Loi Travail (ordonnances travail) : les principales mesures

Loi Travail (ordonnances travail) : les principales mesures

Voulue par Emmanuel Macron, la réforme du code du travail est la suite de la Loi Travail. Au total, 117 mesures sont entrées en vigueur. Elles traitent de nombreux sujets comme la durée du travail ou le licenciement

Emmanuel Macron l'avait annoncé durant la campagne présidentielle, il compte réformer le code du travail en allant au-delà de la Loi Travail. Cette loi portée Myriam El Khomri, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 21 juin 2017 grâce à l'article 49-3. Elle vise à augmenter la compétitivité des entreprises en leur donnant plus de souplesse. Mais elle a également pour objectif d'améliorer les conditions de travail des salariés. De nombreux décrets sont déjà entrés en vigueur sous le quinquennat de François Hollande.
Pour atteindre ses objectifs, Emmanuel Macron a prévu d'agir par ordonnances. Le contenu des ordonnances a été officiellement présenté par le premier ministre Edouard Philippe et par Muriel Pénicaud, ministre du Travail au cours d'une conférence de presse le 31 août 2017 à l'hôtel Matignon. Au total, la réforme du Code du Travail prend la forme de 5 ordonnances d'un total de 160 pages.

Les ordonnances ont été signées par Emmanuel Macron le 22 septembre. Le 31 décembre 2017, les 26 décrets d'application ont été publiés au Journal officiel. Ils portent sur 117 mesures qui sont toutes applicables dès le premier jour de l'année 2018. Voici ce qu'il faut savoir sur un projet central du quinquennat. Précisons qu'en 2018, plusieurs réformes viendront compléter les ordonnances : réforme de l'assurance chômage mais aussi réforme de l'apprentissage ou encore réforme de la formation professionnelle.

Précisons que quelques mois après leur mise en application, les ordonnances Travail divisent toujours les Français. C'est ce que révèle l'étude "Le regard des Français sur la première année d'Emmanuel Macron" publiée le mercredi 18 avril 2018. D'après l'étude 52% de l'opinion publique juge "bonne" la réforme du code du travail.

Loi Travail : Macron

Elu à présidence de la République le 7 mai 2017, Emmanuel Macron a souhaité aller plus loin que la Loi Travail et effectuer une vaste réforme du code du travail. Il compte procéder à une réforme par voie d'ordonnance dès cet été afin de faire adopter une Loi Travail 2.  Emmanuel Macron et son gouvernement ont dans un premier temps rencontré les représentants des organisations patronales et syndicales. En effet, la loi Larcher de 2007 relative à la modernisation du dialogue social, impose une phase de consultation avec les partenaires sociaux. Les premières rencontres ont commencé le 23 mai 2017 et se sont terminées le 24 août. A partir de ces consultations, les ordonnances ont été rédigées puis signées par Emmanuel Macron le 22 septembre. Les décrets d'application ont peu à peu été signés. Tout le travail législatif s'est terminé le 31 décembre 2017.

Réforme du code du travail

Plusieurs mesures sont au cœur de cette Loi Travail 2. Elles sont détaillées dans 5 ordonnances mises en ligne sur le site du gouvernement le 31 août 2017. Intitulé "Projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social", le projet comporte 36 grandes mesures visant à instaurer une flexisécurité à la française et à juguler le chômage de masse. Voici les principaux points à connaître :

