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DOSSIER
 
07/06/2006

Vivre en bonne intelligence avec les syndicats
Comment se comporter avec les délégués syndicaux

Avoir une communication adaptée, être conscient de sa position de force, savoir mener une négociation constructive... Au quotidien ou en cas de conflit social, voici dix conseils pour gérer au mieux vos relations avec les délégués syndicaux.
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Entretenir de bonnes relations avec les délégués syndicaux se travaille au quotidien. Ne pas faire peser de lien hiérarchique avec le représentant syndical, le laisser exprimer son ressenti, anticiper les conflits au moyen d'indicateurs efficaces, ne pas prendre pour soi des revendications exagérées... Autant de bonnes pratiques qu'il est utile d'avoir à l'esprit. Mais même lorsque les relations se détériorent et qu'un conflit social éclate, il y a toujours une ligne de conduite à tenir et un comportement à adopter pour se sortir au mieux de cette situation difficile.

Jean-Nicolas Moreau, Directeur du cabinet Res-Euro Conseil, spécialisé dans les relations syndicales et la gestion des conflits, intervenant chez Elegia Formations et responsable du séminaire "Les relations sociales en pratique" du MBA Management des ressources humaines de l'Université Paris Dauphine, livre ses dix conseils pour gérer de façon constructive vos relations avec les représentants du personnel.

1
  Traiter le délégué syndical d'égal à égal
Il faut bien distinguer les moments où l'on parle avec le salarié de ceux où l'on s'adresse au représentant syndical. Dans un cas, on peut rester derrière son bureau mais dans le deuxième cas, il vaut mieux s'installer côte à côte à une table. Il est important, avec un représentant du personnel, de ne pas marquer le lien hiérarchique. Il faut également aider le salarié à faire la distinction, éventuellement en lui demandant s'il parle en son nom ou en tant qu'élu.

Il faut aussi être conscient qu'il est normal qu'émergent des questions indépendamment des relations hiérarchiques. L'erreur classique serait plutôt de reprocher à l'agent de maîtrise ou au cadre qu'il ait des questions de délégué syndical. Ce que Jean-Nicolas Moreau résume ainsi : "Le patron ne doit pas se prendre pour l'Inquisition."
 
2
  Laisser les délégués syndicaux exprimer leur ressenti
Pour bien vivre ses relations avec les délégués syndicaux, il faut s'accoutumer à échanger avec eux sur un mode symbolique. "Le directeur du site devient le représentant de l'entreprise et le salarié devient le représentant du personnel, explique Jean-Nicolas Moreau. Cette représentation conduit à employer une communication qui n'est pas centrée sur la résolution du problème mais permet d'abord l'expression de ce qui ne va pas. Le premier conseil est donc de laisser les délégués syndicaux exprimer leur ressenti."

En cas d'agression verbale de son interlocuteur, il faut toujours garder son calme. Jean-Nicolas Moreau affirme ainsi qu'"il existe des phénomènes d'amplification et de généralisation, lorsque l'on commence à formuler une revendication. Il faut les encaisser et ne pas se sentir attaqué personnellement. De toute façon, un ressenti ne se conteste pas, il s'analyse." Et face à quelqu'un d'agressif, pas la peine de raisonner : on n'oppose pas la raison à des émotions. "On laisse passer l'orage, ou bien on dit : je vois que le sujet vous tient à cœur, nous l'analyserons à un autre moment".
 
3
  Etablir d'emblée de bonnes relations avec l'élu syndical
Aujourd'hui, les managers ont souvent le sentiment que moins le dialogue social dure, mieux c'est : ils ne savent pas à quoi il sert."

Jean-Nicolas Moreau, Res-Euro Conseil

Dès qu'il y a une nouvelle élection, il faut prévoir un entretien entre le DRH et l'élu, afin de prévoir les conditions de déroulement de son mandat, mais aussi de détendre, d'entrée, le dialogue social. On verra si son poste nécessite d'avertir à l'avance de la prise de ses heures de délégation et on lui rappellera ses droits et sa nouvelle fonction. Ceci se règle beaucoup mieux lors d'un entretien en face à face.

 
4
  Etre conscient de la position de force de la direction

A la table des négociations, la direction étant en faiblesse numérique par rapport aux délégués syndicaux, elle se sent facilement attaquée, d'autant plus que ces derniers ne la ménagent pas toujours. "En réalité, la parole de la direction est une parole opérante, tandis que celle des délégués n'est que verbale, explique Jean-Nicolas Moreau. C'est la direction qui dispose de missiles ; les représentants syndicaux n'ont que des flèches". Elle ne doit donc pas se sentir attaquée mais au contraire conforter le dialogue social, montrer qu'il est important pour l'entreprise et, dans l'action quotidienne, fonder cette écoute.

Sites
Res-Euro Conseil
Université Paris Dauphine
Elegia Formation

Pour le directeur de Res-Euro Conseil, "le contexte actuel est à la déprofessionnalisation des relations sociales. Depuis vingt ans, on constate un affaiblissement des deux côtés de la table, voire l'émergence de secteurs, c'est le cas dans les services, où le dialogue social n'a jamais existé. Aujourd'hui, les managers ont souvent le sentiment que moins le dialogue social dure, mieux c'est : ils ne savent pas à quoi il sert." En effet, 8 % des salariés sont syndiqués, mais moins de 5 % le sont dans le privé. D'où une culture managériale basée sur le sentiment que "les syndicats ne sont pas représentatifs". Et notre expert d'ajouter : "Il est de la responsabilité de l'entreprise de redonner sa place au dialogue social."

