modes de preuve dans le procès prud’homal. Si le bon vieux courrier recommandé a encore sa place, il se trouve désormais concurrencé par le courrier électronique mais aussi par le SMS. Ce qui suscite des interrogations.

Le régime juridique de l’enregistrement d’une conversation téléphonique faite à l’insu de son auteur est-il applicable au SMS ?

Si, dans le procès prud’homal, la preuve des faits peut se faire par tous moyens, c’est à la condition que ces moyens aient été obtenus loyalement. A défaut, la preuve est jugée irrecevable. Tel est le cas de l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué à l’insu de la personne intéressée (Cass. 2e civ. 7-10-2004 n° 03-12.653 ; Cass. ass. plén. 7-1-2011 nos 09-14.316 et 09-14.667). 


Sur la base de cette jurisprudence, un employeur a tenté de faire valoir que les SMS produits aux débats par la salariée étaient semblables à un enregistrement d’une conversation téléphonique fait à l’insu de son auteur. La salariée prétendait que la véritable cause de son licenciement était son refus de céder aux avances sexuelles de l’un des associés faites notamment par SMS. La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de l’employeur et juge que "si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur" (Cass. soc. 23-5-2007 n° 06-43.209). Pour la Cour, le fait que le SMS résulte d’une utilisation de techniques connues et légitimes rend le mode de preuve loyal et donc recevable.


L'employeur porte-il atteinte à la vie privée du salarié en lisant les SMS figurant sur le portable d'un salarié ?

L’article 9 du Code civil dispose que "Chacun a droit au respect de sa vie privée". Dans l’arrêt Nikon, la chambre sociale de la Cour de cassation a consacré un véritable droit pour le salarié au respect de sa vie privée au temps et au lieu de travail (Cass. soc. 2-10-2001 n° 99-42.942). Sur ces fondements, ainsi que sur le principe du secret des correspondances, un salarié a fait valoir que l’employeur avait porté atteinte à sa vie privée en ayant pris connaissance des SMS qu’il avait reçus sur son téléphone portable professionnel.
 

La Cour de cassation rejette cet argument en jugeant que "les messages écrits ("short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels" (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-14.779). Elle en avait jugé de même à propos du courriel figurant dans la boîte électronique professionnelle du salarié (Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-42.486; Cass. soc. 16-5-2013 n° 12-11.866).

 

La difficulté est que, contrairement au courriel, le SMS n’a pas d’objet. Concrètement, la mention "personnel" ou "privé" dans l’objet d’un courriel permet facilement de l’identifier comme personnel sans avoir à lire le contenu dudit courriel. En revanche, identifier un SMS comme personnel, sans prendre connaissance dans le même temps de son contenu, s’avère être un exercice plus délicat. Toutefois, on peut penser qu’un SMS devrait pouvoir être identifié comme personnel s’il commence par les mentions "personnel" ou "privé".

 

En définitive, la meilleure protection, pour le salarié, reste, à ce jour, l’envoi de SMS par le biais de son téléphone portable personnel.


Licenciement par SMS, le futur ?
   
   

En 2009, la Cour de cassation a validé un licenciement notifié par lettre remise en main propre contre décharge (Cass. soc. 16-6-2009 n° 08-40.722 ; Cass. soc. 16-12-2009 n° 08-42.922). En 2010, la Cour de cassation a également admis qu’une sanction disciplinaire (en l’espèce un avertissement) puisse être notifiée par courrier électronique (Cass. soc. 26-5-2010 n° 08-42.893).

On pourrait donc légitimement penser qu’il n’est pas exclu que la Cour de cassation admette, dans le futur, qu’un licenciement disciplinaire puisse être notifié par SMS, pour autant que les conditions de motivation du licenciement soient respectées. 

Toutefois, il convient de rester très prudent et donc d’éviter, en l’absence de décision à ce jour de la Cour de cassation, un tel mode de notification, d’autant qu’il pourrait être jugé vexatoire.