La dette technique ne doit plus entraver l'innovation

Des compétences clés et des budgets importants sont durablement monopolisés pour opérer les systèmes d'information établis au détriment de l'innovation. Comment résoudre ce dilemme ?

Difficile pour une entreprise d’envisager sereinement l’avenir si elle n’est pas en mesure d’innover. La vague numérique a douché les plus sceptiques et poussé les entreprises à accélérer leur modernisation. La prise de conscience est réelle mais elle se heurte pourtant à la dure réalité du quotidien et à ce que Clayton M.Christensen appelle "le dilemme de l’innovateur".

Développée en 1997 dans son livre "The Innovator's Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail", la théorie de Clayton M.Christensen souligne le dilemme qui se pose à toute entreprise qui souhaite innover. En effet, comment d’un côté consacrer une part des ressources financières et humaines dans des technologies innovantes devenues clé pour distancer ses concurrents et de l’autre assurer la continuité d’une activité bien établie ? Ce dilemme est d’autant plus complexe que dans le domaine informatique il existe ce que l’on appelle la dette technique. Un concept touchant au développement logiciel et à son impact sur l’entreprise, datant de 1992, et que l’on doit à l’informaticien américain Ward Cunningham. Lorsqu’il écrit du code applicatif pour répondre aux besoins des collaborateurs, le développeur informatique contracte une dette technique que l’entreprise rembourse (assume) tout au long de la vie de l’application. Cela se concrétise par du temps de développement pour améliorer le produit ou corriger des bugs. Des compétences clés et des budgets importants sont alors durablement monopolisés au détriment de l’innovation. Comment résoudre ce dilemme ? Comment réduire la dette technique sans revoir les fondements de SI et sans risquer la surcharge, ennemi de l’innovation ?

Dépenses informatiques : vers un nouveau paradigme?

C’est un fait, les budgets consacrés au maintien opérationnel des systèmes informatiques se sont peu à peu réduits. Or, plus récemment selon plusieurs études convergentes, les entreprises réalisent des progrès notoires précisément dans la réduction de la dette technique, au profit de la modernisation et de l’innovation. Historiquement elles consacraient en effet entre 70% et 80% de leur budget informatique au maintien opérationnel. Or, selon les directeurs informatiques interrogés en Europe et en Asie, ce chiffre tourne désormais plutôt autour de 35%, permettant ainsi de libérer des moyens pour moderniser et innover.

Les grandes entreprises confrontées à la modernisation des applicatifs

Le fonctionnement des entreprises repose sur des applications, et tout particulièrement sur des systèmes d’ERP (Enterprise Resource Planning). Elaborés sur des décennies, de lourds investissements leur ont été consacrés. Devenue complexe, chaque évolution est douloureuse. Pour des ERP importants reposant sur des environnements informatiques hybrides et/ou des technologies anciennes, la démarche de modernisation, par son ampleur et ses risques, inquiète certains décideurs qui préfèrent attendre. Les utilisateurs font alors face au dilemme : investir dans des solutions ERP cloud pour garder un temps d’avance sur la compétition ou repousser à plus tard l’inéluctable transformation.

Interrogées, les entreprises affirment que les développements des 12 prochains mois se feront dans le cloud et 56% estiment que dans un an leur système d’ERP sera intégralement dans le cloud. Annoncé depuis au moins deux décennies, le cloud comme stratégie de modernisation des ERP émerge donc pour de bon. Mais quel que soit l’angle choisi, la difficulté de moderniser ne réside pas tant dans les technologies que dans l’intégration elle-même.

Pas de modernisation des applicatifs sans modernisation de leur intégration

La majorité des entreprises considère que la modernisation d’un SI ne peut se réaliser efficacement sans modernisation des processus d’intégration. S’agissant d’un ERP, il doit pouvoir fonctionner dans des environnements informatiques hybrides combinant cloud et sites en propre (on premises) et recevoir des données provenant de sources et d’équipements très variés que ce soient des serveurs informatiques ou des systèmes d’objets connectés situés à l’extérieur des centres informatiques. C’est exactement ici qu’intervient la notion de manque d’intégration entre ces différentes technologies. Pour 51% des entreprises, elle représente même LA contrainte majeure pour évoluer. Elles sont également nombreuses à s’interroger sur le manque de compétences liées à l’intégration (39% en moyenne). Pour contourner ces difficultés les entreprises se tournent déjà vers l’IPaaS (Intégration Plateform as a Service). Elles l’utilisent pour des cas d’usages spécifiques où les bénéfices sont déjà démontrés : conception et déploiement à grande échelle d’APIs (pour 23%), amélioration de l’activité d’un réseau de partenaire (pour 19%) et synchronisation des données sur l’ensemble de l’entreprise pour accroitre l’activité commerciale.

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On le voit bien, une fois acquise la nécessité de moderniser son système applicatif, les décideurs informatiques convergent vers une idée qui fait son chemin dans toutes les entreprises : la modernisation des processus d’intégration.