Journal du Net > Management >  Réussir une vente : René Moulinier (consultant)
INTERVIEW
 
avril 2005

René Moulinier (consultant)
Ce n'est pas en surpayant les vendeurs qu'ils feront des exploits

Spécialiste de la fonction commerciale, René Moulinier connaît et aime les vendeurs. Ses grands principes pour les manager.
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(Procter & Gamble)

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Auteur de Manager les vendeurs, et de nombreux ouvrages dans la collection Efficacité commerciale (Editions d'organisation), René Moulinier est un spécialiste et un passionné de la vente. Il anime notamment une société de formation et de conseil commercial.

Selon quels critères sélectionne-t-on ses vendeurs ?
René Moulinier. Je me réfère principalement au tempérament. Les bons vendeurs sont extravertis et travailleurs. Un candidat qui demanderait la politique de RTT de l'entreprise concernée se ferait éliminer d'office ! L'intelligence pratique est une autre qualité essentielle. Il faut pouvoir comprendre la problématique du client en rapport avec le produit ou service à vendre.

Les études ont-elles de l'importance ?
Les études restent souvent accessoires. Les étudiants d'écoles supérieures de commerce ne sont pas préparés à la vente. J'apprécie en général les étudiants d'IUT ou de BTS.

Le peu d'importance des études laisse penser que les méthodes de vente ne s'acquièrent pas. Peut-on vraiment se former à la vente ?
Oui, bien sûr. On peut apprendre des techniques, des processus et une certaine habileté. Je pense que 80 % de la population pourrait être honorable en matière de vente. Il faut se méfier des idées reçues. Par exemple, le bagou n'est pas toujours une qualité pour un vendeur, il faut avant tout savoir se tourner vers l'autre. La vente n'est pas un métier de beau garçon, ni de beau parleur. Le fait d'être timide n'est pas forcément un problème. Les gens timides qui arrivent à se dépasser sont souvent très à l'écoute.

Le commercial cherche à augmenter sa marge, au détriment du client...
Le vendeur est là pour faire des affaires et faire faire des affaires à son client. Il se fait respecter et apprécier par son utilité. La vente doit pouvoir se répéter. S'il vole son client, la relation ne sera pas durable. La marge est toujours relative. Elle recouvre une certaine utilité. S'il a fait du bon travail, pourquoi le vendeur se priverait-il de vendre cher ?


Les commerciaux encaissent des coups durs"

Lors d'un recrutement, faut-il chercher à connaître les résultats du candidat dans son ancienne entreprise ?
Je demande au candidat de raconter sa plus belle vente. Je cherche à comprendre le processus, les techniques employées. Ensuite, je lui demande de parler de son plus bel échec. En effet, seuls les bons vendeurs acceptent de raconter leurs gamelles. Ils réussissent suffisamment pour accepter leurs défauts. Enfin, je demande quels étaient ses résultats dans son ancienne entreprise. Mais, attention, il n'en a pas forcément la paternité. Le précédent vendeur a sa part de responsabilité. J'estime qu'il faut passer au moins trois ans à un poste pour être vraiment l'auteur de ses ventes. De plus, il ne faut pas oublier que les produits sont plus ou moins porteurs et que le marketing, la publicité et les relations publiques jouent un rôle considérable.

Peut-on recruter chez ses concurrents ?
Personnellement, je n'aime pas recruter un vendeur de la concurrence car il est toujours tenté de comparer et de critiquer les manières de faire. Je préfère recruter dans un métier proche, mais différent.

Faut-il laisser beaucoup d'autonomie aux commerciaux ?
Certaines sociétés ne font pas confiance aux commerciaux. Elles recrutent des gens dociles, peu autonomes. D'autres recrutent des personnalités, plus difficiles à manager, qu'elles forment et rendent autonomes. C'est indispensable pour que les vendeurs acquièrent une bonne connaissance de la clientèle, une intelligence des affaires. Par ailleurs, un chef des ventes ne peut avoir en charge plus de cinq ou six vendeurs "dociles", mais il pourra manager une dizaine de personnalités. Enfin, autonome ne signifie pas lâché dans la nature. Les commerciaux encaissent des coups durs. Il faut se montrer attentif. Le chef des ventes doit par exemple les accompagner à quelques rendez-vous.


