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INTERVIEW
octobre 2004
Eric Wuithier (Towers
Perrin)
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Jean-Luc
Cazettes (CFE-CGC) |
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Etes-vous étonné par les résultats de l'enquête
sur les salaires de la CFE-CGC qui démontre qu'une majorité de cadres
ont vu leur pouvoir d'achat baisser ?
Eric Wuithier. Non, je ne suis pas étonné. Beaucoup d'entreprises du secteur
privé, de moyenne ou de grande taille, ne pratiquent pas de politique de maintien
du pouvoir d'achat de leurs salariés. Il y a plus de cinq ans, les cadres pouvaient
bénéficier d'augmentation générale, plus éventuellement d'augmentations individuelles.
Aujourd'hui, seules les négociations individuelles persistent. La rémunération
s'attribue au mérite. Depuis l'explosion de la bulle Internet, les entreprises
ont moins de revenus à redistribuer. Soit elles proposent des augmentations de
salaires de l'ordre de 2,5 à 3,5 % à tous, soit elles ne redistribuent pas leurs
revenus à tous les salariés. Dans ce contexte, ce sont les jeunes et les meilleurs
talents qui peuvent prétendre à une augmentation.
Quelles
sont les perspectives pour 2004 et 2005 sur les augmentations de salaire ?
Les années 2002 et 2003 ont été particulièrement difficiles. 2004 laisse entrevoir
une légère embellie. 2005 devrait rester dans cette lignée.
Les effets du papy-boom vont-ils se ressentir ?
Les entreprises ne vont plus encourager les seniors à partir en pré-retraite.
Elles vont au contraire les garder plus longtemps. Les effets ne se ressentiront
donc pas tout de suite. En 2006, 2007 ou 2008, les seniors quitteront l'entreprise,
ce qui allégera la masse salariale. Cela permettra de recruter des jeunes, qui
coûteront d'ailleurs bien moins cher.
Les salariés ne sont pas en mesure de négocier" |
Comment la rémunération variable évolue-t-elle ?
En 1997 et 1998, les entreprises ont mis en place des systèmes de rémunération
variable pour faire profiter les cadres des bons résultats économiques. A partir
de 2001-2002, la situation s'est inversée, le système de rémunération
s'est retourné contre les cadres. Les entreprises profitent maintenant
de l'effet inverse. Cela signifie pour certains cadres une baisse de la rémunération
par rapport à l'espérance de gain. Prenons l'exemple d'un cadre touchant 40.000
euros par an. Il se voit accorder une augmentation de 3 %, soit de 1.200 euros.
Si sa part variable représente 10.000 et qu'il atteint 80 % de ses objectifs,
il touchera 8.000 euros. On obtient un solde négatif de 800 euros.
Quels sont les secteurs et métiers les plus prometteurs
pour les salaires ?
Certains secteurs fonctionnent en dents de scie. C'est le cas de l'informatique
et des télécoms. D'autres comme l'automobile ou l'industrie pharmaceutique demeurent
plus stables. Concernant les métiers, les commerciaux ont subi de plein fouet
la crise. Mais les entreprises n'ont pas forcément souhaité les perdre et ont
accordé des compensations, sous forme de salaire ou de primes exceptionnelles.
Enfin, les fonctions juridiques, d'achat et de contrôle de gestion tirent leur
épingle du jeu.
Dans ce contexte, sur quels leviers peut-on s'appuyer
pour négocier son salaire ?
Aujourd'hui, les salariés ne sont pas en mesure de négocier. Notamment parce que
les entreprises n'ont pas besoin d'embaucher. Pendant son entretien annuel, il
faut néanmoins insister sur ce que l'on a contribué à réaliser, surtout si un
critère qualitatif est prévu dans le variable. Si l'entreprise n'accorde aucune
augmentation, le cadre peut demander une formation qualifiante, permettant d'obtenir
un diplôme et de valoriser son parcours. Les avantages en nature, comme les voitures
de fonction, se font rares. Enfin, tout ce qui touche la retraite ou l'épargne
se négocie au niveau global. Cela peut donc être un critère lorsque l'on cherche
un emploi, mais il n'est pas possible de le négocier en interne.
Un fossé se creuse entre cadres dirigeants et cadres" |
En tant que cadre, comment faire face à la complexité
de la rémunération aujourd'hui ?
Les DRH sont conscients de cette complexité. Ils constatent que les responsables
hiérarchiques ne savent pas manipuler les outils de rémunération. Les fonctions
RH font un effort pour éclaircir la situation. Chez Air Liquide par exemple, quatre
cents cadres ont reçu une formation de deux jours sur la politique salariale en
2002-2003. Microsoft a distribué il y a quelques mois une brochure interne pour
expliquer les composantes de la rétribution. Certaines sociétés envoient chaque
année à leurs cadres des bilans sociaux individuels, pour faire le point sur l'évolution
de leur rémunération, de leurs formations, de leur retraite, de la valorisation
de leur véhicule ou de leurs stocks-options. Les entreprises ont tout intérêt
à être transparentes sur ces sujets. Les salariés ont en effet tendance à oublier
certaines composantes de la rémunération.
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Les politiques de stocks-options sont-elles amenées
à disparaître ?
Ces politiques sont aujourd'hui controversées. Elles devront maintenant être intégrées
dans la comptabilité des entreprises, qui les utiliseront avec encore plus de
parcimonie. Pour les cadres supérieurs de grandes entreprises, les bonus différés,
par exemple sur trois ans, pourraient remplacer les stocks-options. Ils commencent
à se développer en Grande-Bretagne.
De nouvelles formes de parts variables apparaissent-elles
?
D'autres formes de variable se développent, comme la prime de projet ou la prime
d'équipe, attribuées forfaitairement à toute l'équipe. Elles sont intéressantes
pour les entreprises qui souhaitent développer l'esprit d'équipe, les projets
transverses, la communication ou encore le relationnel. Pour conclure, les entreprises
doivent être vigilantes. Un fossé se creuse entre cadres dirigeants et cadres.
Les dirigeants obtiennent souvent de fortes augmentations alors que les résultats
de l'entreprise sont mauvais. Cela provoque de fortes incompréhensions.
Jean-Luc
Cazettes (CFE-CGC) |
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Parcours
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Diplômé de l'Essec, Eric Wuithier est associé de Towers Perrin qu'il a rejoint en 1990 en tant que consultant senior. Il est plus spécialement orienté dans des missions de conseil en stratégie globale de rétribution, en gestion des emplois et des rémunérations et en systèmes de management de la performance. Eric Wuithier a développé son expérience professionnelle d'abord en entreprise dans des fonctions marketing et commerciales à la Société française des pétroles BP, puis en fonction ressources humaines de 1978 à 1990 successivement chez ICL France en tant que responsable du développement des ressources humaines, puis chez Prime computer et Mc Donnell Douglas en tant que directeur des ressources humaines. |
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