  • CDD, bouleversements en vue : Pour le moment, les caractéristiques des CDD sont fixées par la loi. Les ordonnances proposent une rupture de taille : désormais, les modalités de ces contrats de travail seront déterminées par la branche. Ainsi, la loi n'aura plus son mot à dire sur des éléments tels que la durée du CDD, le nombre de renouvellement ou encore le délai de carence. Pour la plupart des opposants aux ordonnances il s'agit d'un véritable chiffon rouge qui risque d'accentuer la précarité des contrats de travail.
  • Mise en place d'un contrat de projet (CDI de projet)Si un point de la loi suscite une forte réserve de la part des représentants des salariés, c'est bien la mise en place d'un contrat de projet ou (CDI de projet). Concrètement il s'agit d'élargir le CDI de chantier en vigueur dans le secteur du bâtiment. Pour les syndicats il s'agit de la "mort du CDI" ou encore d'une "généralisation de la précarité". En revanche, le Medef avait proposé la mise en place de ce contrat de travail en 2015. Finalement, le Code du Travail mentionnera bel et bien le contrat de chantier. Ce point sera traité dans le chapitre III du livre II du Code du Travail : "une convention ou un accord collectif de branche étendu définit les raisons permettant de recourir à un contrat conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération". Ainsi, la mise en place de ce contrat de travail se fera non pas au niveau de l'entreprise mais de la branche. Dans toutes les branches ? Sur ce point-là, le texte est flou puisqu'il indique que "ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l'exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017".
  • Fusion des instances représentatives du personnelDans les entreprises de plus de 50 salariés,  une instance unique nommée "comité social et économique" (CSE) remplacera et fusionnera le comité d'entreprise, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel. Selon Muriel Pénicaud, cette instance sera "un lieu pour discuter l'économique et le social". Le but de cette mesure est également de supprimer les "effets de seuil". Aujourd'hui certaines entreprises préfèrent ne pas embaucher plutôt que de dépasser un seuil qui impose la création d'instances.
  • Plafonnement des indemnités prud'homales : Le plafonnement des indemnités prud'homales est une mesure phare de la réforme du travail. Cette réforme avait été proposée à l'été 2015 par un certain... Emmanuel Macron, alors à la tête de Bercy. La mesure avait été retoquée par le Conseil constitutionnel (les sommes versées n'étaient pas les mêmes en fonction de la taille de l'entreprise. Le Conseil constitutionnel a donc considéré qu'il s'agissait d'une rupture d'égalité des citoyens devant la loi). Les ordonnances portant sur la réforme du Code du Travail proposent une fois encore un plafonnement des indemnités prud'homales. Les modalités sont les suivantes : lors d'un licenciement abusif, les indemnités seront plafonnées à 3 mois de salaire jusqu'à deux ans d'ancienneté. Elles augmenteront jusqu'à un maximum de 20 mois de salaire à partir de 30 ans d'ancienneté. En cas de harcèlement ou de discrimination, le plafonnement n'existera pas..
  • Hausse des indemnités légales de licenciement : L'indemnité légale de licenciement est augmentée de 25% jusqu'à dix ans d'ancienneté.
  • Délai de recours aux prud'hommes raccourci  Actuellement, le délai de recours aux prud'hommes est d'un an pour les licenciements économiques et de deux ans pour tous les autres motifs de licenciement. Les ordonnances prévoient de limiter le délai de recours à un an dans tous les cas de figure.
  • Vers une rupture conventionnelle collective : Si le licenciement peut pour l'instant être collectif, ce n'est pas le cas de la rupture conventionnelle qui ne peut qu'être individuelle. Une situation qui pourrait changer d'après la conférence de presse de Muriel Pénicaud : "la réforme crée une rupture conventionnelle collective. Cette négociation basée sur les départs volontaires pourra être homologuée par l'administration".
  • Réforme du compte pénibilité : Une usine à gaz. Voilà comment le patronat considère le compte pénibilité.  Message entendu par le gouvernement qui consacre une ordonnance entière au compte pénibilité désormais nommé compte professionnel de prévention. La déclaration des facteurs de pénibilité est supprimée. Selon Muriel Pénicaud, cette réforme n'aura pas de conséquences pour les salariés.
  • La négociation des primes : A l'heure actuelle, les primes se négocient au niveau des branches ou des conventions collectives. La réforme du Code du Travail permet de négocier les primes directement au niveau des entreprises. Comme l'a mentionné Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse du 31 août : " les salariés comme l'employeur pourraient décider de négocier une prime de garde d'enfant plutôt qu'une prime d'ancienneté par exemple".
  • La négociation dans les PME sans syndicat : 96% des TPE n'ont pas de délégués syndicaux. Désormais, dans les entreprises de moins de 20 salariés, il sera possible de négocier avec un employé non mandaté par un syndicat. Cette mesure vise à renforcer le dialogue social dans les entreprises de petite taille. Soulignons que dans les entreprises comprenant entre 20 et 50 salariés, la négociation pourra avoir lieu avec un élu du personnel non mandaté.
  • Le droit à l'erreur de l'employeur : Concernant les licenciements dans les TPE et PME, Muriel Pénicaud a évoqué la mise en place d'un "droit à l'erreur". Le but est de faire en sorte que les "vice de forme de bonne foi, ne pénalisent plus les entreprises" parfois condamnées à payer de lourds dommages et intérêts.
  • Une facilitation du télétravail : Les ordonnances le disent clairement : un télétravailleur a les mêmes droits que tous les salariés. Il est notamment écrit que les accidents qui ont lieu dans le cadre du télétravail sont reconnus comme des accidents du travail. Enfin, tous les salariés auront le droit de demander à télétravailler. En cas de refus, l'employeur est tenu de justifier sa demande par écrit.

