Et si Google Analytics devenait illégal en Europe ?

Le sujet RGPD fait couler beaucoup d'encre en ce début d'année 2022. Après les amendes records de la Cnil à destination des géants Facebook et Google en France, le groupe Alphabet est à nouveau dans le viseur des autorités européennes.

Le 13 janvier dernier, la Datenschutzbehörde (l'autorité autrichienne de protection des données) s'est positionnée défavorablement sur la légalité de l'utilisation de Google Analytics. Le recours à cet outil de la web analyse ne serait pas conforme au RGPD.

Pour paraphraser une chanson célèbre, c’est peut-être un détail pour vous, mais pour le monde de la data analyse ça veut dire beaucoup. Tâchons de comprendre pourquoi cette décision est un signal fort pour le traitement des données en Europe et quels sont les impacts pour vous.

Une conformité au RGPD de Google Analytics contestée

Google Analytics est dans le collimateur des entités chargées de l’application du RGPD.

Les autorités autrichiennes reprochent à l’outil un déplacement des données vers des serveurs américains sans que ces données soient suffisamment sécurisées.

Emboîtant le pas de l’Autriche, les Pays-Bas ont également déclaré enquêter sur Google Analytics.

L’association Noyb (None Of Your Business) aurait déposé une centaine d’autres dossiers auprès des autorités de protection des données de l’U.E.

Le Privacy Shield ayant été invalidé par la Cour de Justice de l’Union Européenne en juin 2021, les transferts de données européennes vers les États unis ne sont plus conformes au RGPD.

C’est cependant sans compter sur les actions de Google qui presse pour un nouvel accord USA / UE pour remplacer le Privacy Shield.

Pour rappel en France, la solution Google Analytics ne peut pas faire l’objet d’une exemption de consentement CNIL (pour le moment). Les données n’étant pas exploitées pour un usage exclusif d’analytics des administrateurs des sites et des applications concernées mais partagées par Google.

Face à la montée de ces risques, on pourrait proposer une solution d’une simplicité biblique : changer de fournisseur de solution. Même si ce choix peut paraître simple, il n’est toutefois pas sans conséquence.

Passer de Google Analytics à une autre solution peut se révéler complexe.

En effet, une stratégie de changement d’outil peut s’avérer judicieuse pour prévenir des risques juridiques (amendes, condamnations) mais aussi des impacts négatifs sur l’image publique des (nombreuses) organisations utilisant Google Analytics.

D’accord, mais Google Analytics qu’est ce que c’est ?

Pour beaucoup, c’est LE seul outil de web analytics pour web et app (via Firebase).

Sa part de marché est écrasante.

En 2021 selon statistica les outils Google de mesure d’audience représentaient 74% des parts de marché et c’est bien normal, Google Analytics est très souvent utilisé dans sa version gratuite.

La solution a des avantages conséquents : elle dispose d’une version gratuite, facile d’implémentation et d’utilisation.

D’autre part, il est possible de profiter de la connexion entre Google Analytics et Google Ads pour piloter plus efficacement ses campagnes d’acquisition.

La plupart des ressources et formations sont mises à disposition gratuitement par Google.

Les compétences en analytics sont donc très développées et courantes pour l’utilisation des outils Google, et sont logiquement plus rares pour les autres outils (dont certains comme AT Internet / Piano Analytics sont des acteurs historiques ou Content Square, une licorne française).

Même si aucun changement d’outil ne se réalise en un claquement de doigts, il est certain que le marché de la web analyse a pendant longtemps marché au rythme des actions de Google.

Ainsi, une migration certes nécessaire ne se fera pas sans impact surtout vu le contexte de quasi monopole de Google.

Quels impacts pour changer d’outil ?

Au-delà de ces considérations juridiques et comme le disait Fernando Pessoa “il faut se préparer au pire et espérer le meilleur”, voici les grands axes à prendre en compte en cas d’un changement d’un outil.

Changer de fournisseur n’est jamais un projet simple surtout concernant un outil collectant des données contribuant au pilotage de votre activité numérique.

En évoquant le pilotage, le premier élément à prendre en compte c’est évidemment déterminer les impacts sur les tableaux de bord et sur vos indicateurs de performance.

Tout d’abord, il convient de s’interroger sur la façon dont sont calculés vos indicateurs et lesquels sont alimentés avec des données Google Analytics.

Dans le cadre d’une migration vers un nouvel outil, il est également important de comparer la façon dont sont calculées les métriques entre Google Analytics et la solution cible.

Même si les métriques diffèrent peu d’une solution d’analytics à une autre, la méthode de calcul peut induire des différences qui impacteront vos tableaux de bord in fine.

Il est également important d’anticiper ces problématiques lors de comparaison des résultats sur deux périodes ou/et deux outils.

Enfin il faut prendre en compte la solution permettant de mettre à disposition ces tableaux de bord pour anticiper les impacts : est-ce directement dans Google Analytics ? Dans une solution de data visualisation ?

Une fois évoquée la visualisation et le pilotage des données, on peut s’interroger sur l’origine des données; c’est-à-dire leur collecte.

Lister l’ensemble des applications et sites trackés ainsi que les événements marqués sont des pré-requis pour anticiper une éventuelle migration.

De même, les liens de campagne vont nécessiter une modification pour suivre les performances de vos campagnes d’acquisition dans votre futur outil.

En plus de ce marquage technique, si vous recourez à la solution de tag management de Google (Google Tag Manager) c’est potentiellement un risque compte tenu des retours des organismes de protection de la donnée sur les solutions de collecte made in Google.

Si nous venons d’évoquer des aspects très techniques, il est aussi nécessaire de prendre en compte la formation des équipes que ce soit métier ou tech à l’utilisation de la nouvelle solution. Une identification des profils utilisateurs au sein de votre organisation et un programme de conduite du changement, de formation vers le nouvel outil.

Enfin, dernier aspect et pas des moindres, celui du coup, peu de solutions (hors matomo en hébergement privé) proposent la gratuité pour un outil de web analyse.

Il faudra donc prévoir un coût de licence pour disposer de données web analyse en plus du coup de cette migration.

Une chose est sûre, des alternatives solides et plus respectueuses des données utilisateurs existent.

C’est aussi une opportunité pour affirmer une gouvernance des données et d’un internet moins polarisé autour de géants technologiques tout puissants.