Quentin Delobelle (Orange) "Orange ne compte pas réduire ses investissements publicitaires"

Le directeur de communication commerciale et de création de l'opérateur télécom se dit vigilant face à la hausse des prix de l'électricité et au contexte actuel en Europe et en France.

JDN. La situation internationale et le ralentissement de la croissance en France impactent-ils vos investissements publicitaires cette année ?

Quentin Delobelle est directeur de communication commerciale et de création d’Orange. © Orange

Quentin Delobelle. Nous ne comptons pas réduire nos investissements publicitaires, nous ferons du moins tout pour que cela ne soit pas nécessaire. Nous avons une bataille à mener dans notre marché qui est ultra concurrentiel et drivé par les prix. Ce serait même une erreur de lever le pied sur les investissements médias. Il faut, au contraire, proposer des solutions adaptées à la situation pour tirer son épingle du jeu et défendre ses parts de marché. Evidemment, il n'est pas question pour nous à ce jour d'augmenter nos investissements publicitaires. Nous subissons de plein fouet la hausse du prix de l'énergie, comme tout le monde, et notamment de l'électricité. L'impact chez nous est faramineux. Il peut représenter des dizaines de millions d'euros de coûts supplémentaires par an tout simplement parce que tout ce que nous faisons consomme de l'électricité – les antennes du réseau mobile, les data centers... Il nous faut par conséquent réussir à maintenir une équation budgétaire raisonnable.

Comment analysez-vous l'impact du contexte international sur le quotidien des Français et sur votre activité ?

Les opérateurs télécoms sont un cas particulier. Notre business est assez peu sensible aux événements extérieurs. Même en 2008, pendant la crise des subprimes, nos recettes n'ont pas été impactées. Nous représentons un service dont les gens ne peuvent se passer. La Covid-19 a même représenté un tremplin pour la fibre optique, que nous avons continué de vendre et d'installer. Aujourd'hui c'est pareil. Bien plus que cette triste réalité en Ukraine, c'est la concurrence extrêmement forte entre les quatre acteurs de notre marché qui peut avoir une incidence, elle-même pouvant être renforcée par les tensions sur le pouvoir d'achat.

"Nous sommes prêts à investir davantage sur la visibilité de notre proposition Sosh"

Comme dans le passé, si le contexte le demande, nous restructurerons nos investissements sans les baisser. Nous savons le faire. Nous l'avons appris en 2012 quand notre marché a été confronté à un véritable séisme des prix, généré par l'arrivée de Free. Dans notre secteur, la révolution des prix a eu lieu à ce moment-là. Nous arrivons aujourd'hui à des niveaux en-dessous desquels nous ne pourrons plus descendre. En France, les consommateurs qui avaient besoin de faire des économies se sont déjà tournés vers du low cost. C'est pourquoi notre marque Sosh est un atout important en période de tension de pouvoir d'achat.

Comment vous servez-vous de votre "atout" Sosh et comment adaptez-vous vos investissements aujourd'hui ?

Si vraiment nous constatons une aggravation des problèmes de pouvoir d'achat, nous sommes prêts à investir davantage sur la visibilité de notre proposition Sosh. Nous surveillons cela en permanence en observant toutes les données de marché : si nos offres haut de gamme se mettent à générer moins d'écho, nous serons capables de réorienter nos investissements médias vers des propositions Sosh. Nous nous servons pour cela de modèles économétriques qui nous permettent de mesurer la contribution de chaque levier marketing sur nos ventes avec une réactivité assez intéressante. Si je constate que telle opération ou tel média a été mois ROIste qu'un autre, je suis capable de faire des ajustements et de me projeter afin de modifier ma cible, mon message, etc. On s'adapte donc en permanence en fonction du marché sans pour autant baisser nos investissements médias. Par exemple, pendant la crise sanitaire et notamment les confinements, nous avons laissé de côté l'affichage extérieur pour soutenir davantage la presse. Depuis la rentrée, nous adaptons nos prises de parole en fonction de la disponibilité ou pas de certains terminaux mobiles.

"En ces temps troublés, il est important de redoubler la vigilance sur la brand safety"

Vous êtes également administrateur du Club des Annonceurs. Comment réagissent vos confrères à ce contexte ?

Je peux parler surtout des autres administrateurs du club parce que nous discutons beaucoup en effet entre nous (parmi les marques qui siègent au conseil d'administration du Club des Annonceurs, on retrouve BNP Paribas, Accor, La Poste, SNCF, CIC, EDF et Axa, entre autres, ndlr.). Je n'ai pas observé des responsables en mode panique. Bien sûr, la hausse des prix et les risques de pénurie d'électricité sont des sujets évoqués. Mais a priori pas au point d'avoir des répercussions sur les décisions d'investissement publicitaire. Ceci étant nous n'avons pas de représentants de la grande distribution, qui à mon avis sont beaucoup plus exposés au contexte économique, étant eux-mêmes dans la bataille du quotidien. 

Que conseillez-vous aux annonceurs qui vous lisent ?

Il ne faut surtout pas freiner, mais essayer de sortir par le haut, de tirer le marché en s'adaptant. Pour cela, il faut communiquer sur les produits et les services que les consommateurs pourront se permettre d'acheter et qui les permettront de devenir encore plus productifs. Il ne faut surtout pas se recroqueviller. Un autre point important, c'est la qualité : en ces temps troublés, il est important de redoubler la vigilance sur la brand safety. Nous savons que le risque zéro n'existe pas, mais nous le demandons à nos partenaires, Havas, qui gère nos investissements médias et Moat, notre outil de brand safety, et nous mobilisons nos propres outils internes en ce sens. Nous sommes particulièrement vigilants à l'égard des sites de désinformation.