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ECONOMIE
 
03/05/2006

Joël-Henri Micheau (Step Construction)
"Les Russes sont très directs en affaires"

Etabli à Saint-Petersbourg depuis trois ans, Joël-Henri Micheau explique comment trouver un travail sur place et évoluer dans le monde des affaires. Ses impressions, ses conseils.
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Dominique Bayvet
(BV Conseil Marketing)


(Article modifié le 05/09/2006)

Dominique Bayvet
Joël-Henri Micheau
Les clefs pour réussir
Les atouts de l'économie russe
A lire, à suivre...
Il y a déjà près de trois ans que Joël-Henri Micheau travaille à Saint-Petersbourg, tout d'abord en tant qu'enseignant en université et maintenant pour le compte d'une entreprise russe : Step Construction. Seul étranger dans l'entreprise, il occupe le poste de responsable du développement international directement sous les ordres du PDG. Il est chargé de trouver des investisseurs industriels étrangers, les accompagner, voire leur proposer de prendre en charge la construction de leur usine sur le sol russe.

Qu'est-ce qui vous a amené à travailler en Russie ?
Joël-Henri Micheau. A 53 ans, j'étais considéré comme un "vieux" en France, et après une courte période sans activité, j'ai commencé à dispenser des cours de marketing et d'économie en français et en anglais dans une université russe. On m'a ensuite proposé un poste avec un salaire de cadre supérieur, des missions intéressantes, le tout couronné au final d'un certain succès.

Comment avez-vous trouvé votre emploi ? Vers qui vous êtes-vous tourné ?
Je suis très rapidement entré dans des associations culturelles comme Les volontaires de l'Hermitage, l'équivalent à Saint-Petersbourg du Louvre, où j'ai travaillé et conçu les textes en français pour la visite. Cela m'a ouvert les portes des musées de la ville et surtout celles d'un important réseau relationnel, chose indispensable en Russie, plus qu'en France. J'espérais un bon poste, c'est pourquoi je me suis fait très présent dans ce réseau pour me faire remarquer. J'ai également passé du temps au Spiba - Saint-Pétersbourg International Business Association - association ouverte à toutes les entreprises internationales.


Les Russes sont plus désorganisés que les Français"

Comment se déroule une négociation en Russie ?
Une négociation doit aller vite. C'est-à-dire qu'il faut rentrer le plus rapidement possible dans le sujet, sans prendre de précautions oratoires. Par contre, tant qu'on n'a pas signé quelque chose, ça ne vaut rien. Les gens parlent et oublient vite. Il ne faut pas s'attendre non plus à recevoir des écrits tout de suite. Il faut donc faire preuve de patience. Puis, il y a immanquablement des moments de convivialité où les gens en profitent pour vous juger. Et une vodka ne se refuse pas : vous risqueriez qu'on vous laisse mariner ou carrément qu'on vous envoie balader ! Les Russes sont sur le même continent que les Chinois, ne l'oubions pas...

Comment se présente l'organisation du travail, la vie des entreprises, ou encore les relations d'affaires ?
Les Russes sont plus désorganisés que les Français, qui le sont eux-mêmes nettement plus que les Japonais. Concrètement, les Russes n'arrivent jamais à l'heure à un rendez-vous ou une réunion. D'un autre côté, ils sont très directs, favorisent le fonctionnel, quitte à être un peu brutal et ce, dans beaucoup de choses. C'est une caractéristique très slave. Par exemple, si un sous-traitant ou un candidat à l'embauche n'intéresse pas un patron, il le lui dira directement sans fioritures, de la même manière que pour embaucher ou licencier quelqu'un. J'ai déjà vu des salariés quitter l'entreprise en l'espace de dix minutes. La Russie est ultra libéraliste et le social passe en second.


Les gens consomment comme des fous"

Qu'est-ce qui vous a surpris à Saint-Petersbourg ?
Quand on ne connaît pas la Russie, on a une première impression de musée à l'air libre, que tout est suranné, à l'image des bus par exemple. Au-delà de l'apparence, cela marche de - 30°C à +30°C ! Le plus difficile, ce sont les nuits qui s'étalent de 16h00 à 10h30 de fin août à fin janvier. De mai à début août, les nuits blanches de Saint-Petersbourg durent quant à elles de 1h15 à 2h30, sans obscurité totale : une période propice à de nombreuses fêtes. Tout à fait sur un autre plan, les gens consomment comme des fous, plus qu'en France je pense. Il y a une sorte de frénésie et on sent bien qu'il y a eu auparavant des temps difficiles. De plus, c'est une société de l'image, de l'apparence, où beaucoup veulent avoir les produits dernier cri. Pourtant, les salaires sont peu élevés : 200 à 300 dollars par mois pour un ouvrier. Vous êtes richissime si vous touchez 1.000 dollars par mois. Enfin, certains Russes sont très nationalistes et peu tolérants, même au sein de leur propre pays.

Quels conseils donneriez-vous à un Français qui serait amené à travailler avec des Russes ?
Tout d'abord, de ne jamais se mettre en colère devant un Russe. Il risquerait de perdre toute crédibilité car les affaires ou le travail ne sont pas primordiaux. On n'efface pas un siècle d'habitudes soviétiques : le travail a pour beaucoup une connotation alimentaire, c'est tout. Il ne faut pas non plus faire de critiques, ni de commentaires en prenant exemple sur la France. Ils ont l'impression qu'on ne les prend pas au sérieux, et ont un certain complexe d'infériorité. La Russie d'aujourd'hui, c'est l'Europe il y a vingt ans.

Quel bilan faîtes-vous aujourd'hui de votre situation ? Souhaiteriez-vous revenir en France ?
J'ai aujourd'hui un emploi indéboulonnable. Le fait que je parle russe est un avantage important ici mais pas hors de Russie pour l'instant. Je suis certain que je ne trouverais pas de poste équivalent au mien en France.

Dominique Bayvet
(BV Conseil Marketing)


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