ECONOMIE
 
19/04/2006

Arsène Losson (Consultant) :
Faire travailler ensemble des cultures différentes

Les rapprochements entre entreprises sont encore très souvent sources de blocage au niveau des équipes. Comment arriver à lever ces divergences culturelles ? Le point avec un spécialiste.
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Une coopération efficace est perçue par tous comme une évidente clé du succès et en même temps comme une difficulté majeure dans les entreprises. Les situations dans lesquelles surgissent préjugés, méfiance, inertie ou blocages sont nombreuses et variées. Celles impliquant des acteurs de cultures différentes ne font que renforcer les résistances comme c'est le cas dans les rapprochements d'entreprises. Les fusions et acquisitions en sont un bon exemple. Un autre, évoqué moins souvent mais tout à fait d'actualité, est celui de la coopération entre les juniors et les seniors.

 

 

 

 
Sommaire
 
 
 

Une grande partie des rapprochements d'entreprises, fusions et acquisitions ne tient pas ses promesses en termes de création de valeur, d'économies ou de profits. Dans l'article du Monde du 4 avril 2006 "La vague des fusions créera-t-elle de la valeur ?", Gilles Le Banc rappelle que dans le passé "le fonctionnement du nouvel ensemble s'est révélé peu performant, tant il est difficile de marier des cultures de management et de gouvernance différentes". Et d'ajouter : "ces prémisses de l'échec sont encore présentes voire exacerbées dans la pléthore de fusions que nous observons". Dans le même article, Olivier Pastré constate que "les entreprises ont appris de leurs échecs précédents : elles tiennent compte dans leurs calculs, de ces disparités de culture".

 

Il semble bien que ce soit dans leurs calculs seulement. Les entreprises sont averties que les résultats ambitieux annoncés au moment de parapher le projet se font souvent attendre ou seront plus faibles que prévus. Mais ce facteur temps n'intervient pas seulement pour l'évaluation des résultats économiques. Rapprocher les hommes ne se fait pas du jour au lendemain. Parfois même, cela ne se fait jamais. Il n'existe pas de recette magique, mais le respect de quelques préalables, une dose d'humilité et la mise en place d'actions concrètes faciliteront la création d'un climat de confiance. Il faudra ensuite le nourrir régulièrement pour qu'il puisse continuer à exister et, idéalement, se développer.

 

 

Identifier et mieux comprendre le nouveau partenaire


Tous les renseignements qui font la véritable identité du futur partenaire sont précieux

Il ne faut pas se contenter de collecter des informations financières, commerciales ou techniques. Tous les renseignements qui font la véritable identité du futur partenaire sont précieux et facilitent la collaboration ultérieure. Citons le style de management, les principes d'action, la manière de résoudre les problèmes, l'attitude face au risque, la gestion du temps, les pratiques de ressources humaines, les modes de communication, l'ouverture aux idées nouvelles.

 

 

Faciliter l'intégration des nouvelles équipes
La découverte du projet, de la nouvelle organisation ainsi que toutes les bonnes intentions ne suffisent pas à rapprocher les hommes. La communication interne, les échanges et la formation contribueront à l'intégration et à l'efficacité. Il convient alors :

 

De permettre aux partenaires de mieux se connaître (activités, implantations, produits, marchés) lors de présentations et de visites croisées.
D'organiser des rencontres entre les équipes, identifier les préjugés, puis les spécificités des différentes cultures, faire prendre conscience enfin de leurs points forts respectifs.
De mettre au point des méthodes communes de travail, de résolution de problèmes, de gestion du temps et les mettre en pratique en travaillant sur des cas concrets.

 

La création d'équipes projets permet d'associer les représentants des deux entreprises qui vont ainsi s'observer puis créer des liens et progressivement apprendre à travailler ensemble. Il est nécessaire d'évaluer ensuite les résultats et les difficultés rencontrées et ne pas oublier de rectifier le tir, si nécessaire. Car c'est en tirant des leçons de ces expériences, en raisonnant en terme d'opportunités et non pas de risques que les équipes progresseront vraiment.

