Journal du Net > Management >  Devenez polyglotte : Noreen O'Shea (CCIP)
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(juin 2004)

Noreen O'Shea (CCIP)
"Pour comprendre un pays, il faut passer par sa langue"

La maîtrise d'une ou plusieurs langues étrangères est de plus en plus nécessaire en entreprise. Un domaine dans lequel les Français ne brillent pas vraiment.
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N. O'Shea (CCIP)
J.-P. Robbe (Ferma)

En tant que directrice de Pariglotte, le centre de langues de la CCIP (Chambre de commerce et d'industrie de Paris), Noreen O'Shea fait le point sur l'importance de la connaissance des langues dans le monde des affaires, le niveau des Français en langues et l'état du secteur de la formation linguistique.

Quelles sont les langues les plus utiles dans le monde des affaires ?
Noreen O'Shea. Les formations en anglais représentent 80 % des formations dispensées par Pariglotte. L'espagnol est en constante augmentation, atteignant 9 % des formations, ce qui répond à un besoin réel des entreprises, plus pour s'implanter en Espagne qu'en Amérique latine. Par exemple, l'un de nos clients du secteur des BTP envoie un cadre à Barcelone pendant six mois. Un autre dans le secteur pharmaceutique rédige des rapports d'activité qu'il soumet à la Commission européenne. Sa fonction lui impose donc une parfaite maîtrise de plusieurs langues, au moins l'anglais, l'allemand et l'espagnol.

Certaines langues comme le chinois ne sont-elles pas de plus en plus utiles ?
Nous enseignons en tout treize langues. Les 10 % restant sont principalement le chinois, l'arabe, le japonais, l'allemand et le portugais. Nous observons un maintien de la demande sur le chinois. Entre janvier et juin, nous avons par exemple vendu une centaine d'heures. Par ailleurs, nous proposons maintenant le polonais et le hongrois. Pour l'instant, la demande reste faible pour ces langues. Les entreprises françaises ont surtout besoin de comprendre la culture de ces pays. On ne peut pas s'implanter en Pologne ou négocier avec des Polonais sans comprendre certains aspects culturels essentiels.

Parler anglais, n'est-ce pas suffisant ?
La Commission européenne préconise que chaque Européen parle au moins deux langues étrangères. Bien sûr, l'anglais est une priorité. Mais pour comprendre un pays, il faut passer par sa langue. Il faut faire un effort, aller à la rencontre du pays. Cela prend du temps, mais il faut savoir que l'on apprend plus vite lorsque l'on connaît déjà une langue étrangère. C'est une question d'ouverture d'esprit.


Nous ressentons une reprise d'activité"

Dans quelles situations cette ouverture aux langues est particulièrement important ?
Pour négocier, s'implanter, vendre un nouveau produit, faire de la recherche, s'entourer d'une équipe, choisir des fournisseurs… il faut comprendre un minimum la personne. Sinon, on risque de passer loin des secrets et des subtilités. Parler une langue constitue aussi un signe positif très apprécié, qui montre que l'on accueille l'autre.

Quels sont les besoins pour l'apprentissage de l'anglais ?
La motivation pour apprendre une langue dépend d'un besoin. A l'oral, les cadres veulent pouvoir comprendre ce qu'on leur dit, et répondre convenablement dans un métier et un secteur donnés. Pour vraiment maîtriser une langue, il faut aussi savoir l'écrire. C'est d'ailleurs de plus en plus important avec l'usage croissant du mail. Le niveau général ayant augmenté, les demandes touchent de plus en plus l'écrit.

Comment se porte le secteur de la formation en langues ?
Il y a une quinzaine d'années, lorsque les entreprises voulaient satisfaire leurs salariés, elles leur proposaient des formations utiles mais peu stratégiques, telles que les langues ou l'informatique. La situation a beaucoup évolué. Aujourd'hui, la formation continue nous accompagne tout au long de notre vie. La législation a entraîné une véritable professionnalisation des organismes de formation en langues. Les formations linguistiques en entreprise doivent répondre à des besoins ciblés et stratégiques. En ce moment, nous ressentons une reprise d'activité. Les demandes de formations linguistiques sont étroitement liées à l'état de l'économie générale et la santé du marché. Les entreprises souhaitent optimiser leurs budgets de formation tout en exigeant des prestations de grande qualité.


Pour les Français, parler anglais, c'est déjà énorme"

Combien de temps faut-il pour apprendre une langue ?
Cela dépend de son besoin et de son objectif. Il faut également identifier son niveau. A Pariglotte, nous avons créé sept niveaux. Il faut en moyenne une centaine d'heures pour passer d'un niveau à l'autre, en anglais, en espagnol et en italien. Pour apprendre l'allemand, on compte 10 à 20 % de temps en plus. L'apprentissage de l'arabe ou du chinois exige d'appréhender une autre culture, ce qui requiert plus de temps et de concentration.

Comment se situe le niveau de langue des Français par rapport aux autres pays ?
Pour les Français, parler anglais, c'est déjà énorme. Depuis dix ans, on observe cependant un changement, une prise de conscience. Le niveau général s'est amélioré, notamment chez les jeunes, mais les Français restent très loin derrière les Allemands, les Suédois, les Danois ou encore les Hollandais. C'est peut-être à cause de la manière dont on enseigne les langues à l'école ou parce que la langue française a joui pendant longtemps d'un statut particulier dans les échanges internationaux. Aujourd'hui, l'apprentissage d'une langue doit être convivial, vivant, sinon on s'ennuie. Dans une Europe qui s'élargit et où la concurrence est rude, la maîtrise de langues étrangères devient incontournable. Aujourd'hui, les Français intègrent mieux cet ensemble de facteurs et sont plus ouverts à l'apprentissage des langues.

Quels sont les moyens les plus efficaces pour apprendre une langue ?
L'e-learning pur et dur ne fonctionne pas. L'apprenant doit être accompagné. Seul un face-à-face peut l'encourager dans son travail. Il faut donc combiner plusieurs médias comme Internet et le téléphone, et les cours avec un formateur.

Parcours

Noreen O'Shea est directrice de Pariglotte, le centre de langues de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Elle a débuté sa carrière en tant que professeur d'anglais langue étrangère. Elle a ensuite été directeur associé d'un organisme de formation en langues et communication, puis formateur et consultant auprès de petites entreprises en tant que vacataire à la CCIP, et enfin chef de projets européens au département développement de projets de la DFC (Délégation de la formation continue de la CCIP).


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