 
5
  Mettre en place des indicateurs efficaces du climat social

On constate souvent que les tableaux de bord sociaux globaux sont perpétuellement au rouge : ils n'indiquent donc plus rien. "Et c'est normal, regrette Jean-Nicolas Moreau : les gens sont perturbés, ils ne savent pas où va l'entreprise, qui elle-même n'a aucune certitude. La solution est de mettre en place des tableaux de bord décentralisés." En l'occurrence, les meilleurs observateurs du climat social sont sans doute les agents de maîtrise, en bout de hiérarchie.

Il faut donc les solliciter en temps calme et choisir avec eux plusieurs indicateurs quantitatifs (niveau d'absentéisme, nombre d'accidents de travail, nombre de plaintes de clients…) et qualitatifs (propreté des locaux, convivialité du bureau de l'assistante…). Puis on les fait parler, au cours de réunions tenues une fois par trimestre par exemple. Plus ils vont s'exprimer, plus ils vont prendre du recul par rapport à leur équipe, penser de façon moins affective et plus rationnelle, et ainsi permettre d'agir de façon préventive. Si l'on sent la tension monter, on augmente la fréquence de ces réunions. Pour Jean-Nicolas Moreau, "aujourd'hui, c'est ce qui marche. Souvent, les entreprises aiment les indicateurs globaux, les "observatoires sociaux", mais elles ont tort : les mesures microscopiques sont beaucoup plus efficaces que les mesures macroscopiques."

 
6
  Lorsque le conflit couve, être présent sur le terrain
Pas la peine, au début d'une négociation, d'aborder le fond. Il faut plutôt faire circuler la parole"

Jean-Nicolas Moreau
Dès que l'on sent qu'il y a de l'eau dans le gaz, que le délégué syndical ne vous serre plus la main, que l'on observe une multiplication de tracts distribués aux salariés, on est entré dans la première phase du conflit social. A ce moment là, pour Jean-Nicolas Moreau, aucune hésitation à avoir : "Il faut immédiatement aller sur le terrain. Expliquer que l'on n'est pas l'ennemi. La direction, le DRH, les chefs de service… tous doivent s'y mettre." Le mot d'ordre : faire de la présence pour essayer d'éteindre l'étincelle, notamment auprès des délégués syndicaux. Selon lui, beaucoup de conflits peuvent être évités ainsi.
 
7
  Si le conflit éclate, attendre sans bouger
Si le conflit éclate malgré tout, il convient de se montrer très prudent. Car la libération d'énergie qu'il occasionne peut être très dangereuse. "C'est à ce moment qu'un PDG peut être séquestré ou recevoir un boulon", met en garde notre expert. L'erreur à ne pas commettre est alors d'aller sur le terrain : ce serait pris comme une provocation par les délégués syndicaux et l'ensemble des opposants. "Même si la pression des actionnaires est forte pour intervenir, insiste-t-il, ou que les gens de terrain appellent, il ne faut pas y aller. Or, au tout début, les revendications sont souvent délirantes et les salariés comme leurs représentants ne sont pas prêts à négocier."
 
8
  Lorsque la tension a fini de monter, reprendre l'initiative

Pour redescendre dans l'arène, il faut attendre la phase plateau, où la tension (et le nombre de grévistes) a arrêté de monter. Dès le début du conflit, on aura mis en place une cellule de crise spécifique à la situation à gérer, qui regroupe DRH, Directeur de la communication, Directeur administratif et financier, Directeur commercial s'il y a des perturbations sur les clients et éventuellement des directeurs métiers. Cette cellule de crise permet de prendre des décisions à un moment où tous les tableaux de bord sont dépassés.

Pratique
Toutes les fiches conseils

C'est le moment d'entrer en période de négociation. D'après Jean-Nicolas Moreau, "il faut bien avoir à l'esprit que la négociation n'a pas pour but de mettre fin au conflit, mais d'arriver à un accord qui permet à l'entreprise de se redéployer." Pas question, donc, de tout céder ou d'être intraitable : une négociation doit se mener les yeux rivés sur le moyen terme, en veillant à ce que les délégués syndicaux partagent cet objectif.

 
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  Mener une négociation constructive

Au préalable, on peut tout à fait s'entraîner à négocier. Et de toute façon, préparer l'équipe qui va représenter la direction. Pour cela, on s'appuiera sur les marges de manœuvre identifiées par la cellule de crise. Lorsque débute la séance de négociation proprement dite, le stress est présent des deux côtés de la table. "Pas la peine, dans un premier temps, d'aborder le fond, recommande notre expert. Il faut plutôt faire circuler la parole et laisser les exigences être exprimées." Ensuite, on peut travailler en identifiant les points où il est possible de se mettre d'accord et ceux où il faudra retravailler. Si l'on n'a pas laissé suffisamment les gens s'exprimer en début de négociation, il peut arriver que l'un ou l'autre se montre agressif. Ne pas répondre à cette agression permettra d'éviter les conflits interpersonnels. En fin de séance, on établit le bilan de ce qui fait consensus et de ce qui n'est pas achevé. "C'est le comportement à adopter à chaque étape pour une négociation constructive."

A noter que les grèves purement politiques, d'une autre nature, s'appréhendent tout autrement. "Prenons l'exemple du CPE. Lorsque les salariés s'absentent pour manifester, ce n'est pas l'entreprise elle-même qui est concernée. Il n'y aura donc pas de gestion de conflit en tant que tel."

 
10
  Ne pas vendre la peau de l'ours...
Dernière phase du conflit social : la reprise du travail. D'après Jean-Nicolas Moreau, "il s'agit également d'une phase dangereuse. Il ne faut pas que certains, agents de maîtrise ou délégués syndicaux, essaient de se venger d'une façon ou d'une autre, car le conflit pourrait alors repartir." Il convient donc de se montrer extrêmement attentif à ce que la situation s'apaise véritablement.
 

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