Carrière
RUBRIQUES
Dossier
09/05/2007
Philippe Ravisy (Avocat): "Une relation entre collaborateurs ne doit pas perturber l'organisation du travail"
Comment la loi réglemente-t-elle les liaisons amoureuses en entreprise ? Le point avec Philippe Ravisy, fondateur de Ravisy&Associés, cabinet d'avocats spécialisé dans la défense et l'accompagnement des cadres.
Que dit le Code du travail quant aux relations de couple entre collaborateurs ? C'est simple, l'entreprise n'a pas le droit d'édicter des règles à ce sujet, même dans le règlement intérieur. Ce serait de la discrimination sur la situation de famille au titre de l'article L 122-45 du Code du travail. Ainsi, Air France, qui auparavant stipulait dans sa convention collective le fait qu'une hôtesse de l'air devait être non mariée, a dû revoir sa copie. Et toute règle concernant un sentiment d'affection serait une atteinte à la vie privée, donc sanctionnable au pénal comme au civil.
Il existe cependant des entreprises qui, dans la pratique, instaurent l'usage du "pas d'histoire de cur sérieuse au travail". C'est d'ailleurs une règle verbale courante dans les cabinets d'audit. Par exemple, du temps d'Arthur Andersen, l'usage voulait qu'en cas de relation de couple, une des deux personnes quitte l'entreprise. Usage respecté et tout à fait compris par les collaborateurs car transposé d'une culture américaine à celle de la France, de manière officieuse.
Et la jurisprudence ? La jurisprudence est très sévère avec les employeurs quant à la discrimination. Il peut arriver par exemple qu'un membre du couple démissionne de l'entreprise, aille chez un concurrent et que l'autre soit licencié sous prétexte de risque concurrentiel. Sauf à apporter la preuve de l'atteinte, l'employeur a tort. De même est discriminatoire le refus d'un employeur d'embaucher une personne dont le conjoint travaille chez un concurrent.
Une relation de couple au travail ne peut-elle pas entraîner un licenciement ? Je tiens d'abord à insister sur le fait que ce type de relation est autorisé sur le lieu de travail. Néanmoins, elle ne doit pas porter atteinte à l'organisation du travail, que ce soit pour le couple lui-même ou les autres collaborateurs. Le couple en question doit garder une certaine distance et exclure toute activité d'ordre non professionnel qui empièterait sur le temps de travail. Au quel cas, l'employeur serait en droit de sanctionner le couple par un avertissement, voire plus si rien ne change. Ainsi, un collaborateur qui ne peut pas justifier de son indisponibilité risque effectivement, à terme, un licenciement.
En cas de licenciement abusif, quels sont les recours pour l'employé ? Il faut distinguer deux cas. Tout d'abord celui d'un couple non marié. Tout abus de l'employeur qui licencierait un membre du couple peut être vu comme une atteinte à la vie privée. Le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse. Si le couple est marié, il s'agira d'un licenciement discriminatoire, donc nul. La personne pourra demander sa réintégration à l'entreprise.
Y a-t-il d'autres risques possibles ? Si aucune sanction directe n'est possible contre une relation de couple, la réalité crée parfois des situations compliquées. Par exemple, un manager qui aurait tendance à surnoter et offrir des promotions illégitimes à une collaboratrice pourrait s'en mordre les doigts. Cette relation peut un jour ou l'autre se solder par un échec, suivi par un arrêt des promotions, voire une rétrogradation de la collaboratrice au poste qui devrait être normalement le sien. Si elle ne comprend pas ce changement, le manager court un risque majeur d'accusation de harcèlement sexuel. Il va sans dire que la rupture du principe d'égalité due à ce favoritisme initial poserait également problème avec les autres collaborateurs.
Le site du cabinet d'avocats Ravisy&Associés Code du travail : Article L 122-45
|
Découvrez le nouveau classement Forbes des milliardaires du monde. Lire