Le management de demain sera "coresponsable "

Pour fonctionner en mode hybride, devenir plus agiles et offrir plus d'autonomie aux salariés, les entreprises vont devoir repenser les fondements de la collaboration et s'approprier la culture de la "coresponsabilité".

Plus d’un français sur deux (58%) ne voit plus son travail de la même manière et 81% considèrent la prise en compte de leur bien-être comme un enjeu prioritaire[i].

Vers une nouvelle définition du bien-être au travail

L’amélioration du bien-être n’est pas nouveau puisque cela fait plus de dix ans que les entreprises œuvrent en ce sens. Certaines sont même allées jusqu’à instaurer une fonction de « Responsable du bonheur au travail » dans le but de renforcer les liens, de proposer des services (conciergerie, garde d’enfants…), des animations (cours de yoga, séances de fitness...) ou de mettre du fun dans l’entreprise (baby-foot, Wii parties).

Mais tout dépend ce que l’on entend par bien-être. Il semble bien que la recette du bonheur ait changé depuis le début de la crise et soit devenue plus individualiste[ii] car ce que les français attendent en priorité est de pouvoir agir plus librement sur leur équilibre « vie professionnelle/vie privée » et de se voir offrir une plus grande autonomie, que ce soit en matière d’organisation du travail ou dans la manière de réaliser leurs missions.

Il y a d’ailleurs fort à parier que cette revendication d’autonomie deviendra un critère majeur d’attractivité et de fidélisation, si l’on en croit un récent sondage qui met en avant, qu’à salaire égal, 70% des français préféreraient travailler en tant qu’indépendant qu’en C.D.I.[iii]

De « l’organisation au menu » à la « collaboration à la carte »

Ce que le confinement a révélé ne se limite pas aux bénéfices du télétravail ou de la digitalisation des activités, qui ne sont que la partie visible de l’iceberg, mais aux bienfaits d’instaurer des relations basées sur la confiance, la responsabilisation et la liberté d’action.

Mais comment offrir plus de liberté aux salariés ? La solution serait-elle de supprimer la fonction managériale, comme le proposent certains adeptes de l’entreprise libérée, de l’holacratie ou de la sociocratie ?

Cela ne semble pas être une bonne réponse, tout simplement parce que beaucoup d’études démontrent qu’un groupe d’individu a besoin d’une autorité hiérarchique (et non d’autoritarisme) et qu’au moins 30% des salariés expriment le besoin d’être encadrés. Par ailleurs, 90% des organisations (surtout les grandes) ne peuvent tout simplement pas faire l’économie de cette fonction.

Le pari à relever semble donc d’offrir de la liberté tout en préservant le management, qui a d’ailleurs joué un rôle essentiel durant le premier confinement en prenant soin (care) des collaborateurs et en maintenant le lien avec l’entreprise.

Si nos organisations ont incontestablement su prendre soin des salariés, elles vont devoir s’engager dans une nouvelle version du C.A.R.E. afin de créer les conditions de la Confiance, de l’Autonomie, de la Responsabilisation et de l’Engagement.

Répondre à ces nouvelles attentes nécessitera d’évoluer d’une « organisation au menu » (décidée de manière unilatérale par l’entreprise et imposée aux salariés) à une « collaboration à la carte » (négociée entre toutes les parties prenantes).

Le management coresponsable : évoluer d’une relation « Parent/Enfant » à « Adulte/Adulte »

L’appropriation de cette nouvelle forme de collaboration, intitulée « organisation hybride », ne peut reposer exclusivement sur les épaules des managers (déjà bien chargées), du fait de la complexité de devoir composer avec la diversité des situations et attentes individuelles.

Pour parvenir à relever ce défi, les entreprises vont devoir s’émanciper de la relation « Parent/Enfant », instaurée par le principe de « subordination unilatérale hiérarchique », souvent source d’infantilisation et de mauvaise dépendance, pour adopter une relation « Adulte/Adulte », de manière à ce que chacun devienne auteur de son épanouissement individuel et acteur de la performance collective. Le management de demain sera sans aucun doute « Coresponsable ».

