Peut-on être à la fois entrepreneur et de gauche ?

Peut-on être à la fois entrepreneur et de gauche ? Olivier Mathiot, co-fondateur de PriceMinister, signe un essai où il plaide en faveur de l'entreprise et de la politique.

Évidemment, la posture est périlleuse. Olivier Mathiot revendique son vote à gauche mais fait partie de la poignée des fondateurs du site de e-commerce PriceMinister, cédé en 2010 au japonais Rakuten. Ce trentenaire pourrait donc se contenter de faire fructifier au calme sa part de la vente et se consacrer à son pré carré.

la gauche a mal à son entreprise
Le livre d'Olivier Mathiot, paru chez Plon. © Plon

Il aura fallu à l'automne 2012 un projet de loi de finances mal conçu pour que naisse le mouvement des "Pigeons" sur Facebook. C'est en soutenant cette démarche d'un simple clic sur le réseau social, puis en étayant sa pensée dans une chronique du Journal du Net qu'il formalise son premier plaidoyer pour l'entreprise.

Et même s'il est diplômé d'HEC comme François Hollande qu'il interpelle familièrement dans son ouvrage au nom des années passées sur le même campus, Olivier Mathiot ne veut pas renier son engagement à gauche. Affirmant crânement que celui-ci n'est pas incompatible avec sa situation de dirigeant au compte en banque désormais bien garni.

Au-delà de ses propos sur l'engagement, et de son souhait de voir prospérer la collectivité France, l'intérêt de l'ouvrage repose sur les propositions qu'il avance. Qui reposent sur une distinction simple : capital productif et capital spéculatif.
En considérant en outre que "le règne du profit à court terme fixé par la Bourse n'est pas une fatalité".

Voici quelques unes de ses suggestions, qui méritent d'être soumises au débat :

· "La pénalisation du droit des affaires et de la fiscalité peut être renforcée.
La publication des fichiers des comptes ouverts dans les paradis fiscaux témoigne d'une soif de justice. L'Etat gendarme doit être mieux armé".

· "La réflexion des altermondialistes autour de la taxe Tobin sur les flux financiers ne devrait pas être abandonnée".

· "La publication trimestrielle des comptes qui est imposée n'est pas justifiée dans tous les secteurs et donne trop de pouvoirs aux places financières. Dans ce contexte, les stratégies financières d'investissement à long terme sont pénalisées".

· "Imaginer une cotation quotidienne unique des cours de Bourse pour empêcher les spéculations intra-day qui n'ont aucun sens économique".

· "Fixer de nouvelles règles de rémunération pour les grands patrons, qui prennent en compte des critères sociaux : emploi et développement durable, impact sur la société plus généralement".

· Taxer davantage les dividendes de manière à favoriser le réinvestissement ou les salaires.

· Etablir une frontière encore plus nette entre les dépôts des particuliers et les opérations de marché, afin de protéger et de redévelopper la capacité de prêteur des banques.

· Intégrer des sciences humaines et littéraires dans les enseignements des classes préparatoires et des grandes écoles. Généraliser dans ce cadre les cours consacrés à l'éthique et à la philosophie.

· Faciliter le socialbusiness. En valorisant les principes pour l'investissement responsable, qui s'appuie sur trois composantes pour assainir la finance à long terme : l'environnement, le social et la gouvernance des entreprises.

Olivier Mathiot veut mâtiner la sphère économique, où la compétition est la règle, avec des valeurs de partage qui lui tiennent à cœur

Ce ne sont là que quelques séquences des propositions formulées par celui qui est également business-angel. A l'instar d'une personne bienveillante qui souhaiterait réconcilier deux de ses amis fâchés pour de mauvaises raisons, Olivier Mathiot veut mâtiner la sphère économique, où la compétition est la règle, avec des valeurs de partage qui lui tiennent à cœur.

Pensant ainsi qu'il est possible de dompter le capitalisme outrancier par des principes humanistes tandis, qu'à l'opposé, la collectivisation des outils de production ne peut plus constituer un horizon acceptable.

Il ne reste plus à Olivier Mathiot qu'à s'armer de patience. Une fois "libéré" de ses engagements contractuels avec le groupe Rakuten, il pourra alors se consacrer encore davantage à la chose publique. Pour faire passer ses idées de la théorie, rassemblée dans cet opus de 260 pages, à une pratique politique qui achèvera de convaincre ses amis patrons de soutenir un leader de gauche.

La gauche a mal à son entreprise par Olivier Mathiot, Edition Plon, 18,5 €