Décembre 2004 : "Pourquoi pas vous ?"

L'aventure a débuté voilà deux ans, vous avez pu en suivre son évolution de la prise de décision au début de la phase commerciale, lors des épisodes précédents.

J'avais convenu avec la rédaction du Journal du Management de garder un caractère anonyme à ce récit car son seul objectif était de mettre cette expérience à disposition des candidats créateurs, en étudiant le projet étape par étape et d'en partager la démarche, les difficultés, les succès.

Mais le caractère anonyme devient à chaque épisode plus difficile à conserver. Je vous propose donc de conclure ce récit par une revue des principaux enseignements que j'en ai tiré, dans le cadre de la création de "ma petite entreprise".

La décision
Créer une entreprise n'est jamais une décision prise à la légère, elle doit en effet conjuguer :
Une prédisposition : une envie latente de prendre en charge son futur, de s'affronter à la somme de problèmes quotidiens qui sont le lot de l'entrepreneur, de gagner en liberté et de perdre en sécurité.
Un évènement déclencheur : l'évolution de la situation qui permet de donner corps à l'idée de création (licenciement, mutation, opportunité…)
Un projet personnel : l'ensemble des attentes et des contraintes personnelles et familiales en terme de disponibilité, de mobilité géographique, de capital disponible, de revenu et de risque financier. L'implication de toute la famille doit être acquise préalablement sur la base de ce projet personnel. C'est une des réflexions les plus importantes de l'aventure car il faudra s'y référer à plusieurs reprises pour valider les choix qui seront à faire durant le parcours.
Un projet d'entreprise : créer ou reprendre ? Dans quel secteur d'activité ? Sur la base de quels acquis professionnels ? Avec quelle vision de développement ?

L'analyse marketing doit être très approfondie"

Durant la phase de décision, hormis l'évènement déclencheur externe, le créateur est face à lui-même, sa personnalité, son environnement familial, ses acquis professionnels, ses aspirations, ses idées. Le plus grand réalisme sur chacun de ces points sera garant de la réussite.

L'impact personnel
Quitter un poste de salarié pour celui de chef d'entreprise implique une profonde modification de l'environnement professionnel :
Compétences requises : heureux le candidat qui a eu l'opportunité de développer dans sa vie salariée l'ensemble des compétences nécessaires au chef d'entreprise qu'il va devenir. Comme ce n'est pas fréquent, il lui faut se former sur les compétences indispensables à son activité, s'associer les services de personnes spécialisées en interne ou en externe et se faire accompagner par un parrain qui lui apportera le coup d'œil externe.
Conditions de travail : durant la phase projet mais aussi au démarrage dans le cas d'une création, l'organisation est bien souvent très simple, les collaborateurs, lorsqu'il y en a, sont peu nombreux ou peu expérimentés. Le chef d'entreprise doit donc assumer ou au moins maîtriser l'ensemble des tâches de l'activité : secrétariat, commercial, production, social, formation, relations externes…Il doit s'y préparer pendant tout le projet.

Le projet
Le projet est lancé, il doit maintenant passer de l'état d'embryon à celui de réalité. L'horloge est activée, le temps passe… Les différentes étapes de cette phase projet ont été détaillées dans les épisodes 3, 4 et 5.

Douze mois avant la première commande"

Dans le cas d'une création d'entreprise (plus encore que dans celui d'une reprise), l'analyse marketing doit être très approfondie. Elle conditionne, en effet, l'ensemble de l'offre (produits, services, prix), son positionnement (analyse concurrence, solutions alternatives, avantages concurrentiels, prix), le développement commercial (cibles, plan de prospection, délai de décision), la structure commerciale (interne, externe) et la communication qui supportera le développement commercial.

Son impact est colossal sur la structure de coût (marge, équipe, communication, déplacements) et sur la trésorerie (durée). Le temps - encore lui - nécessaire afin de se faire connaître, créer une image de la société et la confiance dans les produits, ne doit pas être sous-estimé. Dans mon cas, avec des offres technique et commerciale innovantes, le temps entre le démarrage commercial et la première commande, estimé initialement à six mois, se révèle dans la réalité plus proche de douze mois.

La création
Entre le projet et la création, il n'y a qu'un… grand pas : le financement. Etant donnés mes résultats assez décevants sur ce point, je me contenterai d'analyser les raisons de cet échec. Les besoins de financement étaient faibles 25.000 euros (2/5 en prêt personnel et 3/5 prêt à la société) dont 4 % en capital à notre filiale à l'étranger, le reste pour le développement commercial et la communication. La qualité des investissements "offshore", "immatériels" dans un secteur lié à Internet a eu raison de la bonne volonté des interlocuteurs financiers. A vous d'en tirer les enseignements qui s'appliquent à votre situation. Toutefois dans tous les cas, le choix des interlocuteurs financiers est primordial au risque d'y perdre son temps.

L'entreprise est créée…
Le temps a passé plus vite que je ne l'aurai souhaité, mais cela a aussi permis de maîtriser davantage le projet, d'en évaluer sa sensibilité financière et commerciale, cela n'a pas été vain. Aujourd'hui, malgré les difficultés rencontrées qui ne sont rien en regard de celles qui vont venir dans la vie de l'entreprise, je suis très heureux d'avoir pris cette décision il y a deux ans et quitter un poste "économiquement confortable" mais chaque jour plus "incompatible" avec mon projet personnel et familial.

L'aventure continue donc… et je souhaite que ce soit une longue histoire ! Merci, à tous les lecteurs et lectrices, de m'avoir accompagné durant ces huit épisodes. Bonne chance à vous dans vos projets personnels ! Et si la création vous tente, alors pourquoi pas vous ?