02/09/2005
Heureux et zen au travail Je prends
du recul
Anne-Marie
Cariou
(Stimulus)
"Prendre du recul implique de canaliser
son imagination"
Anne-Marie Cariou, psychologue et consultante chez Stimulus,
cabinet de conseil sur le stress professionnel et le changement
Qu'est-ce que prendre du recul peut
apporter de positif à sa carrière ?
Anne-Marie
Cariou : Rester lucide face à toute situation permet d'être
plus productif et plus efficace. Mais, surtout, on est plus
à même de traiter le capital humain. Partout où il y a des hommes,
il y a des émotions et de ce fait un besoin d'écoute... Savoir
gérer son équipe pour évoluer avec elle est la clef du succès.
Il faut avoir conscience que manager ses collaborateurs demande
du temps, de l'énergie et de la disponibilité. Prendre du recul,
c'est rester investi dans son travail tout en acceptant les
émotions dans la sphère professionnelle, que ce soit les nôtres
ou celles de notre équipe.
Quelles
sont les obstacles qui nous empêchent de relativiser dans notre
travail ?
Notre imagination et notre capacité de projection
jouent pour beaucoup dans notre difficulté à prendre du recul.
Nous avons tendance à nous faire du souci, à nous enfermer dans
des supputations quant à l'évolution d'un projet ou d'un problème.
Nous entrons alors dans une spirale infernale dans laquelle
la difficulté à prendre du recul et les troubles physiologiques,
comportementaux et émotionnels, s'entretiennent réciproquement.
Il est très difficile, dans la société actuelle, de quitter
la course à la performance car le monde du travail est de plus
en plus exigeant. Tout doit aller très vite, toujours plus vite.
Les salariés, sans cesse interrompus par leurs outils
de communication, rencontrent des difficultés à se concentrer
sur un sujet. Ils mènent une guerre acharnée contre le temps,
les autres et eux-mêmes, sans vraiment s'interroger sur les
enjeux véritables.
Raisonner en termes de
moyens au lieu de se préoccuper outre mesure du résultat"
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A partir
de quel moment peut-on diagnostiquer une perte de recul chez
l'individu ?
Des signes physiques peuvent nous l'indiquer, plus ou moins
marqués selon sa sensibilité. Ainsi, l'individu perd le sommeil,
développe des tendinites, a des problèmes digestifs. Il peut
également avoir des troubles de l'humeur accompagnés d'un désintérêt
croissant pour la sphère sociale et privée. Dans ce cas, il
s'éloigne progressivement de ses proches, semble indisponible
et distant. La sphère professionnelle envahit totalement la
sphère privée. L'attitude est également un bon indicateur sur
la perte de recul. Face au stress, on peut perdre ses repères
et adopter des dérives comportementales compensatrices, nocives
pour l'organisme, comme l'alcoolisme.
Quels
sont vos conseils pour prendre du recul ?
Premièrement, il est important que les cadres sachent détecter
leur stress. Les émotions sont souvent exacerbées par cette
fébrilité qui empêche de rester clairvoyant. Une fois que l'on
est conscient de son manque de recul, on peut utiliser deux
méthodes de relaxation : le "training
autogène" de Schultz ou la méthode élaborée par Jacobson
(cf. encadré). Grâce à
celles-ci, on parvient à récupérer en se concentrant sur sa
respiration. Ces deux techniques ont l'avantage de pouvoir
être utilisées à tout moment, et en toute discrétion. Par ailleurs,
il faut également veiller à ne pas laisser s'installer
des relations agressives au sein d'une équipe. L'attitude à
privilégier est de toujours recentrer le débat en posant des
questions et de s'attacher au fond des problèmes. Je
conseille aussi de développer des modérateurs de stress que
sont les liens sociaux avec les familles et les amis, mais aussi
les activités culturelles et les sportives. Cela nous permet
de sortir de nos préoccupations professionnelles et de nous
exprimer. Enfin, pour prendre du recul il est important de raisonner
en terme de moyens au lieu de se préoccuper outre mesure du
résultat escompté. Relativiser, c'est aussi construire avec
les moyens du bord.
La difficulté à prendre
du recul dépend-elle de l'enjeu ?
La plus grande difficulté consiste à se demander
ce qui est réellement urgent. Le but visé justifie-t-il véritablement
l'état de fébrilité dans lequel on se met ? Le plus difficile
dans une mission est de parvenir à gérer l'humain correctement,
et nul doute que plus notre taux d'anxiété augmente moins nous
y parvenons, ce qui réduit systématiquement nos chances de réussite.
Deux
méthodes de relaxation
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La méthode de relaxation élaborée par Edmund Jacobson
dans les années 40 reste sur le plan physiologique. Elle
apprend à réduire au niveau minimum l'activité musculaire
et permet ainsi de mieux contrôler son énergie. Grâce
à cette technique de relaxation progressive, le patient
peut diminuer la tension musculaire de l'ensemble de son
corps.
Le "training autogène" a été mis au point
par le psychiatre allemand, Johannes H. Schultz, dans
les années 1930. C'est une méthode d'entraînement intérieure
dirigée par la personne elle-même, aboutissant à un état
de relaxation et de détente. Cette caractéristique lui
a souvent valu d'être considérée comme une méthode d'auto-hypnose.
Cette technique permet d'acquérir une maîtrise consciente
de processus physiques involontaires tels que le rythme
cardiaque, la circulation sanguine, la température. L'adaptation
actuelle de cette méthode est la sophrologie. |
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