Loi Travail : contenu

La loi Travail a pour objectif d'instaurer une flexisécurité à la française. Son but est d'assouplir le code du travail pour permettre aux entreprises d'embaucher et de faire face à la conjoncture économique de manière plus agile. Pour cela la Loi Travail a instauré plusieurs dispositions : facilitation du licenciement économique, début d'inversion de la hiérarchie des normes au profit du dialogue social, référendum d'entreprise…

Dans le même temps, des droits supplémentaires sont donnés aux salariés ou aux personnes en recherche d'emploi: droit à la déconnexion, compte personnel d'activité (CPA), congés payés facilités, extension de la Garantie Jeunes…

Enfin, la Loi Travail ne touche pas à deux totems du code du travail. La durée légale du travail reste de 35 heures. Les salariés ne peuvent recevoir un salaire en dessous du Smic.

Le contenu intégral de la Loi Travail est téléchargeable sur Légifrance depuis le 8 août 2016. Son contenu est très complexe et la lecture de la loi peut-être difficile pour le grand public. Le dossier Loi Travail du JDN a pour but de résumer les principaux points qui touchent les salariés et les entrepreneurs. 

Licenciement économique

La Loi Travail prévoit de simplifier le licenciement économique. Pour cela, elle définit les critères qui pourront autoriser les entreprises à avoir recours à ce type de licenciement. Il s'agit de la baisse des commandes et de la baisse du chiffre d'affaires. Concrètement, l'application de ces critères dépend de la taille de l'entreprise. Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er décembre 2016 :

  • Entreprises de moins de 11 salariés : Un trimestre de baisse du chiffre d'affaires ou de baisse des commandes.
  • Entreprises entre 11 et 49 salariés : Deux trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou de baisse des commandes.
  • Entreprises de 50 à 299 salariés : Trois trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou de baisse des commandes.
  • Entreprises de 300 salariés ou plus : Quatre trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou de baisse des commandes.

L'article 2

L'article 2 de la Loi Travail fait partie des points les plus critiqués du projet de loi. Il prévoit qu'un accord d'entreprise puisse remplacer les dispositions d'un accord de branche, même si l'accord d'entreprise est moins favorable aux salariés. Les opposants à la loi dénoncent une inversion de la hiérarchie des normes et un immense recul social.

Cet article a finalement été adopté et publié au Journal Officiel. Toutefois, il ne correspond pas à l'article 2 mais à l'article 8.

Accords offensifs

L'employeur et les syndicats peuvent par accord d'entreprise, modifier la durée du travail (sur une période limitée dans le temps), le mode de rémunération des heures supplémentaires, le nombre de jours de RTT… En cas d'accord, ces changements s'imposent dans le contrat de travail du salarié. Refuser les modifications pourra être un motif de licenciement économique. Attention, ces accords ne peuvent se mettre en place que dans les entreprises où existent des représentants syndicaux. Le gouvernement s'est inspiré de l'Allemagne où cette mesure a permis d'augmenter la compétitivité et de sauver des nombreux emplois dans le secteur industriel.

Durée légale du travail

La loi est on ne peut plus claire. La durée légale du travail est toujours de 35 heures. Malgré les demandes d'une partie de l'opposition, le gouvernement n'est pas revenu sur la loi Aubry. Toutefois, quelques changements sont à prévoir. Pour le moment, il est possible de travailler 44 heures par semaine sur 12 semaines suite à un accord de branche ou un décret. Avec la loi El Khomri, un simple accord d'entreprise permet de travailler 46 heures sur 12 semaines. En revanche, l'idée d'augmenter la durée légale du travail des apprentis n'est pas mentionnée dans la loi (elle se trouvait pourtant dans le premier avant-projet de loi présenté en mars 2016).

