Journal du Net > Management >  Dossier : Etre heureux et zen au travail - J'apprends et je transmets
CARRIERE
 
02/09/2005

Heureux et zen au travail
J'apprends et je transmets

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Je prends du recul
Je vis bien avec les autres Je prends du recul
Je travaille pour mes valeurs J'apprends et je transmets
Je concilie vie pro et vie perso Je gère les conflits
Je gère mon stress Je change de trajet

Philippe Bernoux (Sociologue)
"Apprendre est lié au projet de l'individu"

Selon Luc Boltanski et Eve Chiapello, auteurs de Le nouvel esprit du capitalisme (Gallimard, 1999), le cadre n'est plus fidèle à l'entreprise mais à un projet professionnel en entreprise. Il n'a plus envie d'apprendre pour l'entreprise mais pour lui-même. Pour le sociologue Philippe Bernoux, le développement personnel est également lié au projet professionnel. En somme, c'est être acteur de son projet professionnel, capable d'action, de faire passer ses idées ou rationalité.

Quelles sont les conditions pour apprendre ?
Philippe Bernoux. L'individu ne peut pas apprendre si cela ne s'intègre pas dans un projet personnel. Ceux qui assistent passivement à l'apprentissage d'un nouveau logiciel, par exemple, n'apprennent rien. S'ils prennent conscience que cela peut les aider dans leur travail quotidien et également leur servir dans leur carrière, alors ils assimilent ce logiciel.

Y a-t-il un environnement propice pour apprendre ?
Pour apprendre, il faut qu'il y ait des perspectives d'avenir à partir des nouvelles connaissances acquises. Dans un modèle où il n'y a ni réponse à des problèmes quotidien de travail, ni perspective d'évolution, ni projet d'avenir, il n'y a pas d'apprentissage, mais des exécutions faites sans chercher à comprendre. C'est un système donneur d'ordres sans place pour l'initiative, donc sans innovation, sans effort pour mieux faire. Les véritables obstacles dans le processus d'apprentissage sont le sentiment de non-réponse aux problèmes concrets, l'absence de visibilité de l'avenir de l'entreprise et la trajectoire professionnelle floue de l'individu.

Le contexte économique actuel valorise le système financier régi par les aléas de la bourse...
Effectivement, celui qui doit apprendre est soumis à des ordres et des contraintes contradictoires, comme à la fois aller plus vite, faire des économies et respecter les procédures. Or, une contrainte est différente si elle est subie passivement ou bien activement, tel un but à atteindre. Les cadres de 50 ans en ont marre et se mettent à leur compte car, pour eux, l'entreprise est devenue incohérente. C'est ce que j'appelle le paradoxe des cadres : devoir gérer dans l'autonomie tout en se pliant à nombre de contraintes, suivant la contradiction entre modèle industriel et modèle financier. Pour que le salarié apprenne, l'entreprise doit être crédible dans son avenir et permettre aux cadres de gérer leurs affaires sans être soumis au système financier actuel.

Avoir envie de transmettre c'est accepter de partager"
Transmettre des connaissances est-il une source d'épanouissement ?
Enseigner une chose nouvelle est une source d'épanouissement car on se positionne comme quelqu'un qui sait et qui donne. Mais une situation pédagogique n'est gratifiante que si le contexte est propice : un groupe d'apprentis réceptifs et une structure qui permet de transmettre, notamment en offrant une garantie sur le fonctionnement de l'entreprise et l'avenir de l'apprenti.

Comment définissez-vous la relation mentor-apprenti ou senior-junior ? Quel est le rôle des interactions en entreprise ?
Les relations entre jeunes et seniors, entre nouvel arrivant dans l'entreprise et mentor, sont difficiles. Les jeunes pensent par exemple qu'ils maîtrisent mieux les technologies. Et c'est vrai. Les technologies évoluent très rapidement. Les jeunes estiment que les seniors sont techniquement dépassés à 40 ans. Or, les seniors, eux, maîtrisent autre chose : ils connaissent les jeux de pouvoir, les rouages de l'organisation et les différentes rationalités, c'est-à-dire les manières de regarder les objets. Ainsi, les services de production ou de maintenance n'auront pas la même vision sur une machine. Le senior a la pratique du jeu des rationalités différentes et sait qu'aucune ne doit écraser l'autre. D'où, parfois, le choix d'une technologie moins avancée mais qui est la seule capable de s'adapter au contexte, avec ses avantages et ses inconvénients.

Quand est-on disposé et qualifié pour transmettre ses connaissances ?
Quand on se sent mûr, quand on a envie de transmettre et que l'on est qualifié techniquement. Avoir envie de transmettre c'est accepter de partager. On ne peut apprendre que si l'on est humble. Apprendre aux autres c'est accepter aussi d'apprendre des autres et de les écouter.

Parcours
Philippe Bernoux, sociologue des organisations et des entreprises, directeur de recherche honoraire au CNRS, est le fondateur du Groupe lyonnais de sociologie industrielle (CNRS et université Lumière Lyon II). Il a également enseigné à l'université et dans des écoles d'ingénieur. Il a notamment publié "La Sociologie des organisations" (Seuil, 2002), "Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations" (Seuil, 2004), "Nouvelles approches sociologiques des organisations" (Seuil, 2005).
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