Facebook Shops, une arme d'acquisition massive pour les DNVB, vraiment ?

Facebook Shops, une arme d'acquisition massive pour les DNVB, vraiment ? Le réseau social déploie une fonctionnalité gratuite de boutique en ligne, limitée pour l'instant mais appelée à gérer la relation commerciale de bout en bout à terme. Séduisant sur le papier, mais le diable se cache dans les détails.

Le 19 mai dernier, en pleine crise du Covid-19, Mark Zuckerberg dévoilait une partie des ambitions de Facebook en matière d'e-commerce, en officialisant dans une vidéo le lancement de Facebook Shops. Un service gratuit destiné aux marchands pour leur permettre de créer des boutiques en ligne à la fois sur Facebook et Instagram. Ou plutôt des vitrines, la partie achat n'étant pas gérée. De quoi éveiller l'intérêt des DNVB telles que My Jolie Candle, spécialiste de la vente de bougies, qui teste en ce moment, en avant-première, la version bêta de Facebook Shops. "Nous disposions déjà de notre catalogue de produits sur Facebook et Instagram avec redirection vers notre site. A l'heure actuelle, la seule différence notable qu'apporte Facebook Shops, c'est la possibilité de définir des catégories au sein du catalogue pour l'optimiser. Pour l'heure, l'usage n'est donc pas révolutionnaire", explique Samuel Guez, CEO de My Jolie Candle. 

Même son de cloche chez la marque de matelas écologiques Kipli, qui avait ouvert son catalogue sur Facebook il y a plus d'un an. "Ce n'est pas un canal de vente très utilisé par notre clientèle mais cela contribue à l'indexation sur notre site, livre Davide Ballotta, cofondateur de Kipli. Facebook Shops s'adresse surtout aux petits commerces qui peinent à accéder à la technologie et à mettre en ligne leurs produits. Mais à ce stade, pour les marques installées et digitales comme la nôtre, l'intérêt est mitigé."

Miser sur le paiement ? 

Outre la segmentation du catalogue évoquée par My Jolie Candle, Facebook Shops permet désormais de mettre en avant certains produits et de personnaliser la boutique en ligne. Ces micro-évolutions suffiront-elles à imposer le réseau social comme un canal de vente fiable pour les DNVB ? A terme, la promesse de Facebook Shops repose sur une fonction de paiement intégrée sur Facebook et Instagram (déjà disponible aux Etats-Unis) afin de permettre aux marchands qui le souhaitent de gérer toute la phase d'achat via le réseau social. Facebook prélèvera une commission sur chaque transaction. D'après Samuel Guez, là sera la valeur ajoutée de Facebook Shops. "L'objectif du client est d'acheter son produit sans friction, or le risque demeure lorsqu'il y a une redirection vers notre site. Demain, j'ose espérer que l'intégration du paiement sur Facebook permettra de convertir 100 clics en achats, confie le CEO de My Jolie Candle. Facebook s'imposera alors comme un gros marchand." 

Un avis partagé par Anthony Bourbon, CEO et fondateur de Feed, qui considère Facebook Shops comme un acteur de la révolution des achats en ligne débutée depuis quelques années. La marque spécialiste des repas équilibrés en barres envisage de l'intégrer à sa stratégie marketing afin d'être plus proche de ses consommateurs. "L'avantage de Facebook Shops est qu'il s'agit d'un dispositif gratuit, bien qu'il existe probablement quelques coûts cachés. C'est un outil qui permet de simplifier le parcours client et donc de toucher des personnes qui n'auraient peut-être pas eu le réflexe d'aller sur notre site, justifie Anthony Bourbon. Je pense que Facebook Shops ancrera davantage certaines marques fortes dans le quotidien des consommateurs". 

Tout n'est cependant pas si rose bien sûr, comme souvent avec les Gafam et leurs velléités de plateformisation : "Les DNVB ne pourront pas échapper à cette nouvelle fonctionnalité qui améliorera certainement le taux de transformation grâce à une meilleure fluidité, concède Sébastien Tortu, fondateur de Prosper, société de conseils marketing pour les DtoC et DNVB. Mais dans quelle mesure pourront-elles raconter leur histoire de marque ? s'interroge-t-il. Cet outil sera surtout utile pour le client qui n'est pas très regardant quant au canal de vente tant qu'il peut se procurer le produit". 
Chez Kipli, le déploiement futur de la partie paiement sur Facebook Shops suscite également des réserves. Si les réseaux sociaux peuvent accélérer les achats impulsifs aux prix accessibles comme les bougies, ce type de canal de vente pourrait être moins efficace pour les produits plus onéreux qui nécessitent une réflexion avant paiement. En clair, difficile d'imaginer les clients débourser plus de 1 000 euros pour un matelas en passant par un réseau social. "Dans notre cas, il est donc préférable de fidéliser notre clientèle sur notre propre site, sans intermédiaire, estime Davide Ballotta. D'ailleurs, la relation exclusive entre une marque et un client, c'est l'esprit des DNVB. Je suis aussi curieux de voir comment la livraison sera prise en charge par Facebook."

Même réflexion chez Polette, spécialiste des lunettes de vue et de soleil à prix réduits (mais tout de mêmes plus chères qu'une bougie, pour reprendre cet exemple). La DNVB défend l'idée selon laquelle le recours aux réseaux sociaux doit s'effectuer avec parcimonie. "La meilleure des communications, c'est le produit, serine Pierre Wizman, cofondateur de Polette. Les réseaux sociaux sont une belle manière de faire exister sa marque, mais ils doivent être gérés intelligemment car nous y sommes très nombreux. Or, le risque est de ne pas capter l'attention des consommateurs."
Enfin, autre question inhérente aux plateformes, quid de la data sur Facebook Shops, si chère aux yeux des DNVB pour lesquelles la connaissance des clients est un gage de fidélisation ? Pour l'heure, personne ne connaît la réponse mais les marques, qui reversent des sommes importantes pour les campagnes marketing sur les réseaux sociaux, seront attentives à ce point. "La vrai limite de Facebook Shops c'est la sécurisation de la donnée et c'est sur ce volet qu'il faudra être vigilant", prévient le CEO de Feed.