Autre point, en cas de circonstances exceptionnelles propres à l'entreprise, il est possible de porter la durée de travail hebdomadaire à 60 heures contre 48 heures actuellement. En revanche, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation de l'inspection du travail en plus de l'accord d'entreprise. Soulignons que la loi ne définit pas la notion de circonstances exceptionnelles. Notons que le projet de Loi Travail 2 ne prévoit pas non plus le retrait des 35 heures qui restent la durée de référence.

Heures supplémentaires

Les majorations restent les mêmes c'est-à-dire 25% pour les huit premières heures 50% pour les suivantes. Mais cette hausse peut être limitée à 10% suite à un accord entre la direction et les représentants syndicaux. Mais pour cela, aucun accord de branche ne doit s'y opposer.

Référendum d'entreprise

Le texte prévoit une première dans le droit du Travail : la mise en place de référendums dans les entreprises. Ces derniers sont initiés par des syndicats représentants moins de 30% des salariés. Pour qu'il soit validé, le référendum doit être approuvé par plus de 50% des suffrages exprimés par les salariés. Les syndicats majoritaires ne peuvent pas s'opposer au résultat.

Compte personnel d'activité (CPA)

Pour le gouvernement, la mise en place du compte personnel d'activité(CPA) est la grande réforme sociale du quinquennat. La Loi Travail souligne que ce compte regroupe le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu'un nouveau compte qui fait son apparition : le compte d'engagement citoyen (CEC) qui valorise les activités bénévoles.

Droit à la déconnexion

C'est une première dans le droit Français : la Loi Travail reconnaît un droit à la déconnexion. Elle dispose que les entreprises doivent mettre en place des mesures visant à assurer le respect des congés payés et du temps de repos. Ces mesures sont négociées directement dans l'entreprise entre les représentants du personnel, les représentants syndicaux et la direction. Toutefois, le législateur ne prévoit aucune sanction à l'encontre des entreprises qui ne respectent pas cette obligation.

Bulletin de paie électronique

Pour des raisons écologiques et dans un but de simplification, la loi autorise les employeurs à remettre à leurs salariés un bulletin de paie électronique. Mais le salarié est en droit de s'y opposer. Pour le moment, l'employeur doit adresser au salarié une demande pour avoir recours à ce type de bulletin de paie.

Religion en entreprise

La loi autorise les entreprises à inscrire dans les règlements intérieurs des "dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés".

Médecine du travail

Une visite médicale d'embauche a longtemps été systématique lors du recrutement d'un salarié. Avec la loi El Khomri, ce n'est plus une obligation exceptée pour des postes à risques. Les autres salariés passeraient une visite d'information et de prévention dispensée par un professionnel de la santé qui ne serait pas forcément médecin (il peut d'agir d'un infirmier). Pour de nombreux médecins, il s'agit d'un coup très dur porté à la médecine du travail.

Travailleurs saisonniers

Les contrats saisonniers sont pour le moment moins protégés que les CDD traditionnels. Un élément que la Loi Travail compte changer progressivement. Désormais, les entreprises qui emploient des travailleurs saisonniers sont dans l'obligation de "négocier d'une saison sur l'autre la reconduction des contrats à caractère saisonnier et de prendre en compte l'ancienneté des salariés" (ainsi les saisonniers pourront obtenir une prime d'ancienneté). Cette mesure est en vigueur depuis l'été 2017.

Garantie Jeunes

L'extension de la Garantie Jeunes fait partie du volet social de la loi. Elle est en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Ce dispositif à l'origine expérimental vise à aider les 18-25 ans en situation de chômage ou de décrochage scolaire. Ce sont les missions locales qui conduisent au quotidien ce dispositif. 

Congés pour deuil

Pour le moment, le congé pour événement familial d'un salarié en cas de décès d'un enfant est de deux jours. Il estporté à cinq jours depuis un décret d'application entré en vigueur le 1er janvier 2017. Concernant la mort d'un frère, d'une sœur, d'un parent ou d'un beau parent, le congé pour événement familial passera de un à deux jours. Ces dispositions s'imposeront aux conventions collectives qui pourront toutefois accorder des jours supplémentaires (certaines le font déjà).

Vie professionnelle