Les joueurs ou flambeurs ne sont pas les plus stables"

Peut-on diriger des vendeurs sans avoir été soi-même vendeur ?
Difficilement. Pour diriger des commerciaux, il faut avoir des qualités de vendeur, sans être forcément le meilleur vendeur, et des qualités de manager. Un directeur général peut avoir le sens du terrain sans avoir été commercial.

Comment motive-t-on sa force de vente ?
Certainement pas en leur offrant des voyages… Le chef de vente doit se montrer présent en cas de passages à vide. Il doit savoir féliciter personnellement un collaborateur, savoir remarquer un effort s'il n'a pas abouti. Surprenez vos vendeurs en train de bien faire et dites-leur !

L'argent ne constitue-t-il pas le meilleur moyen de motiver les commerciaux ?
Ce n'est pas en surpayant les vendeurs qu'ils feront des exploits. Les vendeurs veulent gagner de l'argent. Il faut donc bien les payer. L'argent permet aux vendeurs d'acheter de l'importance, souvent signe de son ascension sociale. Mais l'argent n'est pas le moteur. Les joueurs ou flambeurs ne sont pas les plus stables dans les équipes de vente.

Quelle structure de salaire préconisez-vous ?
Un tiers de fixe, un tiers de commissions sur marges et un tiers de primes. On ne peut pas tout prévoir, les primes permettent d'ajuster la rémunération suivant les événements.

Le chef de vente a-t-il intérêt à mettre en concurrence ses vendeurs ?
Je n'aime pas la comparaison. Les concours internes ne sont pas efficaces. Ce sont toujours les mêmes qui gagnent et cela décourage les autres. Le management ne consiste pas à mettre les collaborateurs en concurrence, mais à mettre chacun en concurrence avec soi-même. Il faut l'accompagner pour qu'il se dépasse. Cela me paraît beaucoup plus motivant.


Il faut se méfier de l'externalisation"

Comment peut-on faire évoluer ses vendeurs ?
Certains sont très heureux dans la vente et ne cherchent pas forcément à changer. On peut leur confier les grands comptes ou encore des missions spécifiques sur de nouveaux marchés. Ils peuvent aussi former les plus jeunes. Dans certaines PME, les commerciaux obtiennent des responsabilités élargies et un salaire proche de celui du directeur général.

Les vendeurs plus âgés sont-ils plus ou moins efficaces ?
Les vendeurs expérimentés travaillent plus efficacement, ils savent distinguer l'essentiel de l'accessoire. J'ai connu un vendeur qui a quitté son poste à 66 ans. Pour le remplacer et obtenir le même chiffre d'affaires, il a fallu deux commerciaux sur son territoire. L'âge n'a pas vraiment d'importance. Mais un vendeur doit être en bonne santé car il fait de la route, ne se nourrit pas toujours très bien et subit une forte dose de stress. En tant que chef des ventes, il faut savoir faire travailler ensemble les jeunes et moins jeunes.

Peut-on externaliser sa force de vente ?
Il faut se méfier de l'externalisation. Une entreprise qui ne maîtrise pas sa force de vente est en péril. Cependant, dans certains cas, cela peut s'avérer profitable. L'externalisation n'est pas un phénomène nouveau, les agents commerciaux la pratiquent depuis longtemps. Ils réussissent car ils échangent beaucoup avec l'entreprise.

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Combien gagnent les très bons commerciaux ?
C'est très variable. J'en ai rencontré un qui touchait 1 million de francs il y a une quinzaine d'années. Cela représenterait aujourd'hui environ 300.000 euros.

Parcours
René Moulinier, IEP de Paris, ESC Marseille, anime la société de formation et de conseil commercial Moulinier et associés. Il est le cofondateur de l'Alliance professionnelle de consultants méditerranéens (Paris, Milan). Il a écrit de nombreux ouvrages sur la vente et la négocitation. Son dernier livre, "Manager les vendeurs", vient d'être publié aux Editions d'organisation dans la collection qu'il dirige, Efficacité commerciale.
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