 

 

La synergie entre générations
Voilà un sujet dont il est encore peu question dans les entreprises, même si quelques unes, parmi les plus innovantes, ont lancé des réflexions et des démarches pour améliorer la coopération entre juniors et seniors. L'actualité de ces dernières semaines vient aussi nous rappeler qu'il est de plus en plus difficile pour les premiers d'intégrer le monde professionnel et pour les seconds d'y rester. N'est-ce pas l'occasion de s'intéresser davantage à la coopération entre ces deux générations pour le plus grand bien des organisations et des salariés qui les composent ? La tendance naturelle est de mettre en avant ce qui oppose ces cultures générationnelles comme on le fait pour les cultures d'entreprises :

 

La méfiance des anciens qui "savent de quoi ils parlent" par rapport aux jeunes qui "n'y connaissent rien".
Les différents degrés de maîtrise des nouvelles technologies - les méthodes de travail.
Les formes de respect de la hiérarchie.
La résistance au changement et l'ouverture d'esprit.
Les rapports au temps.

 

Il serait plus judicieux de voir tout ce qui peut rapprocher et créer de réelles synergies :

 

Les formations croisées : les plus jeunes pour découvrir les métiers de l'entreprise, les façons de faire et les plus âgés pour mieux utiliser les nouvelles technologies.
Les groupes de travail où les expériences des uns et la vision décalées des autres feraient naître des pratiques et des idées novatrices.
Un parrainage des jeunes au delà de leur période d'intégration, en dehors de la hiérarchie pour faciliter la compréhension de la culture d'entreprise et la complicité réciproque.

 

 

Et surtout, se donner les moyens de coopérer…
Dans toutes ces situations, les injonctions réclamant l'engagement de tous ne suffisent pas à créer un capital confiance. Pour coopérer, il faut le vouloir et le pouvoir. Les projets de coopération génèrent toujours des attraits - ceux de la nouveauté, de l'apprentissage, d'une possible progression - et des inquiétudes - de perdre au change, d'être écarté, de ne pas être capable. Dans un premier temps, il est indispensable que les appréhensions et les attraits puissent être exprimés et partagés. Chacun pourra ainsi comparer sa propre vision à celle des autres. Bien entendu, il faut ensuite prendre en compte ces perceptions pour donner envie d'aller plus loin et de s'engager dans la coopération. C'est à ce prix que les acteurs se sentiront plus libres, respectés et intégrés.

 

 


Les injonctions réclamant l'engagement de tous ne suffisent pas à créer un capital confiance

Il est important ensuite d'identifier les raisons communes de coopérer, les bénéfices possibles pour chaque partie. Il ne faut pas hésiter à souligner les difficultés que le travail en commun peut engendrer pour mieux les anticiper. En construisant les fondations de la coopération - sans oublier que cela prend du temps - il sera possible de définir un projet et des méthodes de travail communes puis de s'y atteler.

 

Les rencontres de cultures différentes sont ainsi une formidable occasion d'enrichissement mutuel, de coopération dynamique où la prise de risque sera synonyme d'opportunités. Mais encore faut-il pour cela que les managers pensent à imaginer et faire vivre de vrais projets enthousiasmants, une vision d'avenir osée, créatrice de richesses économiques et humaines.



Parcours

Arsène Losson intervient en tant que médiateur d'équipes multiculturelles. A ce titre, il facilite la coopération lors de rapprochements, fusions acquisitions ou de projets complexes. Diplômé de l'Université de Nancy - licences d'allemand et de communication - et titulaire d'un MBA de l'ESC Reims, il a développé une expertise en ressources humaines dans des groupes internationaux : American Optical, Fromageries Bel, International Mill Service, Melitta. Dans cette dernière société, il a eu en charge la création puis l'animation de la DRH pour plusieurs pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Autriche, Pologne).


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