07/06/2006
Vivre en bonne intelligence avec les syndicats Dialogue social en PME : ce qui pourrait changer
|
81 % des PME n'ont pas de délégué syndical. Un rapport du conseil d'Etat émet plusieurs propositions pour y développer le dialogue social. Mais patronat et syndicats se montrent plus que réservés... Le point. |
D'après les syndicats, les employeurs font tout pour les empêcher de s'implanter dans leurs entreprises. Et côté employeurs, on craint de voir s'installer un contre-pouvoir dans la place. D'où la représentativité minime des syndicats et la pauvreté de la négociation salariale dans les PME.
Le 3 mai dernier, le conseiller d'Etat Raphaël Hadas-Lebel a remis au Premier ministre un ensemble de recommandations pour développer le dialogue social en PME. Le principe retenu est de renforcer le rôle des salariés élus, mais pas forcément syndiqués. Une idée qui est loin de faire l'unanimité.
Les principales propositions du rapport Hadas-Lebel
En l'absence de délégué
syndical, la négociation pourrait être facilitée avec les
élus des salariés - membres des comités
d'entreprise ou délégués
du personnel. Certes, une procédure existe déjà, prévue
dans la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social, exigeant la signature,
en amont, d'un accord de branche. Mais comme seulement sept branches
(travail temporaire, agroalimentaire, etc.) se sont saisies de ce
dispositif, le conseiller d'Etat recommande de supprimer ce préalable.
Par ailleurs, le recours au mandatement pourrait être élargi. Pour l'instant, un mandat peut être confié à un salarié non syndiqué pour une négociation précise, avec l'aval de l'une des cinq organisations représentatives. Si cette méthode avait été très utilisée au moment des lois Aubry sur la réduction du temps de travail, elle l'est beaucoup moins depuis. Il s'agirait aujourd'hui d'autoriser le mandatement sans qu'il faille au préalable établir un constat de carence. A terme, Raphaël Hadas-Lebel préconise un conseil d'entreprise unique, qui regrouperait les institutions existantes - délégués du personnel, délégués syndicaux, comité d'entreprise - et négocierait avec les employeurs.
Les syndicats plutôt réticents
Naturellement, les syndicats craignent de voir leurs positions fragilisées. En témoigne Maryse Dumas, Secrétaire confédérale de la CGT, qui déclarait le 30 mai dernier devant la Commission Nationale de la Négociation Collective où Raphaël Hadas-Lebel présentait ses propositions aux partenaires sociaux : "Le rapport s'inscrit dans la lignée des options patronales qui veulent exclure les syndicats d'une réelle présence dans les entreprises, qui veulent négocier avec des élus, en dehors des syndicats mais pas organiser des élections syndicales dans toutes les entreprises, et qui veulent obtenir la réduction des moyens de représentation pour les salariés."
D'autres syndicats y voient pourtant leur intérêt. Ainsi, dans le secteur pharmaceutique, qui a conclu le 19 avril 2006 un accord facilitant le dialogue social dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, FO a décidé de signer : "Il n'y avait pas de risque majeur puisque cela concerne moins de 20 entreprises. En revanche, nous avions un intérêt stratégique à signer en termes d'implantation car nous pourrons identifier les élus au comité d'entreprise ou les délégués du personnel et les contacter pour leur proposer notre aide", a estimé Gilbert Lebrument, secrétaire général de la fédération pharmacie.
Le patronat divisé
La CGPME est la première à se montrer réservée. "Nous sommes satisfaits de pouvoir avoir comme interlocuteurs des élus, reconnus par les salariés, plutôt que des gens ayant pris des consignes à l'extérieur de l'entreprise et qui viennent en entraver le bon fonctionnement, explique son vice-président, Jean-François Veysset. Mais nous sommes plus réservés sur le mandatement. Et très loin de l'idée d'un conseil unique : il risque d'être un contrepoids à l'objectif final de l'entreprise qui est de produire."
D'autres jugent simplement irréalistes les recommandations de Raphaël Hadas-Lebel. Pour Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA), "l'instance unique est inadaptée aux entreprises de moins de 20 salariés où il y a peu de délégués du personnel. Quant à l'idée du mandatement, elle est impraticable. Les employeurs de l'artisanat ne peuvent pas s'improviser négociateurs". L'UPA a préféré signer en décembre 2001, un accord prévoyant une négociation au niveau régional et une cotisation employeur pour financer ce dialogue social de 0,15 % de la masse salariale. Cet accord a été attaqué en justice par le Medef et la CGPME et n'est donc jamais entré en vigueur.
Des négociations que le gouvernement souhaite rapides
Dans le cadre de sa politique de modernisation du dialogue social, et malgré la difficulté à mettre d'accord chaque camp, le Premier ministre a souhaité "avancer rapidement avec les partenaires sociaux" sur le sujet des négociations collectives, sans doute pour faire oublier l'absence de dialogue autour du CPE et du CNE. Il a donc saisi le Conseil économique et social du dossier, qui a pour sa part mis en place une procédure exceptionnelle. Une commission ad hoc se réunira pendant plusieurs mois, au sein de laquelle "l'ensemble des partenaires sociaux discuteront" des propositions contenues dans le rapport. Le gouvernement devrait prendre des mesures à l'issue de ces discussions.
Un témoignage,
une question, un commentaire sur ce dossier ?
Réagissez |
|