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03/05/2006
Dominique Bayvet (BV Conseil Marketing, MSSP)
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Joël-Henri Micheau (Step Construction) |
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Dominique Bayvet est parti vivre à Moscou en 1986. Patron d'un cabinet de conseil, il oeuvrait dans un domaine alors inconnu de la Russie soviétique : le marketing. Après plusieurs missions dans le secteur agro-alimentaire, il a fondé en 2005 une société de conseil en stratégie financière. Désormais installé à Saint-Petersbourg, il ne travaille plus qu'avec des Russes.
Pourquoi être parti en Russie ?
Dominique Bayvet. Passionné de violon, je me suis inscrit au conservatoire Tchaïkovski, à Moscou. C'était il y a vingt ans. Je venais de créer, en France, un cabinet de conseil en marketing, BV Conseil Marketing. J'ai décidé de m'implanter en Russie, afin de lier l'utile à l'agréable. Je suis resté à Moscou sept ans. De 1993 à 2005, j'ai réalisé diverses missions à Saint-Petersbourg, dans le secteur agro-alimentaire. Et en 2005, j'ai monté une société russe, MSSP. Nous faisons du conseil en stratégie financière et des études de marché pour des industriels russes qui cherchent à s'implanter.
Les affaires sont beaucoup plus florissantes en Russie qu'en France." |
Pour quelles raisons préférez-vous travailler en Russie ?
Les affaires y sont beaucoup plus florissantes qu'en France. J'apprécie aussi la liberté dont on dispose - notamment administrative - par rapport à la France, où tout me semble interdit. En Russie, existe aussi une notion de service qu'on n'a pas en Europe. Impossible, en France, de trouver des magasins ouverts 24 heures sur 24 ! Et cette culture du service s'étend, en Russie, à l'ensemble du monde du travail. Enfin, de la Russie, on imagine toujours la mafia et les files d'attentes interminables, comme en 1991-1992. Mais même s'il existe toujours d'énormes difficultés, l'économie se porte beaucoup mieux.
Comment se passent les relations de travail avec les Russes ?
Ils sont beaucoup plus "brut de fonderie" que nous. Ils vous tutoient facilement mais ne font pas de ronds de jambe. Soit vous savez faire et ça se passe bien, soit vous ne savez pas faire et ça casse. Par ailleurs, les Russes fonctionnent à l'affectif, plutôt qu'au rationnel. Ainsi, ce qui compte, ce n'est pas la taille de votre entreprise, mais la personne que vous êtes. Enfin, beaucoup de choses peuvent se traiter au "bania" (aux bains, ndlr), c'est-à-dire en secret, et non dans les bureaux. Les Russes adorent le secret et les intrigues - comme le prouve leur littérature - mais aussi les conspirations - comme le montre leur Histoire - et les relations à plusieurs niveaux. Cela s'applique totalement aux relations professionnelles.
Les russes accordent une place extrêmement importante à la hiérarchie." |
En quoi les Russes diffèrent-ils des Français dans leur manière de travailler ?
Les Russes accordent une place extrêmement importante à la hiérarchie. Ce qui est certainement lié à la persistance de l'organisation du régime communiste et plus largement, à leur Histoire : la démocratie est beaucoup plus récente en Russie qu'en France. Or le principe du communisme, c'est de morceler les tâches et les responsabilités. En conséquence, les gens ont tendance à manquer d'esprit de synthèse. Mais c'est en train de changer. Il y a maintenant des Russes qui arrivent à l'âge de leur majorité sans jamais avoir connu le communisme.
Quelle est la place des femmes dans la société russe ?
La condition des femmes n'est pas réjouissante. Mais leur place est très importante dans la société. Je pense que la Russie est en réalité une société matriarcale, où les femmes tirent les ficelles des marionnettes que sont les hommes. Et dans un contexte professionnel, je leur trouve plus d'intuition, une intelligence différente. Dans ma société, je n'emploie, en ce moment, que des femmes.
Vous qui travaillez dans le marketing, comment voyez-vous le consommateur russe ?
Depuis la Perestroïka, on constate un énorme besoin de consommation. Avant, on pratiquait plutôt l'anti-marketing : comme on manquait de produits, il ne fallait pas faire de publicité. Maintenant, nous sommes véritablement submergés de publicité, sans doute encore bien plus que les Américains. La Russie est un pays de capitalisme sauvage. D'ailleurs, il va sans doute falloir que l'Etat intervienne. Mais ce ne sera pas facile, car il dispose de beaucoup moins de moyens que les intérêts privés.
Dire que la Russie est mafieuse, c'est faire le même amalgame qu'entre la France et la mafia corse." |
Que doit-on penser de la mafia, de la corruption ?
J'ai une formation de juriste et d'économiste, j'ai donc horreur de tout ce qui est illégal. J'ai toujours travaillé légalement et n'ai jamais été un "intermédiaire". Notamment dans le but de prouver qu'il est tout à fait possible de travailler honnêtement en Russie. D'ailleurs, il ne faut pas être caricatural lors que l'on évoque les liens entre la mafia et le reste du pays. Dire que la Russie est mafieuse, c'est faire le même amalgame qu'entre la France et la mafia corse.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui aimeraient, comme vous, s'installer en Russie ?
D'abord, il est indispensable de parler russe. Ensuite, ils devront être des "conquérants de l'inutile", avoir des dispositions pour des choses un peu folles, mais qui permettent de se dépasser. Enfin, ils devront savoir faire preuve d'une patience extraordinaire pour comprendre la logique parfois très particulière des Russes. Et dans leurs relations d'affaires, à la fois ne pas faire perdre la face à leurs interlocuteurs en se montrant toujours respectueux, mais aussi savoir être ferme et dire non. Cela sera considéré comme une preuve de sérieux.
Joël-Henri Micheau (Step Construction) |
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2005 : Création de MSSP, société russe de conseil en stratégie financière |
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