06/07/2005
Qui peut défier
le dollar ? La
Chine finance la dette américaine en assurant sa croissance
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L'interdépendance
entre la Chine et les Etats-Unis n'est plus un mystère. L'exportation des produits
du premier permet de financer la dette du second. |
Plus les Etats-Unis s'endettent,
plus ils s'enrichissent. Tous les indicateurs le montrent aujourd'hui :
les principales banques centrales du monde financent le déficit
américain dont la dette extérieure est estimée
à plus de 3.000 milliards de dollars. Parmi les principaux
créanciers du billet vert, figurent en bonne place les
pays asiatiques, Japon, Chine et Corée en tête.
Ceux-ci accumulent des montants considérables de réserves
en dollars pour conserver le même taux de change entre
leur monnaie et le dollar, et conserver intacte leur compétitivité.
Ainsi, la monnaie chinoise, le yuan (ou Renminbi) s'échange
depuis 1995 au taux de 8,28 pour un dollar.
Ce taux de change, jugé largement sous-évalué,
permet à la Chine de favoriser les exportations, en particulier
vers les Etats-Unis dont elle est devenue le premier fournisseur.
Sur l'année 2004, les Américains ont importé
pour près de 125 milliards de dollars de produits chinois
(12 % des importations). En retour, la Chine réinvestit
l'argent gagné en valeurs américaines et finance
ainsi l'endettement américain. Pour preuve : 60
% du stock de réserves de la banque centrale chinoise
(659,1 milliards de dollars à fin mars 2005) est aujourd'hui
en dollars. Et, selon les statistiques américaines, la
Chine détiendrait pour 174 milliards de dollars de bons
du Trésor US.
Une
baisse de 25 % du dollar coûterait 5,7 points
de croissance à la Chine
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"Les deux pays y gagnent pour
le moment mais c'est aussi un risque pour l'un et l'autre, indique
Jonathan Story, professeur d'économie politique internationale
à l'Insead et auteur de Chine, un marché à
conquérir. La Chine y gagne parce qu'elle finance
ainsi ses exportations vers les Etats-Unis. En échange,
les consommateurs américains reçoivent des produits
à bon marché et cela maintient les prix à
bas niveau. De la sorte, le président Bush finance le
déficit de la balance courante et la dette générale.
Les deux pays sont donc dans le même bateau."
Outre les exportations, la Chine a aussi tout intérêt
à maintenir sa croissance économique (9,5 %
par an en moyenne entre 1997 et 2004), ne serait-ce que pour
financer les dettes des entreprises étatiques et maintenir
l'emploi (le taux de chômage, bien supérieur aux
données officielles, devient un problème majeur
en Chine). Cependant, le risque pour la Chine est surtout d'importer
de l'inflation en sous-évaluant le yuan. Une situation
qui n'est pas encore à l'ordre du jour, dans la mesure
où le pays dispose de ressources inutilisées,
notamment au niveau de la main d'uvre.
"Mais le principal risque pour la Chine est une fuite des
capitaux investis aux Etats-Unis vers d'autres pays en raison
d'un trop fort taux d'endettement américain. Dans ce
cas, la Chine serait emportée par la chute du dollar",
souligne Jonathan Story. Selon le Centre d'études prospectives
et d'informations internationales, une dépréciation
de 25 % du dollar se traduirait par une perte de 5,7 points
de PIB pour la Chine. Un risque difficile à minimiser
dans la mesure où la Chine ne peut pas se permettre de
diversifier trop visiblement son portefeuille. Elle a cependant
engagé, tout comme le Japon également très
gros financier de la dette américaine, un mouvement de
repli en achetant de l'or et des euros pour se prémunir
d'une éventuelle chute du dollar. Les montants achetés
ne sont pas précisément connus.
En
cas de chute du dollar, la Chine serait directement touchée."
Jonathan Story, Insead |
Concernant le problème actuel
de la libéralisation des échanges sur le marché
textile, la monnaie pourrait aussi y jouer un rôle. Dans
les années 70, l'Allemagne et le Japon ont eux aussi
mené, comme la Chine, une politique de change favorisant
leurs exportations vers les Etats-Unis, refusant de réévaluer
leur monnaie. La réaction des USA pour mettre fin à
cette situation a été une surtaxe sur les droits
de douane. Une mesure possible aujourd'hui à l'encontre
de la Chine, même si la dépendance des Etats-Unis
est plus forte actuellement que vis-à-vis de l'Allemagne
et du Japon il y a trente ans.
"En essayant de se protéger
de la compétition de la Chine, le risque pour les Etats-Unis
est surtout de contribuer à une amélioration de
la valeur ajoutée des firmes chinoises textiles, majoritairement
privées. En effet, toute mesure de protection fera en
sorte d'accélérer le déclin du secteur
textile américain ou européen car ces mesures
protectionnistes inciteront les Chinois à être
encore plus compétitifs qu'ils ne le sont actuellement,
notamment au niveau des coûts de fabrication. D'une manière
générale, le protectionnisme se révèle
néfaste aux secteurs protégés et aux protecteurs",
conclut Jonathan Story.
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