Interview
 
10/10/2007

Laurent Terrisse (Non Profit) : "Faire de l'éthique un argument concurrentiel vis-à-vis des investisseurs"

Lors d'un chat, le directeur de TBWA Non Profit, agence de communication non marchande, a expliqué comment les marques peuvent travailler leur éthique et quel est leur intérêt à le faire. Chiffres et exemples à l'appui.
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Qu'est-ce que "Valeur sociétale ajoutée" ?

Laurent Terrisse. La Valeur sociétale ajoutée d'une marque, c'est le nom que nous avons donné chez TBWA à la dimension responsable d'une marque, entreprise ou produit. Par exemple, une marque de voiture qui s'efforce de moins polluer.

 

Que fait Non Profit ?

Non Profit est l'agence au sein de TBWA qui aide les ONG ou associations, mais aussi les entreprises et les marques qui s'engagent sur des sujets de société, à faire bouger le public sur des sujets d'intérêt général : environnement, emploi, droits humains, sanitaires… Donc nous faisons de la communication : publicité, mais aussi actions événementielles par exemple.

 

Certaines marques ne feraient-elles pas mieux de s'abstenir de communiquer, surtout lorsqu'elles ne sont pas irréprochables ?

Oui, c'est en tout cas ce que nous leur disons : avant de prendre la parole sur des sujets non marchands, les acteurs du marchand doivent revoir leurs méthodes et ce qu'ils peuvent faire pour les améliorer. Pour cela nous leur recommandons de travailler avec les ONG qui s'occupent de ces sujets. On ne parle presque plus de green washing mais d'ethical washing et nous pensons que toutes les marques y viendront. Le green washing, c'est quand une marque, par exemple dans une publicité, montre des éoliennes alors qu'elle produit surtout du CO2. Dans le même ordre d'idée, l'ethical washing c'est, par exemple, si elle fait des actions de bienfaisance pour des personnes en difficulté tout en étant inhumaine dans certains de ses comportements. Les associations et le Bureau de vérification de la publicité (BVP) commencent à dénoncer ce type de publicité… et vous, j'en suis sûr, à les repérer...

 

"Depuis 2005, les ONG et associations deviennent, aux yeux des politiques et des entreprises, des acteurs crédibles"

Comment une entreprise peut-elle travailler avec une ONG ou une association de consommateurs ? Est-ce souhaitable ? N'est-ce pas une stratégie de façade sans réel engagement derrière ?

On peut effectivement trouver gênant le mélange des genres marchand-non marchand. Mais les ONG elles-mêmes, par exemple dans le domaine des droits de l'homme il y a quelques années, ont compris qu'il était parfois plus efficace, pour faire levier sur les politiques, sur les grandes organisations ou sur les comportements, de persuader une entreprise de s'engager que d'obtenir une loi (bien que la loi, entendons nous, soit indispensable). Par exemple, quand le groupe Accor a décidé de s'engager partout dans le monde contre l'exploitation sexuelle et commerciale des enfants, cela a entraîné beaucoup d'autres et fait changer les mentalités dans beaucoup de pays. Cela dit, les ONG doivent bien sûr être très prudentes et "prendre une longue cuillère pour déjeuner avec le diable du commerce", mais, croyez moi, elles le sont.

 

Quels sont le rôle et l'influence des ONG par rapport aux entreprises ? Comment interviennent-elles ? Y a-t-il d'autres acteurs influents ?

Il y a d'autres acteurs influents, mais le phénomène marquant depuis 2005 est que les ONG et associations deviennent, aux yeux des politiques et des entreprises, des acteurs crédibles (aux yeux du public elles sont légitimes depuis longtemps). Elles ont amélioré leurs capacités de lobbying, de communication, d'analyse et de proposition On le voit en ce moment dans le Grenelle de l'environnement.

 

Photo © Liang Wu/JDN

Que pensez-vous du modèle américain où les marques sont même présentes dans les écoles maternelles (leçons en utilisant le nom des marques) ?

Cela n'a rien à voir avec ce dont nous parlons ici. Le partenariat des marques avec les associations et ONG ne doit pas être le cheval de Troie de plus de publicités, surtout sans contrôle et intrusives. Donc, bien sûr, pas de publicités dans les écoles, on est d'accord. Au contraire, il s'agit peut-être de proposer aux marques d'interagir différemment avec leurs aficionados.

 

Ne pensez-vous pas que la consommation éthique est anecdotique encore dans notre société ? Avez-vous des chiffres ? Comment est-ce à l'étranger ?

Dans la consommation éthique, on a pas mal de chiffres sur le commerce équitable. Celui ci est, en France, en dessous de 1 % des produits alimentaires. Mais avec des grandes différences de volume selon que les produits ont été introduits sur notre marché il y a longtemps (café, cacao) ou récemment (coton, cosmétiques). Le café atteint 30 % de croissance par an depuis plusieurs années, surtout dans les pays voisins où par exemple en Allemagne il représente 10 % des volumes. Et enfin, quand on voit les envies de commerce équitable des consommateurs (50 % trouvent que c'est une bonne idée de proposer des produits quotidiens qui concilient plaisir de consommer et lutte contre les méfaits de la mondialisation), on se dit que ces produits ont de l'avenir. D'ailleurs, des géants de l'agroalimentaire et de la distribution l'ont compris et sont en train d'y venir. Seul problème pour le moment : ils sont difficiles à trouver partout.

 


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