Mais l’expérience démontre que cette transformation est sans doute la plus difficile de toute l’histoire de l’évolution du management parce qu’elle va coûter très C.H.E.R.

Ce qui va coûter n’est pas d’ordre financier mais de l’effort que tous les acteurs de l’entreprise vont devoir faire pour adopter de nouvelles Croyances, modifier certaines Habitudes, composer avec les Émotions induites par ce changement et Raisonner autrement.

Évoluer d’une relation "Parent/Enfant" à "Adulte/Adulte" ne s’obtiendra pas par une nouvelle forme d’organisation mais un nouvel état d’esprit. Une transition de cette ampleur nécessite dans un premier temps que les managers évoluent d’une posture de "Parent" à "Adulte". C’est une fois cette posture bien ancrée par le management qu’il deviendra possible d’encourager les collaborateurs à évoluer d’une posture "d’Enfant" à "Adulte".

Les 10 valeurs du management "coresponsable"

Pour faciliter l’appropriation de cette nouvelle forme de collaboration, l’autorité doit inviter les collaborateurs à adopter de nouveaux comportements. Voici les « 10 messages permissifs » qui facilitent cette transition.

1-  Responsabilité

Je ne suis ni ton père, ni ta mère et tu n’es pas mon enfant. Nous sommes des adultes responsables qui faisons des choix, prenons des décisions et les assumons.

2-  Autonomie

Tu es libre de t’organiser comme tu le veux du moment que tu respectes tes engagements et que cela contribue à la concrétisation de nos projets.

3-  Esprit d’équipe

Si tu es autonome, tu n’es pas indépendant, car tu fais partie d’une équipe. C’est pourquoi tu dois prendre en compte l’impact de tes décisions et de tes actes sur les autres.

4-  Initiative

Tu es libre de prendre des initiatives et d’expérimenter de nouvelles idées, à condition qu’elles soient en cohérence avec notre vision, nos valeurs et qu’elles soient bénéfiques pour l’entreprise, les salariés et nos clients.

5-  Résilience

Tu as le droit de te tromper, de faire des erreurs et d’échouer à condition d’en tirer les enseignements et de les partager pour que nous puissions en bénéficier.

6-  Innovation

N’hésite pas à remettre en cause les règles, les améliorer et en proposer de nouvelles si tu estimes qu’elles sont obsolètes ou inefficaces. Tu es le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour nous, nos clients et je compte sur toi pour nous aider à progresser.

7-  Bien-être

Nous ne sommes pas les seuls responsables de ton bonheur bien que nous y accordions de l’importance. Si tu es démotivé ou que tu ne te sens pas bien, dis-le-nous pour que nous puissions, ensemble, rechercher des solutions.

8-  Assertivité

Tu as le droit d’éprouver des émotions ou de ne pas être d’accord mais ce ne doit jamais être une raison pour créer des tensions. Exprime-nous ce que tu ressens avec bienveillance, authenticité et respect, comme nous le faisons avec toi.

9-  Équité

Si tu estimes que tu vaux plus que ce que tu gagnes, démontre-le-nous en expliquant ce que tu as apporté de plus à l’entreprise et en quoi ce que tu demandes te semble juste et équitable.

10-   Décision

N’oublie pas que tu as choisi de nous rejoindre et que nous t’avons aussi choisi. Si notre collaboration ne te convient plus, dis-le-moi sans crainte car je suis prêt à l’entendre. Si nous ne pouvons plus répondre à tes attentes, le temps est peut-être venu de nous séparer.

De plus, l’appropriation de ces 10 valeurs permet de sortir du triangle dramatique[iv] et des jeux psychologiques contreproductifs qui positionnent habituellement les salariés en "victimes", les managers en "persécuteurs" et les organisations syndicales en "sauveurs".

Souhaitons que cette crise soit l’opportunité d’un renouveau managérial pour qu’entreprises et salariés puissent trouver un meilleur équilibre entre épanouissement et performance.

[i] Sondage IFOP de juin 2020

[ii] Individualisme au sens primauté de l’individu sur la société

[iii] Sondage JobyPepper 2020

[iv] Proposé par Stephen Karpman.